Pourquoi Donald Trump s'en prend à l'Afrique du Sud ?

Comme son allié Elon Musk, Donald Trump s'oppose durement à la récente loi sur l’expropriation en Afrique du Sud et signe un décret gelant toute aide ou assistance au pays. Pretoria dénonce une "campagne de désinformation et de propagande". 

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Trump et Musk

Le candidat républicain à la présidence, l'ancien président Donald Trump, à gauche, et le PDG de Tesla et SpaceX, Elon Musk, apparaissent sur scène lors d'un événement de campagne au Butler Farm Show, samedi 5 octobre 2024, à Butler, en Pennsylvanie.

AP Photo/Alex Brandon
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Pourquoi Trump sanctionne l’Afrique du Sud ?

Donald Trump a accusé l’Afrique du Sud de traiter "TRÈS MAL certaines catégories de personnes". Le président des États-Unis fait référence à une récente loi sur l'expropriation, soit la privation d’une propriété à son propriétaire foncier, contre son grès. Cette loi vise à réparer les torts de l’apartheid en réattribuant certaines terres sans compensation, qui sont inutilisées ou laissées à l’abandon.

Tout une frange des propriétaires fonciers blancs ont contesté la décision de Pretoria. Donald Trump leur a emboîté le pas en dénonçant une confiscation des terres. Ce qu’a démenti le président d’Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, qui assure qu’il s’agit d’une "procédure légale qui garantit l’accès à la terre d’une manière juste et équitable, conformément à la Constitution”.

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Plus de vingt-cinq ans après l’apartheid, aboli en 1991, les disparités gangrènent encore le pays. Selon les chiffres issus du Land Audit Act (2017), “seulement 4 % des terres arables appartiennent à des Noirs, alors qu’ils représentent 81 % de la population. À l’inverse, 72 % des terres sont détenues par 36 000 fermiers blancs, alors que les Blancs ne représentent guère plus de 8 % de la population.

La crise entre Donald Trump et Pretoria a commencé avec des déclarations de Donald Trump, accusant l'Afrique du Sud de vouloir procéder, comme au Zimbabwe, à une confiscation des terres appartenant aux fermiers blancs. Dans les années 2000, l’ancien président Robert Mugabe avait conduit une réforme agraire sur fond de violence et de populisme. L’échec avait été conséquent, la réforme ayant exacerbé les tensions raciales.

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Le président américain s’en prend aussi à l’Afrique du Sud pour son rôle dans la guerre entre Israël et le Hamas. Au cours des derniers mois, elle a fourni beaucoup d’efforts pour faire qualifier la guerre à Gaza de "génocide" et a saisi la Cour pénale internationale (CPI) contre Israël. Une implication que Donald Trump voit d’un mauvais œil, lui qui a décidé de sanctions à l’encontre de la CPI, jeudi 6 février, pour avoir "engagé des actions illégales et sans fondement contre l'Amérique et son proche allié Israël".

Quelles sanctions américaines ont été prises contre Pretoria ?

En répercussion, le président des États-Unis a signé un décret gelant toute aide ou assistance à l'Afrique du Sud, vendredi 7 février. Ce soutien financier américain représente près de 440 millions de dollars par an au total, selon RFI. 

Le décret promet spécifiquement de porter assistance à la minorité "afrikaner", descendants des premiers colons européens, estimant que la récente loi de Pretoria est discriminatoire à leur égard.

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Des programmes pour la santé, la recherche ou le développement agricole sont impactés et vont se retrouver à l'arrêt en Afrique du Sud. Mais c’est l’avenir incertain de l'AGOA, l'accord commercial entre certains pays africains et les États-Unis, qui doit être renouvelé en septembre prochain.

Un quart des exportations sud-africaines à destination des États-Unis profitait de tarifs douaniers préférentiels, indique RFI. 

Quel rôle le milliardaire américain Elon Musk joue dans cette crise ?

