Fil d'Ariane
Au début de l'automne 2016, Benoît Hamon jugeait inévitable un éclatement du PS : « On passera par une phase de séparation », confiait-il. Une phrase de mauvais augure pour le candidat de "la Belle alliance populaire" qui espère désormais endosser les habits présidentiels. Large vainqueur de la primaire, le plus dur attend Benoît Hamon. Pour atteindre le second tour de l'élection, celui qui se présente comme l'antithèse de Hollande doit rassembler une gauche en pleine implosion. Lâché par son ancien Premier ministre Manuel Valls et de nombreux socialistes, l'éternel « jeune du PS » doit aujourd'hui faire campagne sans son parti.
Officiellement investi par le PS le 5 février, le présidentiable défend son projet politique : « Je ne crois plus du tout dans cette forme d'immaturité qui consiste à proposer un guide au peuple et à la Nation dans un rapport assez abstrait aux foules et au peuple, qui vous amène à assumer tranquillement être la solution aux problèmes de tous les Français ». Benoît Hamon se positionne clairement comme «l'homme non providentiel ». Mais saura-t-il convaincre les électeurs et rallier les membres du parti, malgré son passé de frondeur et la tentation Macron ?
Conseiller jeunesse auprès de Lionel Jospin, il échoue comme député. Il n’a alors pas 30 ans. Après les législatives de 1997, Benoît Hamon trouve refuge au sein du cabinet de Martine Aubry, alors ministre de l’emploi en pleine cohabitation. C'est la première expérience de gouvernement pour celui que la maire de Lille surnomme le « Petit Ben ».
Nous étions l’attraction. Arnaud dans un registre flamboyant, Vincent, la caution intellectuelle, et moi qui avais les jeunes, c’était sympa. Benoît Hamon
Il poursuit son ascension au sein du parti mais la défaite de Lionel Jospin à l'élection présidentielle freine son élan. 21 avril 2002. C'est le choc. Le candidat socialiste est éliminé dès le premier tour. Benoît Hamon prend ses distances. Après un passage à l'Institut de sondage Ipsos, cet empêcheur de tourner en rond tente une révolution de palais au PS. Avec deux autres de sa génération : Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, il fonde le NPS, le Nouveau parti socialiste. « Nous étions l’attraction, on s’est vraiment marré. Arnaud dans un registre flamboyant, Vincent, la caution intellectuelle, et moi qui avais les jeunes, c’était sympa » se remémore-t-il. Le courant est éphémère et ses camarades deviendront bientôt des rivaux.
Député européen en 2004, il n'hésite pas à s’opposer à la Constitution européenne un an après. Frondeur mais fidèle au parti, il se rallie à Hollande en 2005. Mais c'est lors d'un discours au congrès de Reims que « Petit Ben » s’affirme véritablement face aux ténors du PS et charme les médias. « Je veux une gauche qui soit parfaitement décomplexée », s'exclame celui qui incarne désormais l’aile de gauche. La crise financière est passée par là. Il décroche la 3e place derrière Ségolène Royal et Martine Aubry.
En 2008, la dame des 35 heures le choisit pour le poste convoité de porte-parole du PS. « Cela lui a permis de s’extraire des combines d’appareil pour tenir un rôle national », analyse un membre du parti dans Les Inrocks. « Il a développé ses talents de communicant et il a pu asseoir son leadership sur l’aile gauche après le départ fracassant de Jean-Luc Mélenchon. »
Député des Yvelines, l'apparatchik entre au gouvernement sous la présidence Hollande en 2012. Il est nommé ministre à Bercy délégué à l’Economie sociale et solidaire, à la grande surprise de ses proches. Il le restera jusqu’en mars 2014 avant de devenir ministre de l’Éducation Nationale. Très vite, il se trouve en désaccord avec la ligne économique de Manuel Valls et François Hollande. « Il est incohérent que je reste au gouvernement », reconnaît-il en août 2014. Cet été là, il flotte comme un parfum de dissidence à la Fête de la rose lorsque Benoît Hamon répond à l'invitation d'Arnaud Montebourg... 147 jours après sa nomination, il démissionne.
Après ce départ précipité, il devient à nouveau député et rejoint les frondeurs. Il s'oppose à la loi Macron puis à la loi El Khomri « qui me conduit par deux fois, face au recours à l’article 49–3 de la Constitution, à signer une motion de censure », explique-t-il sur son site de campagne. La rupture avec François Hollande est actée pour de bon.
Eté 2016, prenant de vitesse son plus proche rival, Arnaud Montebourg, il annonce sa candidature à l'élection présidentielle. Avec un ambitieux projet : «faire battre le cœur de la France » et le désir de rompre avec « les quinquennats qui se succèdent ». Longtemps donné perdant, il remporte haut la main - avec 59% des voix - la primaire de la gauche. L'outsider devient le candidat du PS pour 2017.
L’homme que personne n’attendait ? titrait Les Inrocks, au lendemain de sa victoire inattendue. Pourtant, son passage en décembre dernier dans l’Emission politique de France 2 pouvait laisser présager un tel plébiscite. Malgré la faible audience, le candidat y avait fait une prestation remarquée.
« Il a bluffé beaucoup de monde, y compris chez ses soutiens », confiait à l'époque, son porte-parole Alexis Bachelay, au Huffington Post. Mais son succès repose surtout sur le rejet de Manuel Valls qui incarne la politique menée ces cinq dernières années à Matignon.
Homme discret vis-à-vis des médias, il est peu connu du grand public. Les sémiologues invités dans Le Parisien à analyser sa rhétorique y voient un discours « en toute modestie » entre « douceur » et «concret ». Celui qui aime citer Aimé Césaire n'en est pas moins dénué d'humour : « De toutes les manières, c'est toujours pareil : la droite fait référence à de Gaulle et la gauche, à Mitterrand. Bientôt, vous verrez mes concurrents avec une écharpe et un chapeau. » Et des concurrents il en a. A Solférino d'abord, où les défections sont nombreuses. Isolé, à la peine dans les sondages, Benoît Hamon n'a pourtant pas dit son dernier mot. Ce joueur de rugby du XV parlementaire compte bien transformer l'essai.