Fil d'Ariane
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé lundi soir que la Turquie ne "cèdera pas" sur l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan après que les deux pays ont officialisé leur candidature.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan durant un sommet extraordinaire de l'OTAN à Bruxelles, en Belgique, le 24 mars 2022.
C’est une question qui taraude bon nombre d’États. Depuis l’invasion russe en Ukraine, les pays proches ou limitrophes de la Russie cherche à se mettre à l’abri d’une potentielle menace de Moscou.
Après avoir consulté leur population, la Suède et la Finlande ont jugé nécessaire de se placer à l'abri du parapluie otanien face à une Russie capable d'envahir militairement un de ses voisins.
Si les demandes officielles des deux pays scandinaves seront officiellement envoyées le 18 mai, la Turquie a annoncé s’opposer à leur intégration.
Une des premières raisons invoqués par le président turc est la protection accordée par les pays scandinaves aux réfugiés kurdes.La Suède et la Finlande sont en effet une terre d’accueils pour les kurdes qui ont fui les différents coups d’États de Turquie depuis les années 1970.
Pour Erdogan, les pays accueillant aussi des militants politiques pro-kurdes seraient des « auberge[s] aux terroristes du PKK». Le parti des travailleurs du Kurdistan est considéré comme une organisation terroriste par Ankara.
« Comment allons-nous leur faire confiance? La Suède est la pépinière des organisations terroristes(…) » a déclaré le président turc le 16 mai 2022. La Turquie reproche notamment à la Suède et à la Finlande de ne pas approuver ses demandes d'extradition des personnes qu'elle accuse d’être membres d’« organisations terroristes ». Aucune des 33 demandes d'extradition envoyées par Ankara n'a reçu de réponse positive de la part de Stockholm ni de Helsinki au cours des cinq dernières années.
Par ailleurs, depuis l’opération militaire lancée par la Turquie contre les Kurdes en Syrie en 2019, la Suède et la Finlande - ainsi que d’autres pays de l’Union européenne - opèrent un embargo sur leurs ventes d’armes à la Turquie. « Nous ne cèderons pas sur l'adhésion à l'Otan de ceux qui appliquent des sanctions envers la Turquie », a martelé le chef de l’État turc.
Après près de deux siècles de neutralité puis de non-alignement militaire, « nous quittons une ère pour entrer dans une nouvelle », a souligné la Première ministre suédoise Magdalena Andersson. L’OTAN a assuré que les deux pays seraient accueillis « à bras ouverts », contrairement à la Turquie.
Une délégation diplomatique suédoise devrait être envoyée pour « voir comment la question peut être résolue », a annoncé le ministre suédois de la Défense Peter Hultqvist. Évoquant cette prochaine visite, le président Erdogan a répondu dans la foulée: "Ils vont venir pour nous convaincre? Qu'ils ne se fatiguent pas!".
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu s’est toutefois montré conciliant envers la Finlande la veille de la déclaration du président turc, mais a reproché à la Suède de tenir des propos "provocants" lors des discussions à Berlin avec ses pairs de l'Alliance atlantique.
Le président finlandais Sauli Niinistö s’est, lui, dit "optimiste" sur le fait d'obtenir le soutien de la Turquie à l'adhésion de son pays et de la Suède à l’OTAN, malgré les menaces de blocage du président Recep Tayyip Erdogan.
« Les derniers jours ont été un peu surprenants », a souligné le chef d’État finlandais lors d'une visite d'Etat en Suède coïncidant avec l'annonce de la candidature des deux pays nordiques.
Lors d'un appel le mois dernier avec le président Erdogan, ce dernier s'était dit « favorable » à l'entrée de la Finlande "et la semaine dernière il s'est dit « pas favorable »", a-t-il ajouté. « Cela signifie que nous devons continuer nos discussions. Je suis optimiste », a affirmé le président finlandais. « À l'aide de discussions constructives, j'ai confiance que la situation peut-être résolue », a-t-il poursuivi.
Dans les faits, oui.
L'unanimité et la ratification parlementaire des trente membres actuels de l'Alliance atlantique est nécessaire pour faire entrer un nouveau membre. La Turquie est par ailleurs membre de l’OTAN depuis 1952.
Après avoir déclaré que la Turquie ne "cèdera(it) pas" sur l'adhésion de la Suède et de la Finlande, la Turquie a également bloqué dans la foulée une déclaration de l'OTAN favorable à l'entrée des pays qui devait être diffusée le lendemain.
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, s’était pourtant dit "confiant", dans la possibilité pour les pays membres de l'Alliance de trouver un compromis avec la Turquie qui n'a pas l’intention, selon lui, de bloquer l'adhésion de la Finlande et de la Suède.
Le chancelier allemand Olaf Scholz s'est lui aussi dit "confiant" de pouvoir atteindre ce consensus, malgré les menaces de blocage du président turc Recep Tayyip Erdogan. "Nous voyons comment la Turquie agit, notamment dans la situation conflictuelle actuelle : elle a déjà apporté de nombreuses contributions constructives, avec la mise en œuvre des décisions concernant le passage du Bosphore, et je pense que nous pouvons garder cette confiance", a-t-il déclaré.