Fil d'Ariane
DSA : Il doit permettre avant tout de lutter contre la "haine en ligne", la désinformation. Pour parvenir à ces objectifs, ce règlement européen devrait forcer les plateformes à "garantir la sécurité de leurs utilisateurs par des systèmes de modération renforcés", sous peine d'amende.
La Commission européenne le présente comme : "Des nouvelles règles de responsabilités des utilisateurs, des plateformes et des pouvoirs publics, rééquilibrées selon les valeurs européennes, plaçant les citoyens au centre [de ces enjeux]." (Site de la commission européenne, Digital Services Act)
DMA : Le règlement sur les marchés numériques (DMA) "établit un ensemble de critères objectifs étroitement définis pour qualifier une grande plate-forme en ligne de "systémique". Ces entreprises devront se conformer à un ensemble clairement défini d'interdictions et d'obligations pour éviter un certain nombre de pratiques déloyales. (Site de la Commission européenne, Digital Markets Act)
Concrètement — selon la Commission—, le réglement DSA devrait : "Permettre aux internautes d'être informés, de pouvoir contester la suppression de leurs contenus par les plateformes, d'accéder aux mécanismes de résolution des litiges dans leur propre pays. De bénéficier de termes et de conditions transparents de la part des plateformes, de plus de sécurité et d'une meilleure connaissance des vrais vendeurs de produits qu'ils achètent."
La problématique de la censure a été aussi réfléchie, en excluant tout contrôle en amont des publications, ainsi qu'en conservant le principe d’"hébergeur passif", qui garantit aux plateformes de ne pas être tenues responsables des contenus publiés par leurs usagers, pour éviter une automatisation de la suppression de contenus des utilisateurs par celles-ci. En revanche, le DSA permet de renforcer les procédures de signalement et impose aux plateformes des nouvelles contraintes juridiques pour les forcer à retirer des contenus illicites dans des délais courts. Un point est à noter, qui pourrait garantir une évaluation constante des pratiques des grandes plateformes : "l'accès aux données des plateformes pour les chercheurs agréés, afin de comprendre les risques sur la société et les droits fondamentaux."
Il existe déjà des réglementations pour encadrer les plateformes internet. Le RGPD (Règlement pour la protection des données) en est un. Récemment, la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) a d'ailleurs condamné Google à 100 millions d'euros d'amende et Amazon à 35 millions après avoir constaté que des cookies publicitaires étaient déposés sur les ordinateurs des internautes "sans qu'il aient préalablement donné leur accord". La CNIL s'est appuyée sur la loi française — renforcée par le RGPD — pour punir les deux géants californiens, mais elle ne peut le faire que dans un cadre limité, le plus souvent en lien avec les données personnelles.
La suppression de contenus des utilisateurs - par les plateformes - sans les informer, l'exposition des usagers d'Internet à des contenus choquants, illégaux - ou à des fausses informations -, la manipulation et la propagande en ligne, ne sont par exemple pas encadrées explicitement par le droit européen. Ou quand elle peuvent l'être - souvent au niveau national -, aucun cadre juridique spécifique n'existe, ni caractère "automatique" des sanctions. Et surtout rien n'est prévu pour obliger les plateformes à gérer ces problématiques en amont et à l'échelle de l'Union. Le DSA est donc censé pallier ces manques.
La Commission estime que ce règlement sur les services devrait aussi apporter aux internautes "plus de choix, des prix plus bas, moins d'exposition aux contenus illégaux, une meilleure protection des droits fondamentaux, un contrôle démocratique et une surveillance accrus des plateformes "systémiques" ainsi qu'une atténuation des risques systémiques, tels que la manipulation ou la désinformation."
Plateforme systémique : une plateforme (internet) sera dite "systémique" si elle est active depuis au moins 3 ans dans trois États membres, qu'elle produit un chiffre d’affaires en Europe supérieur à 6,5 milliards d’euros ou qu'elle possède une capitalisation boursière de plus de 65 milliards d’euros et qu'elle compte au moins 45 millions d’utilisateurs finaux (soit 10% de la population de l'Union) ou 10 000 clients commerciaux.
Aujourd'hui, les sanctions à l'égard des entreprise du Net ne respectant pas le RGPD peuvent aller jusqu'à 4% de leur chiffre d'affaires. Avec le DMA, l'amende pourra atteindre 10% du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise et ne concernera plus seulement les données personnelles. Par exemple, une nouvelle possibilité juridique permettant "l'interdiction [faite à une plateforme] d'opérer sur le marché européen en cas de manquement grave et répété ayant pour conséquences la mise en danger de la sécurité des citoyens européens" est prévue dans le DMA. Dans les cas extrêmes, Thierry Breton a souligné lors d'une interview que l'Union européenne aurait même le pouvoir d'aller "jusqu’au démantèlement [des plateformes] sur le marché européen". Les États-Unis, dans le cadre des lois antit-trust, discutent d'ailleurs actuellement de cette possibilité de forcer les géants d'Internet à se séparer de certaines de leurs activités, en cas d'abus de monopole.
Sur quels critères le DMA pourra-t-il sanctionner les plateformes systémiques ?
"Interdictions de discriminer en faveur de ses propres services, obligations d'assurer l'interopérabilité avec sa plate-forme et obligations de partager, conformément aux règles de confidentialité, les données fournies ou générées par les interactions des utilisateurs professionnels et de leurs clients sur la plate-forme. En dehors de ces pratiques, les "portails" continueront d'offrir des services nouveaux et innovants comme ils l'ont fait jusqu'à présent, mais sans profiter des comportements déloyaux." (Commission européenne)