Pollution de l'air : la réalité des grandes villes européennes

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Quand Paris disparaît dans un brouillard de pollution aux particules fines, suffit-il d'alterner la circulation ?
(Photo AP/Jacques Brinon)
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En France, la polémique sur les mesures à prendre contre la pollution — avec l'arrivée d'un nouveau pic de particules fines dans la capitale — enfle encore une fois. Mais la pollution de l'air est-elle un problème avant tout hexagonal ? Quelles mesures sont prises ailleurs en Europe ?  Quels niveaux sont atteints ?  Qui est avant tout responsable de cette pollution qui tue quinze fois plus que les accidents de la route sur le vieux continent ?
La France, et particulièrement Paris, connaît des épisodes de pollution de l'air aux particules fines de plus en plus fréquents, le dernier en date est du mois de mars 2015, et un nouveau débute en ce moment.

Les mesures pour faire baisser cette pollution sont le plus souvent prises au moment où les taux de particules fines sont les plus élevés. Elles se concrétisent par une baisse des vitesses des véhicules ou une limitation du trafic routier. La polémique entre la mairie de Paris et le ministère de l'écologie est désormais bien rodée : la première demande une circulation alternée des véhicules dès le début de l'alerte et le second estime qu'il faut attendre que le pic soit atteint.

Ce problème de pollution est-il équivalent en Europe, ses causes sont-elles principalement le trafic routier ? Les grandes villes du vieux continent luttent-elles de concert contre cette pollution de l'air, avec quelles méthodes, et pour quels résultat ?

Toutes les grandes villes sont touchées

Des classements et indicateurs en temps réel sont là pour permettre de savoir quel type de pollution de l'air touche les villes, la durée en nombre de jour par an des dépassements des seuil d'alertes, etc. La plupart des grandes métropoles européennes subissent des pollutions très importantes et répétitives. 

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Le palmarès de la qualité de l'air en Europe, par nombre de jours de dépassement des seuils sanitaires de particules (infographie : Wedemain)
La caractéristique commune des villes les plus souvent polluées n'est pas simple à évaluer si l'on se concentre sur les transports, puisque les règles qui régissent le trafic routier ne sont pas semblables. Londres a imposé un péage à son entrée depuis 2003, au tarif très dissuasif, comme à Milan où le trafic alterné est de plus imposé en cas de pic de pollution. Rome et Naples appliquent elles aussi ce principe des plaques paires et impaires lorsque la pollution atteint les seuils d'alerte, ainsi que des zones à permis spécial créées pour empêcher la circulation.

Pour autant, toutes ces villes (Londres, Milan, Rome, Naples) connaissent une pollution de l'air très grave, et plus fréquente que Paris ou d'autres villes françaises. Berlin tire son épingle du jeu, avec un système de "zones de basse émission" où  les véhicules, classés parmi les plus polluants sont interdits d'accès. L'infraction à cette règle coûte 40 euros, et surtout le retrait d'un point de permis de conduire…

Mais il semble que de nombreux autres facteurs puissent jouer sur cette pollution aux particules fines. Berlin, par exemple, était plus polluée, hier, que Paris, et aujourd'hui encore :

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Copie d'écran le 08 avril 2015 à 08:00 temps universel. Les valeurs de la colonne de gauche indiquent les taux de la journée de la veille, le 07 avril.

Ce qui pollue l'air

Selon Airparif 37% de la pollution particulaire (PM2,5) en Ile de France provient du résidentiel et tertiaire, 27% du trafic routier

Une rumeur, persistante,  depuis la pollution française de mars dernier voudrait que l'Allemagne nous ait envoyé sa pollution industrielle, plus particulièrement celle des centrales électriques à charbon réouvertes depuis la sortie du nucléaire opérée outre-Rhin après l'accident de Fukushima. Cette affirmation est fortement contestée par des analystes, comme Olivier Daniélo sur le site web Techniques-ingénieur :


(…) du fait des vents d’ouest dominants, la France (pays de la zone tempérée du littoral Atlantique) envoie plus souvent ses particules vers ses voisins de l’est que l’inverse. La pollution française est poussée vers l'Allemagne. (…) selon Airparif 37% de la pollution particulaire (PM2,5) en Ile de France provient du résidentiel et tertiaire (chauffage, y compris au bois, moyen de chauffage encouragé par Ségolène Royal), 27% du trafic routier (véhicules diesel), 24% de l’industrie manufacturière et 7% des activités agricoles (dont les épandages d'engrais). Le trafic aéroportuaire pèse de son côté 2% et les transports ferroviaires et fluviaux 1%. Pour les PM10 les ordres de grandeur sont globalement équivalents. A noter qu'au niveau du boulevard périphérique de Paris, la part du trafic routier monte à 47% au lieu de 27% en moyenne en Ile de France(…)"

La très forte vague de pollution aux particules fines de mars, en France, ne semble pas avoir été causée par l'Allemagne. Il est par contre très intéressant de noter qu'en Île de France, l'addition des émissions par le chauffage résidentiel et tertiaire, l'industrie manufacturière, et les activités agricoles représentent 68% de la pollution aux particules fines. Plus de deux fois les émission du trafic routier (27 % !).

