C'est une nouvelle affaire d'utilisation de données Facebook qui implique Cambridge Analytica, l'entreprise de Robert Mercer, grand soutien de Donald Trump. Facebook, toujours sous le coup de l'enquête du FBI dans l'affaire de l'ingérence russe durant la campagne présidentielle se voit donc obligée de bannir Cambridge Analytica de son réseau social. Les faits reprochés ont été commis il y a 3 ans et étaient pourtant connus de l'entreprise de Mark Zuckerberg. Le réseau social cherche-t-il avant tout à montrer patte blanche et faire oublier son implication ?
Pourquoi l'entreprise de traitement de données et d'influence numérique Cambridge Analytica (CA) vient-elle de se faire virer de Facebook ? Selon la firme de Mark Zuckerberg, la raison serait l'utilisation illégale par Cambridge Analytica d'informations contenues dans 50 millions de profils Facebook américains… à des fins d'influence électorale.
Facebook affirme avoir été trompée au départ par un chercheur, un professeur de psychologie — américano-russe — le docteur Kogan, qui développait une application de recherche : "thisisyourdigitallife".
L'entreprise américaine Cambridge Analytica est détenue à 10% par SCL Elections, une entreprise britannique spécialisée dans les "opérations psychologiques militaires" et "la gestion d’élections". Les opérations militaires psychologiques, aussi nommées "Psyop" sont en réalité des méthodes modernes de propagande, basées sur les technologies de l'information à des fins d'influence de masse. Rachetée par un milliardaire spécialiste de l'intelligence artificielle, Robert Mercer, Cambridge Analytica est une entreprise américaine qui se vante sur son site Internet d'avoir fait gagner l'élection présidentielle à Donald Trump.
Le vice-président du Comité d'administration de Cambridge Analytica est l'ancien chef de campagne de Donald Trump et ex-conseiller à la présidence, Steve Bannon. Ce dernier a été accusé d'influencer l'élection par le biais du site d'extrême droite qu'il dirigeait, Breitbart News. Les données anonymes achetées légalement à Facebook sont une source très importantes pour CA dans la constitution de ses profils d'électeurs. L'anonymat de ces données de départ est très facile à "déverrouiller" et permettre ainsi de cibler chaque profil avec un électeur, comme l'a démontré David Caroll, l'enseignant new-yorkais qui a porté plainte contre l'entreprise en Grande-Bretagne.
Kogan propose en 2014 de payer les membres de Facebook pour effectuer des tests de personnalité via son appli, ce que 270 000 font entre 2014 et 2015. Mais l'appli de Kogan recolte aussi les likes et toutes les données des "amis Facebook" des utilisateurs, ce qui fait monter sa collecte à 50 millions de profils. Facebook affirme avoir donné son accord à Kogan uniquement à des fins de recherche universitaire, et il se trouve que le chercheur, un an plus tard — en 2015 — transmet les données qu'il collecte à l'entreprise d'influence électorale Cambridge Analytica. Facebook s'en aperçoit, supprime l'application de sa plateforme et affirme avoir demandé à CA d'effacer les données… mais ne prévient pour autant pas ses utilisateurs. Les données ne seront au final jamais supprimées et utilisées par CA en 2016 pour cibler les électeurs américains afin de les inciter à voter Trump. Depuis lors, Facebook n'a jamais rien entrepris à l'encontre de CA jusqu'à… ce vendredi…
Lanceur d'alerte et suspicions envers Facebook
Toute cette affaire est dévoilée aujourd'hui grâce aux confessions d'un lanceur d'alerte, Christopher Wylie, ayant participé à cette collecte géante de données pour le compte de l'entreprise de Robert Mercer. Ses révélations ont été publiée par The Guardian la semaine dernière et c'est quatre jours après, ce vendredi 16 mars 2018 que Facebook s'est décidée à supprimer le compte de Cambridge Analytica et celui d'Alexander Kogan de son réseau social tout comme celui… du lanceur d'alerte Christopher Wylie. La firme californienne visiblement furieuse d'être pointée du doigt pour son manque de transparence et de réactivité face au problème — elle n'a rien fait contre cette fuite de données et contre CA depuis 2 ans — a menacé The Guardian de poursuites en justice par le biais de ses avocats.
Les entreprises Cambridge Analytica et Facebook sont toujours entendues par la justice britannique et américaine pour leur implication dans l'influence sur le vote du Brexit et de l'élection de Donald Trump.
Si l'on sait que Cambridge Analytica use de tous les moyens possibles et de types données personnelles différents pour permettre le ciblage et l'influence des électeurs, on ne sait pas encore quel est le degré de participation dans la mise à disposition de ces informations personnelles par Facebook. Ce que le lanceur d'alerte explique a par contre de quoi questionner sur les possibilités offertes aux entreprises d'influence psychologique par les informations que chaque utilisateur publie sur le réseau social : "Grâce aux millions de profils Facebook récupérés,nous avons pu construire des modèles pour exploiter ces connaissances et cibler leurs démons intérieurs".
Les publicités politiques qu'on reçu en 2016 les électeurs américains ciblés par CA tapaient là où leurs "démons intérieurs" les tenaillaient.
Si aujourd'hui Facebook écarte l'entreprise Cambridge Analytica de son réseau social, qu'en est-il du commerce des données personnelles des 2 milliards d'utilisateurs dans le cadre de l'influence psychologique en ligne, alors que l'on sait que le modèle économique de Facebook se fonde sur la revente des données de ses utilisateurs ?