Derrière la signature du décret américain, on entrevoit l’influence du milliardaire Elon Musk sur la diplomatie de Donald Trump. « Pourquoi vos lois sur la propriété sont-elles ouvertement racistes ? », a demandé Musk au président sud-africain, Cyril Ramaphosa, sur son propre réseau social X. Avant de surenchérir quelques jours plus tard en affirmant que « les Sud-Africains blancs sont persécutés en raison de leur race dans leur propre pays ».

L’entrepreneur et homme politique est d’ailleurs né en Afrique du Sud, où il y vit jusqu’à ses 17 ans. Il connaît alors le régime de l’apartheid, régime discriminatoire vis-à-vis des populations noires. 

Elon Musk

Elon Musk arrive avant la 60e investiture présidentielle dans la rotonde du Capitole à Washington, lundi 20 janvier 2025. 

Kevin Lamarque/Pool Photo via AP, File

Pour le politologue Sandile Swana, interrogé par l’AFP, Elon Musk "joue un grand rôle" dans la diplomatie du nouveau président des États-Unis. "Certains Sud-Africains blancs haut placés murmurent des choses à l'oreille de Trump qui ne sont pas vérifiées", avance-t-il. 

Selon lui, "des groupes de suprématistes blancs prennent du pouvoir au sein de l'État et l'utilisent pour imposer leurs vues de droite conservatrice", l'Afrique du Sud étant "une cible facile".

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L’attaque d’Elon Musk sur X intervient aussi au moment où le milliardaire cherche à déployer son réseau Internet Starlink en Afrique du Sud et rencontre quelques problèmes. Pour obtenir une licence dans le secteur des télécommunications, les entreprises doivent avoir un capital détenu à 30% au moins par des personnes issues de groupes historiquement désavantagés.

Comment l’Afrique du Sud a-t-elle réagi ?

L’Afrique du Sud "ne se laissera pas intimider", a déclaré le président Ramaphosa lors de son discours annuel sur l'État de la nation, jeudi 6 février. « Nous sommes, en tant que Sud-Africains, un peuple résilient. Et on ne se laissera pas intimider », a-t-il ajouté.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa se touche la tête lors de la Commission d'enquête Zondo sur la capture d'État, à Johannesburg, le jeudi 12 août 2021. Cyril Ramaphosa témoigne au deuxième jour de l'enquête judiciaire sur la corruption durant le mandat de l'ancien président Jacob Zuma, de 2009 à 2018.

AP Photo/Sumaya Hisham/Pool

Le porte-parole de la présidence sud-africaine, Vincent Magwenya, a voulu dissiper les doutes des américains sur la nouvelle loi en déclarant, lundi 3 février, qu’elle « n'est pas un outil de confiscation mais un processus judiciaire constitutionnel qui permet d'assurer un accès aux terres de façon équitable et juste, comme l'enjoint la Constitution ». Il ajoute que les autorités sud-africaines sont ouvertes au dialogue avec l’administration Trump. 

Le ministre de l'Énergie et des Ressources minérales, Gwede Mantashe, ne s’est pas appliqué à la même diplomatie en répondant au président américain que « l'un des inconvénients d'une économie en développement, c'est d'être victime d'intimidations de la part des économies développées. Il faut nous traiter avec respect, et bien comprendre que nous sommes un État souverain, pas une province des États-Unis », rapporte RFI.

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Samedi 8 février, Pretoria a dénoncé la "campagne de désinformation et de propagande" qui a selon elle motivé la fin de l'aide américaine en sa faveur.

Le ministère des Affaires étrangères se dit dans un communiqué "très préoccupé" par "le postulat de base de ce décret" qui "manque d'exactitude factuelle et ne reconnaît pas l'histoire profonde et douloureuse de l'Afrique du Sud en matière de colonialisme et d'apartheid".

Les États-Unis ont enfoncé le clou, samedi, se disant être prêts à accueillir "des agriculteurs sud-africains persécutés", a annoncé samedi la porte-parole de la diplomatie américaine.