Politique : Fillon, les liaisons dangereuses

Jusqu’où a pu aller l’ex-premier ministre dans son obsession anti-Sarkozy? L’affaire a un potentiel explosif, entre haines et maladresses. Si l’on y ajoute la collusion entre l’UMP et le PS, voire une pression sur la justice, les «conciliabules comploteurs» avec le sommet du pouvoir virent au scandale d’Etat.
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Politique : Fillon, les liaisons dangereuses
François Fillon dimanche soir au 20h de TF1 © AFP
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Après les révélations des journalistes du Monde, puis le «poker menteur» entre François Fillon et Jean-Pierre Jouyet à propos de leur étrange déjeuner, les éditorialistes français sont partagés, ce lundi, sur les bénéficiaires du «Fillongate»: est-ce Nicolas Sarkozy ou plutôt Marine Le Pen, que France 3 s’est empressée de faire réagir dans son 12/13 Dimanche?
Selon les informations du quotidien et de ses toujours excellents «Décodeurs», qui essaient de tout nous faire «comprendre à l’affaire», François Fillon aurait donc bien incité l’actuel secrétaire général de l’Elysée – ce Jean-Pierre Jouyet que Le Huffington Post dit être «un des plus proches amis» de François Hollande – à «taper vite» contre Nicolas Sarkozy pour accélérer les enquêtes en cours.
Libération en déduit que c’est incontestablement l’ex-locataire de l’Elysée qui tire profit de ce nouveau scandale: «Cerné par les affaires, confronté à des sondages médiocres, contesté jusque dans son propre camp, Nicolas Sarkozy ne pouvait rêver d’une telle aubaine.» Il «a désormais des arguments pour dénoncer la collusion entre son ancien premier ministre devenu son premier adversaire et un pouvoir socialiste prêt à tout pour l’abattre. Il peut à nouveau se poser en victime et reprendre l’antienne du complot d’un improbable cabinet noir» qui œuvrerait à l’Elysée contre son retour. Mais, dit l’ancien de Matignon au 20?Heures de TF1:
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… qui se fait aussi menaçant, voire vengeur:
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Les Echos notent aussi que grâce à cette affaire, il «peut aujourd’hui donner corps à son statut autoproclamé de victime». Si «les questions» demeurent «nombreuses, l’affaire n’en est qu’à ses débuts. Mais elle porte en germe un cocktail explosif, fait de haine et de maladresse, donc, mais aussi de collusion entre deux personnalités de l’UMP et du PS, voire de pression sur le cours de la justice.» «Et qui se frotte les mains? Nicolas Sarkozy bien sûr», répond La République des Pyrénées, dans cette «invraisemblable affaire de conciliabules comploteurs».
Le quotidien de Pau ne mâche d’ailleurs pas ses mots: «D’un ministre du Budget qui cachait de l’argent en Suisse à une «Madame sans-gêne» qui fait de ses blessures narcissiques un scandale d’Etat, en passant par toute une série de «ministricules» qui font de leur dépit d’avoir été virés des livres vengeurs à l’égard de celui qui les avait élevés à des fonctions flatteuses, le demi-quinquennat de François Hollande pouvait déjà être réécrit à l’aune du proverbe: on n’est jamais mieux trahi que par les siens. Mais on n’avait pas tout vu.»
De la «politique fric et frac»
A contrario, évidemment, Le Figaro se demande «pourquoi s’indigner que le vote FN progresse quand on fait tout pour qu’il en soit ainsi?» Car on vient de vivre un joli moment «au rythme des affirmations, dénégations, protestations du Fillongate», constate L’Est républicain. «Et pendant ce temps, le FN jubile et compte les points.» Même optique dans Midi libre: «Ce poker menteur affligeant émaillé de connivences droite-gauche, de soupçon de complot, de politique fric et frac, à qui profite-t-il? Devinez un peu…» Pour Marine Le Pen, «c’est Noël tous les jours», se marre Le Républicain lorrain.
D’autres, plus pragmatiques, pensent que Sarkozy et Le Pen profitent tous deux du «crime». Telle la Charente libre, qui juge que «les proches de Nicolas Sarkozy n’ont guère tardé à mesurer tout le bénéfice que leur champion pourrait tirer de cette affaire», mais qui dépeint aussi une «Marine Le Pen déjà radieuse de voir les magouilles et les manipulations liant les responsables de «l’UMPS» jetées en pâture à l’opinion». Quoi qu’il en soit et «qu’il le regrette ou non, c’est bien Jean-Pierre Jouyet et apparemment lui seul qui, par candeur, vantardise ou bêtise politique, a ouvert une boîte à claques».
Coups de poignard
Les Dernières Nouvelles d’Alsace trouvent, elles, que l’ancien président, ce «diviseur toujours plus marqué de la droite», avec «le potentiel ravageur de sa personnalité», «ne sortira pas grandi de l’épisode». Dans un rapprochement audacieux, enfin, L’Eclair des Pyrénées se demande, quelle est «la plus pathétique des deux», «entre l’affaire Nabilla et l’affaire Jouyet-Fillon»: «Coups de poignard réels d’un côté, coups de couteau virtuels de l’autre»! Et de conclure: «De la jeune créature écervelée de la téléréalité, on n’attendait rien; d’un secrétaire général de l’Elysée et d’un ancien premier ministre, pas grand-chose peut-être, mais plus, en tout cas, que cette conjuration de bras cassés.»
Une conjuration qui sent le bas calcul, l’ignoble, le rance, «la haine recuite et la hauteur de vue de rats de caniveau»… Mais vous, nobles internautes, «quel couteau préférez-vous? Celui de Nabilla, de Fillon, de Jouyet, ou celui de Hollande?» Dans son «Ere du vide», Atlantico se gausse: «Panem et circenses… Le bon peuple voulait du sang. Et ce week-end il a coulé à flots.»