Porte de Brandebourg - comment se souvenir ?

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Ou comment ne pas oublier...
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Ou comment ne pas oublier...

Pour se remémorer les crimes du nazisme, en particulier la Shoah, les Berlinois semblent avoir estimé qu'il fallait baisser les yeux. Mais que de polémiques autour de l'édifice principal imaginé juste avant, mais réalisé après la chute du mur, sur l'un des no man's land mitoyen de la porte de Brandebourg, l'un de ces lieux hautement sécurisés où il ne fallait pas s'égarer. Questions existentielles : un événement de cette ampleur peut-il se retrouver, se réduire à un monument ? Doit-on séparer les tentatives d'extermination : les Juifs d'un côté, les Tsiganes d'un autre, et les homosexuels encore ailleurs ? Questions matérielles : pourquoi construire un mémorial, alors que Berlin et ses alentours recèle tant de lieux de mémoires - camps, cimetières, ruines ? Comment rendre compte de la dimension inhumaine, surhumaine de l'horreur ?
Porte de Brandebourg - comment se souvenir ?
Le premier projet retenu fut celui d'une peintre berlinoise, Christine Jackob-Marks. Elle proposait d'inscrire les noms des quatre millions deux cent mille victimes recensées de la Shoah. Le gigantisme de la proposition fit peur finalement... C'est un champ de 2711 stèles qui a donc poussé. De taille inégales, elles veulent plonger le promeneur dans une atmosphère de malaise et de confusion, de déraison humaine. Mais lorsqu'on s'avance, s'enfonce entre leurs murs, on se laisse aller à une sorte d'étrange calme. Les bruits du dessus/dehors arrivent étouffés. Les silhouettes des autres visiteurs s'effacent aussi vite qu'elles apparaissent. Là, à quatre pieds sous terre, jusqu'en 1945, se terrait Joseph Goebbels, le ministre de la propagande d'Hitler.
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Au dessus, les blocs de granit servent tour à tour de forum de discussion ou de bancs de repos, on y crie, rit sans façon. Le mémorial s'est imposé en prolongation de promenade bucolique. Est-ce bien, est-ce mal ?
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À ce gigantisme dont le sens s'enfuit, ne doit-on pas préférer ces récentes initiatives citoyennes ? Les habitants d'immeubles se réunissent et décident d'inscrire sur le trottoir, devant leur porte, sur de petites plaques dorées, les noms des habitants juifs qui vécurent là avant d'être déportés et exterminés.
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Il faut non seulement marcher la tête baissée pour les repérer sur l'asphalte urbain, mais aussi se pencher, s'accroupir pour lire les noms des victimes. Dans sa modestie même, le geste provoque une intense émotion...
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Sur la Opernplatz, on a brûlé les livres, prélude à la crémation des êtres humains. Adolf Hitler venait d'arriver au pouvoir, avec la complicité bienveillante des capitaines d'industrie et des aristocrates allemands, persuadés qu'il était le seul à pouvoir endiguer la montée socialiste et qu'ils pourraient le contenir... Sous le lieu même, renommé Bebelplatz (du nom du socialiste allemand August Bebel), l'artiste israélienne Micha Ullman a installé sa bibliothèque engloutie, étagères blanches et vides.
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« Dort, wo man Bücher verbrennt, verbrennt man am Ende auch Menschen » (« Là où on brûle les livres, on finit par brûler les hommes ») avait écrit le poète Heine, longtemps avant... Nous sommes toujours à l'Est, mais il fallut attendre les lendemains de 1989, pour rappeler l'incendie de plus de 20 000 volumes, essentiellement écrits par des auteurs d'origine juive, Freud, Marx, Zweig, Mann, et tant d'autres, tant d'autres...
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À l'Est et à l'Ouest, la dénazification ne fut pas menée de même manière. Côté Ouest, on érigea des monuments, on l'inscrivit dans les programmes scolaires. En témoigne encore ce wagon, installé à Hansawiertel, quartier résidentiel pour jeunes couples avec enfants.
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Au lendemain de la défaite du nazisme, les Américains menèrent même un programme de rééducation de la population par le film... Le poids des mots, le choc des photos, comme on le voit ici dans ce clip de 1945 ou 1946 titré "Les moulins de la mort". Cela n'empêcha pas nombre de hauts fonctionnaires, d'industriels impliqués dans le nazisme de rester en place, la République fédérale avaient besoin d'eux pour se reconstruire.
Il fallut la gifle de Beate Klarsfeld au chancelier Kurt Georg Kiesinger, chrétien démocrate élu malgré son passé nazi notoire, le 7 novembre 1968, pour engager une prise de conscience salutaire. À l'Est, les nouveaux dirigeants estimèrent que la République démocratique valait toutes les dénazifications du monde. Point de monument ni d'éducation collective, l'homme nouveau à venir réparerait l'horreur. Aujourd'hui, c'est à l'Est que les néonazis engendrent le plus d'adhérents, défilent fièrement et tabassent les étrangers le plus souvent.
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Prochaine étape, 26 octobre 2009, Alexanderplatz : Karl et Friedrich sont toujours là