Les mesures de circulation alternée prises il y a un mois ont certes fait un peu baisser  le taux de pollution dans la capitale... mais de 8% seulement. C'est toujours mieux que rien, mais une goutte d'eau dans l'océan des 92% d'émissions restants.

Des politiques multiples à adopter

Se centrer sur la pollution des moteurs diesel est important mais n'est pas suffisant, particulièrement si les limitations sont opérées occasionnellement, et donc seulement en cas d'alerte. Il n'en reste pas moins que l'exposition humaine aux gaz d'échappement est dangereuse, comme une étude le souligne — avec par exemple — l'augmentation de risques de diabète chez l'enfant.

Comme le souligne nombre d'associations  environnementales,  la réduction de la pollution aux particules fines reste avant tout dépendante d'une volonté politique, qui doit être multiple dans ses actions et celles-ci doivent être maintenues dans le temps, améliorées et, surtout,  suivies d'effet.

Une ONG allemande, BUND, a réalisé un classement des meilleurs pratiques de réduction de la pollution de l’air sur le volet des transports pour 23 villes européennes de grande taille.

Le résultat est intéressant, puisqu'il démontre que certaines villes — en avance il y a quelques années comme Berlin — reculent aujourd'hui dans leur politique de réduction de la pollution de l'air par les transports. D'autres, au contraire effectuent des efforts très importants à tous les niveaux, comme Zurich (Suisse), Copenhague (Danemark) ou Vienne (Autriche).
 

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Classement des meilleures pratiques de réduction de la pollution de l'air de 23 villes européennes (http://www.sootfreecities.eu/)


La pollution aux particules fines est un  sujet de société qui touche le monde entier et particulièrement les pays développés ou ceux parmi les plus avancés dans leur industrialisation, mais sans réponse politique clairement établie.

L'Europe a ses villes "rouges" de pollution : Luxembourg, Madrid, Lisbonne, Londres, Milan ou Paris. Si les rejets de gaz polluants sont moins importants qu'il y a 30 ans, leur concentration, elle, augmente sensiblement.

La réglementation européenne en vigueur tente d'aider les villes à améliorer la réduction de cette pollution, mais force est de constater qu'aucune politique concertée et contraignante  n'est en œuvre au sein de l'Union :

"La réglementation européenne actuelle sur la qualité de l’air repose sur le principe selon lequel les États membres de l’UE divisent leur territoire en un certain nombre de zones de gestion dans lesquelles ils sont tenus d’évaluer la qualité de l’air en utilisant des méthodes de mesure ou des approches de modélisation. La plupart des grandes villes sont désignées comme zones de gestion. Si les normes relatives à la qualité de l’air ne sont pas respectées dans une zone, l’État membre est tenu d’en informer la Commission européenne et d’en expliquer les raisons (…) Les États membres doivent ensuite développer des plans locaux et régionaux décrivant la façon dont ils entendent améliorer la qualité de l’air. Ils peuvent par exemple établir des zones dites « à faibles émissions » restreignant l’accès des véhicules les plus polluants. Les villes peuvent également encourager une transition du transport vers des modes moins polluants comme la marche, le vélo et les transports en commun. Les pays peuvent aussi faire en sorte que les sources de combustion industrielle ou commerciale soient équipées des technologies les plus avancées de contrôle des émissions."

A quand une Europe de l'air pur ? Il y a urgence. Selon un récent rapport l'OMS (Organisation mondiale de la santé), près de 600 000 décès ont été causés en 2012 par la pollution de l'air en Europe,  480 000 personnes sont mortes par la faute de l'air ambiant, 117 200 par l'air intérieur. Ce phénomène, en augmentation et les causes de cette pollution (les rejets de l'industrie, des transport ou des chauffages collectifs) sont désormais parfaitement connues et évaluées scientifiquement.
 

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Concentration de dioxyde d'azote dans le monde au 7 avril 2015.  Le dioxyde d'azote est un gaz toxique entraînant une inflammation importante des voies respiratoires à des concentrations dépassant 200 μg/m3, sur de courtes durées. Il est le principal agent responsable de la formation des aérosols de nitrates, qui représentent une proportion importante des PM2.5 (particules fines inférieures à 2,5 microns) et d’ozone, en présence de rayons ultraviolets. (Site : www.gmes-atmosphere.eu)