Qu'avez vous ressenti lorsque enfin votre premier dessin a été publié?
J'ai attendu jusqu'à 14h30 et je suis allé au kiosque, dans le quartier que j'habite toujours. Je me souviens qu'il pleuvait ce jour là. Il flottait, et moi aussi, j'avais l'impression que mes pieds ne touchaient plus le sol. Quand j'ai vu mon dessin publié j'étais comme protégé.
Quarante ans plus tard, comment vivez vous la parution d'un numéro du Monde en votre honneur?
Je le vis comme si j'étais le dessinateur de la Une du Monde, c'est un sentiment qui me permet de jouer avec la réalité parce que si je pense réellement qu'on a fait ça pour moi, ça risque d'être dur à vivre. Je fais comme si c'était vécu par quelqu'un d'autre, que j'accompagne. Quand je fais mon dessin tous les jours, si je me dis qu'il est destiné à 500 000 lecteurs, ça devient très impressionnant. Du coup, je me dis que je le fais pour me faire plaisir, et pour quelques journalistes du Monde, il se trouve qu'il est publié, c'est tout.
Vous occupez une position extrêmement privilégiée, en avez vous conscience?
Bien sûr, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je passe beaucoup de temps à m'excuser de ce que je suis... Je sais bien que c'est une position enviable et enviée, je comprends qu'elle puisse énerver et que certains doivent se dire "Mais qu'est ce qu'il fait encore là celui là, à la Une du journal?". Je prends donc toujours le parti de continuer à être tonique dans les dessins, et je réponds aux gens que je suis désolé, je ne sais pas pourquoi, mais ils m'ont gardé, c'est comme ça!
Que dites-vous aux nouvelles générations de dessinateurs de presse?
Que c'est un métier passionnant. D'ailleurs, j'ai demandé au directeur et aux différents rédacteurs en chef de penser, avec moi, à ce qu'on puisse mettre en avant des jeunes dessinateurs pour la Une du Monde. Parce que quarante ans ça va hein... Petit à petit, ça serait bien de réfléchir à ce qu'on puisse mettre des jeunes dessinateurs, j'en connais beaucoup. On peut aussi animer la Une avec des dessinateurs qui viennent du Proche-Orient, des Palestiniens, des Jordaniens, des Israéliens...