Fil d'Ariane
"Sans précédent", "séisme", "raz-de-marée" : les médias néerlandais se montrent, au lendemain des élections législatives, stupéfaits par l'ampleur de la victoire du dirigeant d'extrême droite Geert Wilders.
Des militants du parti conservateur, le VVD, regardent les premières réactions de Geert Wilders, chef du PVV, le parti de la liberté après les premiers résultats.
Le PVV a remporté 37 des 150 sièges au Parlement, soit plus du double que lors du scrutin de 2021, selon des résultats presque complets.
Si Geert Wilders, avait, juste avant les élections, fait une percée dans les sondages, aucune enquête d'opinion n'avait prédit qu'il emporterait 12 sièges de plus que la formation arrivée deuxième - l'alliance gauche-écologistes de Frans Timmermans, avec 25 sièges -, un écart significatif dans un paysage politique morcelé.
"Plusieurs raisons" expliquent cette victoire, analyse jeudi Sarah de Lange, professeure de pluralisme politique à l'Université d'Amsterdam.
Lire : quel est le programme de Geert Wilders et de son parti d'extrême droite ?
La principale erreur commise par ses adversaires a été de mettre l'immigration au coeur de la campagne, explique à l'AFP Diederick van Wijk, chercheur à l'Institut Clingendael. "Ils ont vraiment fait son jeu", estime Mme de Lange.
Même si l'immigration a toujours été un sujet important des politiques néerlandaises, plusieurs partis l'ont liée aux préoccupations quotidiennes des électeurs, notamment à la crise du logement.
Le parti VVD de centre-droit a tenté de durcir ses positions sur l’immigration, mais ses propositions ont fini par ressembler à une pâle imitation de celles de l'extrême droite, explique Mme de Lange. "Après tout, pourquoi voter pour la copie quand on peut voter pour l'original ?".
La dirigeante du VVD Dilan Yeşilgöz a stupéfié la scène politique néerlandaise en déclarant avant le vote qu'elle gouvernerait avec M. Wilders si elle devenait Première ministre, mais pas l'inverse. Son prédécesseur, le Premier ministre sortant Mark Rutte, y était opposé.
Cette volte-face de Mme Yesilgoz signifiait qu'un vote pour l'extrême droite n'était plus vain. "Pour la première fois", M. Wilders "avait une chance réaliste d'obtenir un certain pouvoir" ce qui a attiré les électeurs, analyse Mme De Lange.
Pendant sa campagne, Geert Wilders a tenté de mettre en sourdine sa rhétorique populiste islamophobe et de se concentrer sur d'autres préoccupations des électeurs que l'immigration, comme la hausse du coût de la vie, afin d'élargir son électorat.
Pour Mme De Lange, les médias "ont proclamé que le dirigeant d'extrême droite islamophobe était devenu un homme politique plus modéré et plus acceptable", contribuant à sa victoire.
"Nous avons vraiment vu ce que nous avons vu partout en Europe, à savoir la normalisation de l'extrême droite", a-t-elle déclaré à l'AFP.
Au lendemain des résultats, le leader de gauche Frans Timmermans a vivement réagi aux questions d'un journaliste qui l'interrogeait sur la politique décrite dans le manifeste de Geert Wilders, qui appelle à l'interdiction des mosquées et du Coran.
"Pourquoi me posez-vous la question à moi ? Pourquoi ne lui avez-vous jamais demandé : qu'en est-il de votre manifeste ?", a-t-il lancé.
"Les électeurs en ont assez. Ils en plus qu'assez", a affirmé Geert Wilders après les résultats.
Après un record 13 ans de Mark Rutte à la tête du pays, surnommé Premier ministre "Téflon" pour sa capacité à surmonter les scandales, les électeurs étaient en effet avides de changement.
Cela s'est traduit par une perte de dix sièges pour le VVD, dirigé par Dilan Yeşilgöz, relégué à la troisième place avec 24 sièges. M. Wilders semble avoir récupéré la majorité des voix perdues par ce parti.
Le Nouveau Contrat Social (NSC), lancé en août par le député anti-corruption Pieter Omtzigt, a remporté 20 sièges.
"Son unique argument de vente était qu’il plaidait en faveur d’une nouvelle culture politique, différente de celle proposée par Mark Rutte", a déclaré Mme De Lange.
Ses attaques contre le bilan du VVD tout au long de sa campagne ont finalement servi l'extrême droite.
Pieter Omtzigt s'est déjà déclaré prêt à discuter avec Geert Wilders d'une coalition.
© Agence France-Presse