Fil d'Ariane
La présidente de NTI, Aluki Kotierk, fait partie de la délégation de six personnes, qui espèrent rencontrer l’ex-prêtre Rivoire. Son bureau a envoyé plusieurs lettres au responsable des Oblats [un oblat est une personne, laïc ou prêtre, qui s'engage à respecter les règles d'une communauté religieuse sans en prononcer les voeux et en gardant un costume laïque, NDLR], ainsi qu’au président Emmanuel Macron, à la première ministre et au ministre de la Justice français.
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NTI, l'organisme chargé de porter les revendications des populations inuits du Nunavut, a retenu les services d’une avocate spécialisée en immigration et en asile de droit français, Nadia Debbache, qui a déjà géré des cas semblables.
Nadia Debbache est aussi membre de l’organisation Ending Clergy Abuse (ECA), qui défend les droits des enfants et des victimes du clergé à travers le monde.
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L’avocate explique qu’une décision sur l’extradition de l’ex-prêtre est attendue de la part du ministre de la Justice français, Éric Dupond-Moretti, et que la pression du public français pourrait aider la cause. "Nous n’avons pas beaucoup de temps, car Monsieur Rivoire est très âgé", explique Nadia Debbac.
Johannes Rivoire est un fugitif recherché au Canada, qui doit être traduit en justice.
Aluki Kotierk, présidente, Nunavut Tunngavik Inc.
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Steve Mapsalak, un ancien député territorial, fait partie de la délégation. Lorsqu’il avait 6 ans, il a dû quitter sa communauté de Naujaat pour se rendre à l’externat indien fédéral Sir Joseph Bernier, à Chesterfield Inlet. C’est lors de son passage à l’externat, dans les années 1960, que l’ex-prêtre Rivoire aurait commis des violences sexuelles sur lui.
Steve Mapsalak arrive difficilement à mettre des mots sur ce qu’il a vécu, tant les souvenirs sont douloureux.
C’est embarrassant. C’est difficile. De penser que [les prêtres] m’ont enlevé de ma famille. Ce sont eux qui nous disaient ce qui était bien et ce qui était mal.
Steve Mapsalak, membre de la délégation
Les deux enfants d’une ancienne présumée victime aujourd’hui décédée, Marius Tungilik, font aussi partie du voyage. Tanya Tungilik sait déjà ce qu’elle dira à l'ancien prêtre si elle le rencontre.
Je veux lui dire qu’il a détruit la vie de mon père, et nos vies aussi. Je veux que Johannes Rivoire soit traduit en justice, qu’il soit emmené au Canada, dit la résidente de Rankin Inlet.
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Un premier mandat d’arrêt contre l’ex-prêtre a été lancé en 1998, mais ce dernier avait déjà quitté le Canada pour la France en 1993.
Selon le traité d'extradition entre le Canada et la France, les deux pays ne sont pas obligés d’extrader leurs ressortissants, et Johannes Rivoire n’est pas légalement tenu de revenir au Canada pour faire face à la justice.
En 2017, le Service des poursuites pénales du Canada a suspendu les accusations, jugeant qu’il n’y avait plus de perspective raisonnable de condamnation contre l'ex-prêtre catholique.
La Gendarmerie royale du Canada au Nuvavut a porté, au printemps dernier, une nouvelle accusation contre Johannes Rivoire pour l’agression sexuelle présumée d’une femme inuk lorsque celle-ci avait 6 ans dans les années 1970.
En juillet, le Service des poursuites pénales du Canada a fait une demande d’extradition concernant l’ancien oblat.
Durant une entrevue avec le réseau APTN, en juillet 2022, Johannes Rivoire a nié avoir commis des agressions sexuelles sur des enfants inuit. L'ex-prêtre est aujourd’hui âgé de 92 ans et vit à Lyon, en France.
Avec des informations de Juanita Taylor.