Emmanuel Macron se qualifie pour le second tour de l'élection présidentielle en France. Le candidat du mouvement "En marche", mouvement qu'il a lui-même créé, est un homme au profil insaisissable, et joue d'une certaine ambiguïté politique pour séduire tous les électorats. Qui est Emmanuel Macron ? Revoici son portrait publié le 2 mars 2017.
A 39 ans, il est l'homme qui séduit à droite comme à gauche. L'ancien ministre de François Hollande est l'invité surprise de la course à la présidentielle française. Sa candidature était inimaginable il y a un an, incertaine il y a six mois, il est aujourd'hui parmi les favoris du scrutin.
Il est pourtant celui dont on ne sait trop s'il est d'un camp ou de l'autre. Lui se dit "de gauche", dans son autobiographie Révolution publiée fin 2016. Mais il se revendique aussi "libéral". Sa posture de centriste lui confère en tout cas une position centrale dans cette course présidentielle. Les sondages récents le donnent qualifié pour le second tour, avec la candidate de l'extrême-droite Marine Le Pen. Les autres candidats - de gauche et de droite - en ont fait la cible principale de leurs attaques.
La plupart des portraits qui sont dressés d'Emmanuel Macron parlent d'un homme à plusieurs visages, complexe, insondable. A la fois affable, proche des gens et sans affect. Son engagement singulier en politique peut sans doute s'expliquer par son parcours hybride. Issu d'une famille de médecins du Nord de la France, tiraillé entre son amour pour la philosophie, le théâtre, la musique classique et le désir de réussir, il grimpe rapidement les échelons en tant que banquier d'affaires avant de devenir ministre. Un passé qui révèle, pour ses contempteurs, la collusion entre fonction publique et monde des affaires.
De juteux contrats
Emmanuel Macron est né à Amiens, en 1977. Élève doué, lettré, il est éduqué aussi bien par sa grand-mère, avec qui il revendique un lien fort, que par ses parents. Il a 17 ans quand il déclare sa flamme à celle qui partage aujourd'hui sa vie : sa professeure de français, en classe de première. Lui est alors mineur, elle, Brigitte Trogneux, est mariée, mère de trois enfants, de 24 ans son aînée. La relation déplaît à Monsieur et Madame Macron. Le jeune homme fera fi de leur avis. Il épouse Brigitte en 2007.
Après des études à l'ENA (École nationale d’administration), il devient inspecteur des Finances. Un parcours classique au service de l'Etat.
Tout aussi classique pour beaucoup de diplômés de cette prestigieuse "école de la République" sera sa rapide conversion au secteur privé : en 2008, il est recruté par Rothschild et Compagnie, l'une des banques d'affaires les plus influentes en France, où il gravit rapidement les échelons et signe de juteux contrats. Son principal fait d'armes : le rapprochement entre Nestlé et la branche nutrition de Pfizer, début 2012. Un mariage à 9 milliards d'euros, qui lui offre le statut de millionnaire.
Il quitte le privé juste après cette rentable opération, quand François Hollande accède au pouvoir, non sans avoir refusé les avances de Nicolas Sarkozy en 2007. Il devient le principal conseiller économique du nouveau chef de l'Etat, puis secrétaire général adjoint de la présidence de la République. Un poste clé à l'Elysée qui lui permet de nouer des relations dans tous les secteurs de la politique française. Des contacts durables qui l'aideront ensuite dans son désir de présidence.
"Pas un homme politique"
A cette époque, pourtant, il ne se "
voit pas comme un homme politique". Il n'a pas le profil-type qui pourrait correspondre à son parcours : à la fois naïf et enthousiaste, proche des patrons comme des syndicats, à l'aise dans les milieux d'affaires et avec les ouvriers, il n'en reste pas moins ambitieux. Ses critiques soulignent d'ailleurs sa capacité à ne pas prendre parti, avec l'espoir peut-être de ne pas s'aliéner les soutiens de tel ou tel camp.
Emmanuel Macron
- Né le 21 décembre 1977 à Amiens (Somme, France)
- 1994 : il s'installe à Paris
- 2004 : diplômé de l'ENA, promotion Senghor
- 2008 : recruté par la banque Rothschild et Compagnie, devient millionnaire
- 2012 : recruté par François Hollande à l'Elysée, devient ministre
- 2016 : annonce sa candidature à la présidentielle française
Il est nommé au poste de ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique le 26 août 2014. Pendant deux années à ce poste, Emmanuel Macron est adulé des patrons de start-up (jeunes pousses). Il est l'artisan d'un soutien très médiatique aux entreprises innovantes de la "French Tech". Une omniprésence médiatique qui agace alors sa secrétaire d'Etat au Numérique, Axelle Lemaire. Cette femme de dossiers s'était emparée du soutien à l'innovation bien avant son ministre de tutelle. Elle apprécie peu d'être reléguée au rôle secondaire sur ce sujet.
Comme ministre, il dérape parfois. Comme ce jour de mai 2016 où, en déplacement dans le sud de la France, il s'emporte face à deux grévistes. Irrité par des attaques verbales, il lâche : "
Vous n'allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler". Pour beaucoup, la sortie révèle alors le mépris d'Emmanuel Macron pour les classes populaires, comme lorsqu'il avait été contraint de s'excuser après avoir qualifié d'illettrés "
beaucoup" de salariés d'une entreprise en liquidation judiciaire.
Mais ce qui marque le plus le passage d'Emmanuel Macron à Bercy sera sans doute la loi qui porte son nom. La "loi Macron" - ou "loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques"- est un vaste catalogue de réformes qui aura fait couler beaucoup d'encre. Parmi les mesures adoptées : le développement d'un vaste réseau de transports par car, l'extension des ouvertures le dimanche pour les commerçants, l'accélération des procédures devant la justice prud'homale ou la modification des règles du licenciement collectif. Un texte "fourre-tout" qui suscite, dès le début, de vives contestations de toutes parts. A tel point qu'après avoir profondément allégé le projet de loi, le gouvernement est obligé de passer en force. A deux reprises, il utilise le dispositif du 49-3 pour se passer du vote des députés et faire adopter cette loi controversée le 10 juillet 2015.
Le VGE de 2017 ?
De cet épisode, l'image politique du premier ministre Manuel Valls sort sérieusement abîmée, mais, étonnamment, pas celle du ministre qui portait le texte. Au contraire, ces semaines de débats donnent une visibilité inespérée à Emmanuel Macron, l'image d'un homme réformiste. Il entre à l'époque dans le "top 6" des personnalités de gauche préférées des Français (sondage IFOP-Paris Match).
Dès lors, il capitalise sur cette image. Il multiplie les subtiles estocades et les attaques directes contre le chef du gouvernement et contre François Hollande. Il laisse longtemps planer le doute sur sa démission et sur ses ambitions présidentielles. A l'été 2016, il quitte ses fonctions ministérielles avant d'annoncer sa candidature le 16 novembre lors d'un déplacement à Bobigny organisé pour l'occasion.
Ces ambitions précoces incitent les observateurs à comparer son parcours à celui de Valéry Giscard d'Estaing. A l'époque de sa candidature, en 1974, VGE incarnait lui aussi modernité, réformisme et farouche défense de la cause européenne. Il avait été élu à l'âge de 48 ans, ce qui faisait de lui le plus jeune président de la République française. Emmanuel Macron veut effacer ce record. Il rêve de fêter ses 40 ans, en décembre, sous les ors du Palais de l'Elysée.