Pédocriminalité dans l'Église : un livre enquête affirme que Jean-Paul II a couvert des prêtres pédophiles

Jean Paul II dissimulait des affaires de pédophilie dans l'Église catholique en Pologne, bien avant d'être élu souverain pontife en 1978. C’est ce que révèle une enquête diffusée à la télévision polonaise le 5 mars et un livre à charge, écrit par un journaliste néerlandais, publié le 8 mars.

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Jean-Paul II en 2003
Jean-Paul II, deux ans avant sa mort, le 16 octobre 2003, lors d'un collège des cardinaux à Rome.
© AP Photo/Plinio Lepri, File
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Ekke Overbeek dévoile que bien avant que les scandales de pédophilie dans l’Église soient mis au jour vers le milieu des années 1980, le cardinal de Cracovie, Karol Wojtyla, le futur pape Jean-Paul II, a couvert des prêtres pédophiles.

L'ouvrage du journaliste néerlandais de 53 ans,"Maxima culpa. Jean Paul II savait", est le fruit de plus de dix ans d'enquête, de fouilles dans les archives et d'entretiens avec des témoins. Un travail remis en cause par les autorités polonaises et certains jouranlistes qui reprochent notamment à leur confrère de s'être reposé sur les archives de l’Institut polonais de la mémoire nationale IPN, qui conserve notamment les rapports des agents secrets communistes UB (l’équivalent polonais du KGB, ndlr).

"J'ai trouvé des preuves qu'il était non seulement au courant (...) de cas d'abus sexuels parmi les prêtres de son archidiocèse de Cracovie, mais qu’il a aussi aidé à les couvrir", déclare Ekke Overbeek dans un entretien à l’AFP.

Des faits remontant aux années 1970

Parmi les exemples documentés dans ce livre de plus de 500 pages, le journaliste cite celui d'un prêtre accusé d'actes sexuels oraux sur des fillettes de 10 ans, qui, avant d'être traduit en justice, a avoué les faits devant Karol Wojtyla.
 
"Cela est décrit dans deux, même trois documents différents. Depuis, nous savons à 100% qu'en 1970, Wojtyla a déjà entendu parler d'abus sexuels", dit-il.
 

Wojtyla en 1972
Le Cardinal Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie arrive à Rome le 7 novembre 1972 afin de remercier le Pape Paul VI qui a reconnu le droit de la Pologne de réclamer des territoires qui lui avaient été enlevés par l'Allemagne pendant la 2ème guerre mondiale. Le Pape Paul VI a donné le chapeau de cardinal à Wojtyla en 1967.
© Ap Photo/Mario Torrisi

Le prêtre est condamné mais quand il sort de prison, l'archevêque "lui permet de poursuivre son ministère et c'est confirmé par une lettre écrite par Wojtyla", souligne Ekke Overbeek.

L’affaire Sadus

"L'une des histoires les plus difficiles à accepter", est celle du prêtre Boleslaw Sadus, proche collaborateur du futur Jean Paul II.

"Quand Sadus a des ennuis car il est accusé d'avoir agressé des garçons, il l'aide à s'échapper de Pologne, lui organise, on peut dire, une nouvelle carrière en Autriche", insiste le journaliste et c'est "il semble", sans prévenir ses pairs sur les raisons pour lesquelles le père Sadus devait quitter le pays, à en croire la lettre de recommandation écrite et signée par Karol Wojtyla.
 
Ekke Overbeek a affirmé avoir contacté des victimes qui se sont exprimées sous couvert d'anonymat: "J'étais la première personne à qui elles ont parlé de ce qu'elles avaient vécu dans leur enfance". "Dans ce pays, les victimes d'abus sexuels du clergé ont (toujours) peur", dit-il.
 
En même temps, "les archives de l'Église catholique sont fermées aux journalistes" à la plume critique, regrette-t-il.
 
