Pélerinage de la Mecque : les chiffres de la prière
Ce mardi 15 octobre, les deux millions de pèlerins de la Mecque fêtent l'Aïd, jour de sacrifice. Tout autour de ces festivités, un véritable commerce s'est organisé. Explications avec Slimane Zeghidour, chroniqueur sur TV5MONDE et auteur de La Mecque, au coeur du pélerinage.
Slimane Zeghidour est formel : "Les pèlerins ne voient plus les moutons !" Le spécialiste des religions a connu la Mecque et son pélerinage il y a 25 ans. Depuis, les immeubles ont poussé autour de la Kaaba et le nombre de moutons sacrifiés lors de la fête de l'Aïd a passablement augmenté : "Les pèlerins achètent un bon de pèlerinage, qu'ils donnent à un abattoir." A chaque bon donné par les pèlerins, un mouton est abattu, loin des regards mais près des congélateurs, pour que la viande soit immédiatement entreposée avec soin puis distribuée aux pauvres du monde entier. Ce sacrifice de l'Aïd-el-Kebir commémore celui d'Abraham. Selon le Coran, Dieu avait demandé au prophète de sacrifier son fils Ismaël. A l'instant du geste fatal, il envoya un ange arrêter le bras d'Abraham, et remplaça l'enfant par un mouton. En tout, un million de moutons sont ainsi, chaque année, sacrifiés à la Mecque. Le système de bons d'échange en abattoir est une manière de répondre à cette affluence. Les animaux sacrifiés viennent essentiellement d'Uruguay, mais aussi d'Argentine. Le temps d'arriver à la Mecque pour le sacrifice, ils passent 27 jours en mer : le temps de traverser l'Atlantique en bateau.
Le projet du Jabal Omar
Agences de voyage Mais le bétail n'est pas seul à être importé. Ainsi, les tapis décorés d'images de la Mecque, viennent-ils de Chine. Ces accessoires de prière et autres souvenirs nécessitent de la place, dans ce grand lieu de prière. Sans parler des deux millions de pèlerins. Et pour les accueillir, de vastes programmes de construction ont été lancés. Comme le complexe Jabal Omar : 26 hôtels de luxe, 4000 boutiques, 500 restaurants et une gigantesque salle de prière... sur six étages ! Aucune taxe pour tout ce commerce. Et le pélerinage représente un grand marché particulièrement intéressant pour les fidèles... et pour le pays. Selon Slimane Zeghidour, la période du Hajj rapporte près de 40 milliards de dollars à l'Arabie saoudite. Mais il entraine aussi de lourds sacrifices, architecturaux cette fois. Irfan Al-Alawi, directeur de l'Islamic Heritage Research Foundation, au Royaume-Uni, déplore dans le Guardian à propos du Jabal Omar : "C'était la partie la plus historique de la vieille ville, et tout a été rasé." Alors ce pélerinage, qui reste le plus grand rassemblement spirituel dans le monde, est-il devenu une plate-forme touristique comme une autre ? "Il n'est plus possible de se rendre à la Mecque sans tour operator", regrette Slimane Zeghidour. En tout, une quarantaine d'agences de voyage françaises sont agrémentées par le ministère saoudien du Pèlerinage d'après l'association France-Hajj. Une belle aubaine. "Rendez vous compte ! s'exclame le chroniqueur Cela fait deux millions de clients en trois mois !" Qui peut prétendre une telle affluence en si peu de temps ?
Caméras de surveillance Pour protéger tout ce monde, l'Arabie saoudite a déployé plus de 100 000 soldats et policiers, aucune manifestation politique n'est autorisée. Autour du lieu de prière, 42 000 caméras de surveillance ont été placées ; certaines peuvent filmer jusqu'à 60 km à la ronde. Cependant, le nombre de pèlerins étrangers est en baisse par rapport à l'année dernière. Ryad a imposé une réduction de 20% du nombre de pèlerins venant d'autres pays et de 50% pour ceux venus d'Arabie saoudite. Les autorités invoquent le risque d'une épidémie du coronavirus, responsable de graves infections respiratoires.