L'accès libre aux sites pornographiques en ligne par des mineurs est devenu un véritable enjeu de société. Les contenus vidéo y sont majoritairement gratuits et désormais fortement axés autour de la violence, l'humiliation, voire le viol et la torture. Le Royaume-Uni devrait instaurer une obligation d'achat d'un code pour permettre l'accès aux seuls majeurs aux sites pornographiques. En France, malgré des déclarations fermes sur le sujet, il semble que rien ne sera fait pour contrôler l'accès des mineurs aux "porntubes".
Loin des — plus ou moins joyeux — "films cochons" du XXème siècle, le porno de 2018, "amateur", "trash", ultra violent, a envahi les sites Internet et les écrans des adolescents du monde entier.
Le documentaire "Hot Girls Wanted" (2014) dévoile les coulisses de cette orientation assez récente de l'industrie pornographique en ligne, qui ne fait plus appel à des actrices professionnelles mais à des jeunes femmes à peine majeures, totalement novices en la matière, arrivant par dizaines chaque jour à Los Angeles ou Miami pour "gagner de l'argent et devenir célèbres".
Le but des (petites) entreprises productrices de ce porno amateur est simple : faire des vidéos de plus en plus extrêmes avec ces jeunes femmes — mais avec des acteurs expérimentés — en dépensant le moins d'argent possible pour les publier sur des sites Internet spécialisés et payants. La majorité des jeunes femmes arrête de tourner après quelques mois, une année pour les plus motivées, et le cycle des nouvelles arrivantes recommence. Ces tournages sont tous orientés autour de quelques critères qui peuvent se résumer à : la maltraitance des femmes, leur humiliation — et de plus en plus —, des abus sexuels, jusqu'aux viols avec étranglements et pratiques assimilées à de la torture. Le monde du porno amateur américain n'est pas celui du porno professionnel mais il commence à devenir la référence. C'est pour compenser son manque de moyens assumé qu'il joue sur la jeunesse et la naïveté de ses recrues afin de se créer des parts de marché en dépassant les limites et les codes du genre. Jusqu'à blesser, mutiler les jeunes femmes et probablement en tuer certaines…
Loi britannique de restriction d'accès
La pornographie n'est pas une nouveauté en soi, et les adolescents d'il y a 30 ans pouvaient en visionner s'ils faisaient l'effort d'outrepasser les interdictions faites aux mineurs, en se passant des cassettes VHS sous le manteau. L'accès à la pornographie n'était donc pas généralisé chez les adolescents dans les années 80, mais surtout, les films de l'époque restaient des produits de cinéma X avec des acteurs et des actrices filmés dans des ébats sexuels plus ou moins bien scénarisés. Le porno de 2018 est lui accessible d'un simple clic sur un écran de smartphone et il n'est en rien comparable : la sexualité entre adultes consentants et prenant du plaisir n'est plus le sujet central de ces produits jetables et courts, mais plutôt la violence et l'aliénation, la perversion et les déviances sexuelles. Le tout, le plus souvent sur fond de prostitution de très jeunes femmes, passant pour des mineurs dans les scènes, même si en réalité elles sont — tout juste — majeures.
Le Parlement britannique propose — dans le cadre du "Digital Economy Act" — d'obliger — avant la fin de l'année — les sites pornographiques accessibles depuis le Royaume-Uni à contrôler leur accès avec un code à 16 chiffres fourni par les commerçants britanniques, après présentation d'une pièce d'identité attestant de la majorité du demandeur. Des scandales impliquant des viols par des mineurs envers d'autres mineurs expliquent en partie cette volonté politique de créer un barrage d'entrée vers la pornographie en ligne pour les mineurs. Posséder une carte d'accès comportant les 16 chiffres donnant accès au porno sur Internet devrait coûter autour de 16 euros à celui qui osera aller l'acheter chez son buraliste ou son vendeur de journaux. Le contournement du système par le biais
de réseaux VPN sera évidemment possible, puisque ce dispositif technique ne s'appliquera que sur les machines connectées depuis le territoire britannique. Les sites pornographiques qui ne mettront pas en place leur accès avec le code à 16 chiffres pour le public britannique pourraient par contre subir une amende de 285 000€, et s'ils persistaient à ne pas suivre la règle, être bloqués.
En France : régulation, éducation et facilitation des plaintes
Le président Emmanuel Macron — alors que le hashtag "#MeeToo" faisait encore la une des journaux — déclarait le 25 novembre 2017 depuis l'Elysée : "
Il faut éviter que les comportements les plus indignes ne fassent l'objet d'une forme de propagande tacite. Les plus jeunes regardent infiniment moins la télévision que les plus âgés, et nous ne régulons pas aujourd'hui l'accès [...]
aux contenus pornographiques de plus en plus diffusés. [...]
Nous devrons donc repenser le cadre de notre régulation, en particulier des contenus audiviosuels, en prenant en compte l'évolution du numérique afin d'étendre les pouvoirs et la régulation du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel, ndlr)
" . Depuis lors, un "Plan sécurité sexuelle" a été annoncé, proposant "une grande campagne de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles", ainsi que des dispositions pour faciliter les plaintes en cas d'agression sexuelle, un âge minimum de consentement sexuel légal, mais rien sur l'exposition des mineurs à la pornographique en ligne !
L'association Ennocence, qui a comme mission depuis 2015 de "protéger les enfants contre les risques d’exposition à la pornographie en ligne, principalement sur les sites de téléchargement et de streaming illégaux", résume dans un communiqué l'immobilisme politique français sur ce problème de plus en plus inquiétant : “
Les plateformes de streaming illégal de contenu non pornographique, première porte d'entrée des enfants à la pornographie, sont totalement oubliées du débat. De plus, la question d'une réforme du droit — en complément du travail de sensibilisation — permettant enfin de donner à la justice les moyens de faire fermer ces plateformes (pornographiques comme non-pornographiques) est écartée.”
Si la loi britannique du contrôle d'accès à la pornographie en ligne est mise en œuvre cette année, la France pourra-t-elle faire comme si de rien n'était et continuer à seulement demander au CSA de "réguler la pornographie en ligne" ? Le système proposé au Royaume-Uni a de nombreux avantages puisqu'il ne censure pas les sites, et surtout, respecte la vie privée, puisque le code à 16 chiffres sera parfaitement anonyme. Pourquoi ne pas s'en inspirer ?