Fil d'Ariane
La vague de contaminations liée au variant Omicron se poursuit. Pourtant, l’idée que cette vague pourrait être la dernière commence à germer chez les scientifiques. Cette pandémie pourra un jour être derrière nous ? Éléments de réponse.
« L’objectif est de vivre le plus normalement possible avec le virus », affirmait le porte-parole du gouvernement français Gabriel Attal ce 12 janvier 2022. Après presque deux ans de pandémie, parsemées de restrictions sanitaires, est-il possible de voir la lumière au bout du tunnel ? Les avis divergent au sein de la communauté scientifique. D’un côté, certains estiment qu’Omicron peut, dans une certaine mesure, être un allié pour apprendre à vivre avec le virus. Pour d’autres, il est difficile de prévoir ce qui peut arriver et il faut s’attendre à tout.
Yannick Simonin, maître de conférence en virologie à l’Université de Montpellier explique que « la tendance actuelle avec le variant Omicron et le nombre de cas qui y est associé fait que les stratégies préalables qu’on avait avec les autres variants sont en train d’être modifiées progressivement. » Ce qui explique le changement dans la stratégie de lutte contre le virus. Faut-il pour autant y voir l’approche d’une victoire face au virus ? La réponse est un peu plus compliquée.
Selon le virologue Yannick Simonin, le nombre de contaminations très élevé du variant Omicron, couplé à la campagne de rappel vaccinal peut faire en sorte qu’une forme d’immunité s’installe dans la société. « Beaucoup de gens vont être infectés ou vaccinés, et vont ainsi acquérir une forme d’immunité. » Pour lui, vivre avec le virus signifie « que le virus ne va pas disparaître, il va rester présent au milieu des autres virus qu’on connait. » D’un autre côté, l’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l’Institut de Santé Globale à l’Université de Genève considère que vivre avec le virus « suppose de savoir ce qu’il va se passer dans les mois et années à venir. »
On est plutôt en train de vivre contre le virus que de vivre avec le virus.
Antoine Flahault, épidémiologiste
Yannick Simonin est un peu plus optimiste et envisage le scénario suivant. « On va avoir des périodes épidémiques, mais avec des armes pour lutter contre ce virus : l'immunité globale de la population, des traitements, la vaccination, qui vont nous permettre de petit à petit, avoir une vie plus normale avec le virus. » Parmi les nouveaux traitements qui arrivent, il y a déjà celui de Pfizer et d'autres en train d'être mis au point. Ces traitements pourraient devenir « un soutien thérapeutique pour les personnes fragiles qui seront infectées » selon le virologue.
Antoine Flahault partage également ce scénario, mais en envisage également d’autres, plus pessimistes. « Il est plausible qu’on ait d’autres genres de variants comme Omicron, qui ne sont pas très sévères, mais avec une ampleur importante qui fera un nouveau risque de désorganisation sociale. » Il considère qu’à l’heure actuelle, « on est plutôt en train de vivre contre le virus que de vivre avec le virus. » La formule plus adaptée selon lui serait de dire « on va coexister en essayant de s’éviter. »
L’immunité contre le Covid-19 n’est pas une immunité de long-terme.
Yannick Simonin, virologue
L’immunité collective, convoitée par de nombreux épidémiologistes au début de la pandémie semble peu à peu s’éloigner. En effet, le variant Omicron présente un risque de réinfection accru. Autrement dit : il est possible d’être malade du Covid-19 plusieurs fois. Mais Yannick Simonin se veut rassurant : « c’est comme avec la grippe : on peut être infecté une année et l’être aussi l’année suivante. » « L’immunité contre le Covid-19 n’est pas une immunité de long-terme », affirme-t-il. Selon lui, plusieurs signes montrent qu’il faut rester optimiste face à ce phénomène. « Quand on est réinfecté, on a moins de risque de développer une forme sévère de la maladie », explique-t-il. « Plus on va avoir de gens qui ont été ou infectés, ou vaccinés, plus dans la population globale, les gens auront une protection soit vis à vis de l’infection, soit vis à vis des formes graves. »
Il y a quand même un effet roulette-russe dans ce coronavirus qui est sournois et extrêmement inquiétant.
