L'aide humanitaire s'organise et arrive progressivement sur les lieux durement touchés par le typhon aux Philippines. Des millions de gens manquent cruellement de nourriture, de produits d'hygiène, d'abris et d'infrastructures sanitaires. État des lieux et entretien avec Antoine Peigney, directeur des relations et des opérations internationales à la Croix-Rouge française.
L’aide humanitaire arrive. Trop lentement. Aveu d’impuissance même de l’ONU : « J’ai le sentiment que nous avons abandonné les gens », a reconnu Valérie Hamos, la chef des opérations humanitaires des Nations unies. La situation pourrait rapidement tourner à la crise sanitaire. Dans les rues, de nombreux cadavres jonchent encore le sol ou sont encore sous les décombres, en décomposition. Jeudi 14 novembre, un enterrement collectif dans une fosse a eu lieu à Tacloban, la ville la plus meurtrie du pays. Les opérations de récupération des corps prennent du temps et requièrent plus de moyens. Le maire de Tacloban Alfred Romualdez réclame : « plus d’hommes et plus d’équipements ». Face à la situation désespérée, des centaines de sinistrés arrivent chaque jour à l’aéroport de Tacloban pour tenter de fuir ce désastre. Des équipes sur place parlent de chaos. « Des gens ont marché pendant des jours sans manger, pour arriver ici et attendre des heures ou des jours », raconte Efren Nagrama, un responsable de l’aviation civile. « [Ils] sont poussés vers leur point de rupture. Ils voient des avions d’aide arriver mais ils ne peuvent pas obtenir de nourriture ou partir. C’est le chaos. » Des actes de pillage se multiplient. Mardi 12 novembre, des habitants sont morts écrasés dans l’effondrement du mur d’un entrepôt de riz au cours d’un pillage. La population voit arriver trop lentement l’aide alimentaire et sanitaire. Elle crie à l’aide. La géographie des îles ne facilite pas le travail des ONG sur place, comme la Croix-Rouge philippine.
Entretien avec Antoine Peigney, directeur des relations et des opérations internationales à la Croix-Rouge
14.11.2013Propos recueillis par Léa Baron
Distribution de sacs de riz le 14 novembre à Tacloban / Photo AFP
Quelle est la situation sanitaire aux Philippines ? Antoine Peigney : Il y a un grand besoin de renforcer les infrastructures de soins qui ont été détruites dans les zones les plus affectées, c’est-à-dire Tacloban et le nord de l’île de Cebu pour l’essentiel. Nous acheminons au sein du mouvement de la Croix-Rouge des capacités médicales pour renforcer le système de santé. Il y a un grand besoin d’organiser des systèmes de traitement d’eau potable à partir des nappes d’eau courante provenant de canalisations cassées, et d’autres sources d’eau trouvées sur place. Nous rendons cette eau potable avec des systèmes de filtres. Puis, nous la stockons dans de grands réservoirs. Elle est ensuite mise à disposition des personnes. Cela permet de prévenir les maladies hydriques et d'éviter que les gens, en buvant de l’eau croupie et contaminée par les cadavres sur place, ne soient contaminés par des maladies diarrhéiques. Les diarrhées sont le risque numéro un avec le choléra qui peut se propager par ces eaux souillées. Quels sont les autres besoins urgents des populations sur place qui ont fui les lieux de sinistres ? Des tentes, des bâches en plastique pour se mettre à l’abri des pluies, des vents, des intempéries qui peuvent survenir. Les gens sont déplacés, donc à l’air libre. Il faut organiser des abris, même précaires, en attendant que l’on puisse les consolider dans des camps de déplacés avec l’accord du gouvernement philippin. Pour chaque catastrophe, c’est systématique. Il faut l’aide alimentaire, médicale pour les blessés. Il faut enterrer les cadavres pour éviter que cela ne contamine les eaux. Il faut des tentes, des abris plastiques, des produits de première nécessité avec de la vaisselle en plastique, des jerricanes, des bidons. Les gens n’ont plus rien. Ils sont partis de chez eux donc on prend tout ça en compte.
Des corps de victimes du typhon étalés sur le sol à Tacloban aux Philippines, le 14 novembre / Photo AFP
L’archipel que forme les Philippines, complique-t-il le travail de l’aide humanitaire ? La difficulté repose sur la logistique car ces îles sont multiples. Passer d’un île à l’autre et acheminer de l’aide nécessite des moyens aériens, des hélicoptères pour se poser au plus près des villages dévastés, des barges pour acheminer l’aide sur les côtes de ces îles. Un certain nombre d’aéroports dans l’archipel ont été rouverts et permettent aux gros porteurs d’atterrir. Mais ensuite, à partir de ces lieux d’atterrissage, il faut des moyens de transport secondaires : camions, hélicoptères, barges et… du fioul. Mais nous faisons face à des pénuries d’essence pour ces autres moyens de transports. Reste-t-il des zones inaccessibles même à vos équipes ? Je ne peux pas vous le confirmer mais certainement. Étant donné le grand nombre d’îles, mais aussi les moyens de communication coupés ou très défaillants, il y a certainement de nombreuses zones dont les besoins n'ont pas encore été complètement évalués.