Pédophilie dans l’Église : "la tolérance zéro est de mise avec le pape François"

Alors que l'Église catholique traverse une crise sans précédent, le Vatican accueille un sommet mondial contre les abus sexuels sur mineurs au sein de l'institution, du jeudi 21 au dimanche 24 février. Sont attendus près de 200 participants - présidents des conférences épiscopales, prêtres, évêques, ainsi que quelques victimes. Entretien avec l’historien des religions Odon Vallet.
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Des membres de l'organisation "Ending clerical abuse" (ECA, "Pour en finir avec les abus du clergé") au Vatican, 18 février 2019.
© AP / Gregorio Borgia
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Les scandales de pédophilie au sein de l’Église catholique se multiplient. Ce samedi 16 février, pour la première fois, un prélat a été défroqué - le cardinal de Washington Théodore McCarrick. En France, le père Preynat est mis en examen pour agressions sexuelles dans le diocèse de Lyon. Une histoire dont s’est inspiré François Ozon dans son dernier film "Grâce à Dieu", Ours d’argent du festival du film de Berlin, et autorisé par la justice à sortir, comme prévu, ce mercredi 20 février dans les salles françaises.

Le lendemain, s’ouvre le sommet mondial sur la pédophilie au Vatican. Le même jour paraît "Sodoma" de Frédéric Martel – une enquête sur le Vatican, bastion de l'homophobie qui compterait "80% de prêtres homosexuels", selon une source citée par le journaliste.

De l’Irlande aux États-Unis, sans oublier le continent africain, les révélations de scandales de pédophilie au sein de l’Église plongent l’institution dans une grave crise de confiance, et l’exhorte à sortir de son silence.


TV5MONDE : que peut-on attendre de ce sommet sur les crimes pédophiles au sein de l’Église au Vatican ?
Odon Vallet : C’est encore assez flou. La seule certitude, c’est que le pape François est le grand vainqueur. Il est le seul à avoir dit que tout cela n’était pas normal. Il est l’homme de la situation. Le pape aimerait que ces crimes sexuels contre des mineurs deviennent imprescriptibles. Une autre mesure consisterait à faire figurer les archives dans les diocèses.

Les 199 présidents des conférences épiscopales du monde entier, dont 37 Africains, sont invités à ce sommet. Rien n’est plus tabou. On doit aussi admettre que cela se déroule dans tous les pays ; les crimes pédophiles concernent les cinq continents, y compris l’Asie et l’Afrique. La pédophilie, ce n’est plus ce que d'aucuns appellent le "vice des Blancs". Par ailleurs, la question du célibat se pose, notamment en Afrique où un prêtre sur deux aurait une compagne.


Se dirige-t-on vers la fin de l’impunité au sein de l’Église ?
Incontestablement, nous assistons à une évolution. Un réel progrès de la part de l’Église est fait. La justice ecclésiastique se montre plus sévère que la justice civile. On le voit avec le cas du cardinal américain Théodore McCarrick, rendu à l’état de laïc samedi 16 février. 
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L'historien des religions Odon Vallet


La tolérance zéro est de mise avec le pape François. Cette tendance avait émergé avec son prédécesseur, le pape Benoît XVI, avec comme conséquence, la diminution des actes pédophiles.

Les nonces apostoliques (ndlr : ambassadeurs du Vatican à l'étranger) sont également pris dans la tourmente, à l’instar du nonce polonais, Jozef Wesolowski, en poste en République dominicaine où il est accusé en 2013 d’avoir des relations sexuelles tarifées avec des mineurs dans sa paroisse. Il a fait jouer son immunité diplomatique, avant d’être relevé de ses fonctions par le Saint-Siège.

Certaines victimes de prêtres pédophiles souhaitent que des clercs plus jeunes entrent dans les ordres. Considérez-vous que ce serait une solution efficace contre les abus sexuels ?
Non, je ne pense pas. Il y a eu des cas de pédophilie dans la congrégation des frères de Saint-Jean, avec un clergé jeune. Je pense que l’âge est indépendant du problème de pédophilie.

Une meilleure solution consiste à conseiller, selon moi, aux prêtres pédophiles une autre orientation (ndlr : leur demander de sortir des ordres).
Le problème, c’est que personne n’est innocent dans l’Église ! A longtemps régné la règle du "si tu me dénonces, je te dénonce" (ndlr : si un prêtre dénonçait les actes pédophiles d’un autre clerc, ce dernier aurait pu dénoncer sa double vie, ou son homosexualité). Dans l’Église catholique, on considère qu’un prêtre sur deux est homosexuel.

Par ailleurs, je pense que la peur du gendarme joue. Les très graves sanctions qu’encourt le clergé l’empêche de commettre des crimes. Quant à la question de l’imprescriptibilité, elle est délicate. Je pense que la tolérance zéro va largement contribuer à diminuer ces actes pédophiles.