Fil d'Ariane
Le 29 août, la secrétaire d’État à l’Asile et l’Immigration belge Nicole de Moor annonce que les hommes seuls ne seraient plus accueillis jusqu’à nouvel ordre. Cette décision fait l’objet de multiples controverses.
Shinwari, un ancien capitaine de l'armée afghane, aujourd'hui demandeur d'asile, ferme sa tente dans le centre de Bruxelles, le 31 janvier 2023.
Jusqu’à nouvel ordre, la Belgique n’hébergera plus d’hommes seuls en situation irrégulière. Dans un communiqué, la secrétaire d’État à l’Asile et l’immigration Nicole de Moor explique "anticiper un afflux croissant de familles et d'enfants" cherchant refuge en Belgique. Cette chrétienne-démocrate flamande veut "éviter absolument que des enfants se retrouvent à la rue en hiver".
Le gouvernement belge justifie cette décision par un manque de places dans les hébergements pour les demandeurs d’asile. Cela signifie que les hommes seuls ne pourront plus bénéficier de places d’accueil dans un centre géré par Fedasil (Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile), car la priorité sera donnée aux familles. “Ces derniers jours, le nombre de familles avec enfants qui demandent l’asile a fortement augmenté”, souligne Nicole de Moor.
D’après les chiffres du Commissariat général aux réfugiés et apatrides, 18 311 personnes ont demandé l’asile en Belgique entre le 1er janvier et le 31 juillet 2023. Sur la même période l’année précédente, 19 098 demandes d’asile ont été déposées. En 2022, la Belgique a fait face à une forte hausse des demandes d’asile, avec 40% de demandes en plus que l’année précédente. La Belgique se situe "dans le groupe des États membres qui reçoivent le plus grand nombre de demandes par rapport à leur population", explique le commissariat général aux réfugiés et apatrides (CVGS) belge au site d’informations Info Migrants.
Nicole de Moor estime que d’autres pays européens pourraient aider la Belgique à prendre en charge les demandeurs d’asile. "Notre pays fait plus que sa part depuis longtemps, souligne la secrétaire d’État. Cela ne peut plus durer, car cette année, 19 000 demandeurs d'asile se sont faits enregistrer en Belgique, contre 1 500 au Portugal, un pays dont la population est similaire à celle de la Belgique."
Très rapidement, l’annonce du gouvernement belge a été critiquée par de nombreuses ONG et institutions. “Cette décision intolérable risque, après deux années de crise au cours desquelles les places pour les hommes seuls étaient déjà très limitées, d’engendrer un nouvel afflux de personnes en rue dans la capitale et ailleurs en Belgique”, dénonce l’antenne belge de Médecins sans Frontières. Pour le coordinateur médical MSF Jean-Paul Mangion, cette décision est “absurde” et “ne fera qu’accroître le nombre de personnes à la rue.”
Le 31 août, la région de Bruxelles demande au gouvernement belge de revenir sur cette décision. Dans un communiqué, le gouvernement régional fait le lien entre la crise de l'asile en Belgique et la présence de "très nombreuses personnes sans abri" dans les rues de la capitale, particulièrement autour des grandes gares.
"Le gouvernement bruxellois doit constater que depuis plusieurs années, la situation socio-sanitaire et la sécurité de plusieurs quartiers se dégradent du fait de facteurs sur lesquels il n’a que peu de compétence institutionnelle", écrit le gouvernement régional. Il cite "le trafic de drogue et la criminalité qui l’accompagne, ainsi que la présence de très nombreuses personnes sans abri, demandeuses d’asile ou sans titre de séjour".
La Commission européenne indique également qu’elle va consulter les autorités belges à ce sujet. Anitta Hipper, porte-parole de la Commission européenne pour les Affaires intérieures, la Migration et la Sécurité intérieure reconnaît que la situation de l’accueil en Belgique est “difficile”. “Cette annonce doit encore être discutée au sein du gouvernement belge. Il faudra voir ce qui se passe exactement, ajoute la porte-parole. La Commission contactera les autorités belges à ce sujet.”