Il est arrivé que l'Église polonaise refuse de fournir des documents même à la justice ou à une commission publique d'enquête sur les cas de pédophilie. 

Obstruction de la part de l’Église

Les réalisateurs d'une enquête journalistique également consacrée à Jean Paul II et évoquant les mêmes faits ont connu les mêmes obstacles.
 
L'enquête a été diffusée ce dimanche 5 mars par la télévision privée polonaise TVN. Son auteur, Michal Gutowski, démontre que Karol Wojtyla au courant de cas d'actes de pédophilie commis par des prêtres de son diocèse, les transférait d'une paroisse à l'autre pour éviter le scandale.

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Il confirme ce que dévoile Ekke Overbeek concernant le père Boleslaw Sadus. Le cardinal Wojtyla l'a envoyé en Autriche avec une lettre de recommandation pour le cardinal de Vienne Franz König, sans l'informer des accusations qui pesaient contre lui.
 
Dans le cadre de l'enquête, Michal Gutowski a rencontré des victimes de prêtres pédophiles, leurs proches, ainsi que d'anciens employés du diocèse.
 
Il cite aussi des documents de l'ancienne police secrète communiste SB et de rares documents de l'Église auxquels il a pu accéder.
 
Le diocèse de Cracovie lui a refusé l'accès à ses archives, comme pour Ekke Overbeek.
 
Il est déjà arrivé que l'Église polonaise refuse de fournir des documents, même à la justice ou à une commission publique d'enquête sur les cas de pédophilie.

Imposer le secret

Souhaitant garder l'anonymat, un témoin a confirmé avoir personnellement rapporté au cardinal Wojtyla les actes pédophiles d'un prêtre en 1973.
 
"Wojtyla voulait d'abord s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un bluff. Il a demandé de ne le rapporter nulle part, il a dit qu'il s'en occuperait", a déclaré cet homme ajoutant que le cardinal lui avait explicitement demandé si l'affaire pouvait rester étouffée.
 
"Ce que vous avez découvert est révolutionnaire car cela montre ce que beaucoup de gens soupçonnaient depuis des années, que Jean-Paul II savait que ce problème existait avant même qu'il ne devienne pape", a déclaré dans le reportage Thomas Doyle, ancien prêtre catholique américain, spécialiste du droit canonique et auteur d'un des premiers rapports sur les abus du clergé catholique aux États-Unis.

"Il devait savoir mais il n'y avait pas de preuves. Et là, on a une preuve", a-t-il relevé.

Défendre "Saint Jean-Paul II"

L'Église polonaise et les autorités ont immédiatement fustigé ce reportage et la publication du livre d'Overbeek.
 
Le Premier ministre Mateusz Morawiecki a dénoncé des "démarches qui dépassent [les cadres d']un débat civilisé" à propos de "notre pape", alors que son parti nationaliste populiste veut faire approuver par le parlement une déclaration "en défense du Saint Jean Paul II". (La cause de béatification de Jean-Paul II a été initiée très peu d etemps après sa mort, en juin 2005. Il a été béatifié en mai 2011 et canonisé en 2014 n.d.l.r.)
 
De son côté, l'archevêque de Lodz, Mgr Grzegorz Rys, a estimé que "personne dans le monde ne comprend ce que les Polonais font aujourd'hui au pape Jean Paul II", en s'attaquant à son image.
 
Pour Ekke Overbeek, "le fait le plus troublant est qu'il était très indulgent envers les prêtres (...) et qu'il n'a prêté aucune attention aux victimes et à leurs familles".
 "Nous sommes habitués à un personnage empathique et chaleureux alors qu'ici on voit un visage complètement différent de la même personne, un genre d'apparatchik de l'institution ecclésiastique".
 

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Plusieurs affaires de pédophilie au sein du clergé, révélées principalement par les médias, ont secoué l'Église polonaise ces dernières années. Plusieurs hauts responsables polonais ont été sanctionnés par le Vatican.