Antoine Flahault, épidémiologiste
« Je pense que l’immunité collective est un concept un peu ancien, qui repose sur la transmission », estime Antoine Flahault. Selon lui, « ni le vaccin, ni l’infection, ne confère une immunité humorale suffisante pour bloquer toute nouvelle vague. » Il faudrait y allier d’autres facteurs. Il part d’un constat simple : « le coronavirus se transmet majoritairement en milieu clos, mal ventilé, qui reçoit du public », et assez peu à l’extérieur. Pour lui, l’hypothèse que « l’air intérieur ait la qualité microbiologique de l’air extérieur » permettrait de diminuer drastiquement la transmission du virus.
« Il y a quand même un effet roulette-russe dans ce coronavirus qui est sournois et extrêmement inquiétant », estime l’épidémiologiste. En disant cela, il fait référence aux personnes vaccinées, en bonne santé, qui se retrouvent en réanimation. « Que vous soyez vacciné ou pas, en pleine santé ou pas, vous risquez de développer une forme grave », détaille-t-il. Pour cette raison, « laisser courir le virus » n’est pas une option qui lui semble « sympathique. » Yannick Simonin admet également que le risque zéro n’existe pas. « Il y aura toujours des personnes qui pourront développer des formes graves. » Encore une fois, la comparaison avec la grippe est de mise pour le virologue : « il ne faut pas oublier que c’est une maladie qui tue plusieurs milliers de personnes chaque année en France, mais il y a des armes. »
Actuellement, le vaccin reste le meilleur moyen de lutter contre le virus, sans passer par des restrictions trop contraignantes. Alors que les pays occidentaux administrent des doses de rappel, la question d’une dose de vaccin supplémentaire pour les plus fragiles fait son chemin. Elle est même une réalité dans certains cas : Israël propose déjà une quatrième dose aux personnes fragiles et au personnel médical.
Pour l’instant, il n’y a pas d’indicateur montrant que tout le monde doit faire une quatrième dose.
Yannick Simonin, virologue
Yannick Simonin n’y voit pas le signe qu’une vaccination régulière sera indispensable. Il précise que le rappel vaccinal est déjà utilisé contre d’autres virus et « sert à re-stimuler le système immunitaire. » « Normalement, après le rappel vaccinal, on a une protection plus longue », avance-t-il. Mais les personnes les plus fragiles ont un système immunitaire moins robuste, ce qui justifie la quatrième dose dans ces cas. « Pour l’instant, il n’y a pas d’indicateur montrant que tout le monde doit faire une quatrième dose. »
Il reste toutefois prudent. « C’est sûr qu’on n’a pas assez de recul, car les troisièmes doses ont été injectées il y a pas si longtemps que ça, pour savoir jusque quand ça va durer. » S’il n’exclut pas à 100% qu’une quatrième dose soit nécessaire pour la population générale, « on a quand même plus d’indications que ce qu’on avait avec les deux premières doses pour savoir que probablement, avec la troisième dose vis à vis des formes graves, on aura une protection qui sera plus pérenne. »
Depuis le début de la crise sanitaire, beaucoup espèrent qu’un jour la pandémie se termine. Mais est-ce possible ? Yannick Simonin estime qu’à terme, « on se retrouvera avec un virus endémique, c’est à dire un virus qui revient de façon plus ou moins marquée à certaines périodes de l’année, mais face auquel on aura des armes pour pouvoir vivre avec ce virus sans que cela touche le fonctionnement de la société. »
Si on avait des vagues de coronavirus comme on a des vagues de rhume, on s’en ficherait non ?
Antoine Flahault, épidémiologiste
Pour Antoine Flahault, « la pandémie va s’arrêter. » Comme lorsque la pandémie de grippe AH1N1 s’est arrêtée, même si le virus continue de circuler. Il précise toutefois que « c’est difficile de savoir quand une pandémie est arrêtée. » En revanche, il explique que la fin d’une épidémie correspond au moment où le virus ne circule plus. « On a envie de dire qu’il n’y aura plus de pandémie quand il n’y aura plus de vague, poursuit l’épidémiologiste. Mais au fond, si on avait des vagues de coronavirus comme on a des vagues de rhume, on s’en ficherait non ? » Donc selon lui, la pandémie va s’arrêter « quand on n’en parlera plus ».