Olivier Laurelli, spécialiste en sécurité informatique et co-fondateur du site
Reflets.info , est l'un des tout premiers à avoir dénoncé l'existence de ces outils de surveillance de masse et leur vente par des entreprises occidentales aux régimes dictatoriaux. Entretien.
Etes-vous surpris par les premières révélations des mails de Wikileaks mettant en cause des entreprises européennes, dont Selex Elsag, filiale de Finmeccanica, dans des contrats de technologies de surveillance de la population syrienne par le régime d'Al Assad ? Olivier Laurelli : Je ne suis pas du tout surpris, parce que nous avons déjà eu de sérieux avertissements à ce sujet, avec des petites phrases d'entreprises françaises spécialistes du domaine, comme Qosmos qui disait, par exemple, qu'elle ne savait pas dans quelle mesure elle pouvait se retirer des contrats. Donc, il n'y a rien de surprenant à ce qu'il y ait des contrats qui soient encore en cours et encore honorés. Ces entreprises, peut-on dire qu'elles sont dangereuses ? Olivier Laurelli : Elle sont dangereuses pour les opposants, de fait, puisqu'elles mettent à disposition des régimes dictatoriaux comme la Syrie, des moyens électroniques tout à fait assimilables à des armes. Ces moyens permettent de traquer les opposants, de les retrouver, savoir avec qui ils communiquent, comment ils s'organisent : c'est de l'intelligence électronique. C'est donc assimilable à une arme. Les dirigeants des Etats démocratiques, comme en France ou en Italie peuvent-ils se retrancher derrière leur ignorance vis à vis de ce commerce ? De moins en moins, parce que la commission européenne a commencé à parler de légiférer sur l'exportation de ce type d'armes électroniques. Je pense que le parlement européen a bien conscience qu'il y a un problème. Mais on voit la différence de traitement qu'il y a eu entre les Etats-Unis et l'Europe : le congrès américain a diligenté une enquête et l'entreprise Bluecoat a été condamnée un mois plus tard (pour ses ventes de matériel de surveillance en Syrie, NDLR), alors qu'en France, un an après, il n'y a qu'un début d'enquête, et encore, parce que la FIDH a porté plainte. Le commerce de ces technologies est-il réglementé ? En Europe, je ne crois pas, et en France, normalement cela devrait passer par une signature du premier ministre, comme pour toutes les ventes d'armes. Mais Gérard Longuet (ex ministre de la défense, NDLR) a expliqué à l'assemblée nationale que ces outils de surveillance n'étaient pas considérés comme des armes. Il y a quand même un vrai vide... Ces entreprises ne cachent pas leur activité ?
Ah non, pas du tout. Il suffit de lire leurs plaquettes commerciales où elle se vantent de pouvoir vendre des systèmes dimensionnés pour écouter toutes les communications d'un pays ! Nous ne sommes pas dans le cadre d'un petit centre d'écoute "à la papa" pour écouter quelques dizaines ou centaines de communications, comme tentait de le faire croire Amesys l'année dernière.
Le commerce de ces technologies est-il réservé à des régimes répressifs ? Ce n'est pas certain, il y a une initiative au niveau européen avec un projet qui commence un petit peu à faire parler de lui et qui est nommé
INDECT. Ce projet vise à détecter les comportements anormaux afin de prévenir les crimes. Nous rentrons là dans un scénario à la "
Minority report "...