Fil d'Ariane
Invité d'honneur de la fête nationale du 14 juillet, le Premier ministre indien est arrivé jeudi 13 juillet à Paris pour deux jours. L'occasion pour Emmanuel Macron de consolider la relation stratégique avec cet acteur international clé, mais accusé de dérive autoritaire.
Le Premier ministre indien Narendra Modi, la Première ministre française Élisabeth Borne et le général adjoint au gouverneur militaire de Paris Éric Chasboeuf, devant les gardes républicains français à l'aéroport d'Orly, 13 juillet 2023. AP/ Bertrand Guay.
Le Premier ministre indien Narendra Modi a été accueilli sur tapis rouge à sa descente d'avion peu après 10h30 GMT par la Première ministre Élisabeth Borne.
Après les honneurs sur le tarmac de l'aéroport de Roissy, il s'est engouffré dans une voiture pour commencer sa visite officielle. Elle se conclura par un dîner officiel vendredi 14 juillet au soir avec Emmanuel Macron et plus de 200 convives dans le musée du Louvre, avant les traditionnels feu d'artifice.
Paris et New Delhi sont liés depuis 25 ans par un solide partenariat stratégique, qui se déploie notamment dans le domaine de l'armement. La visite pourrait, selon des informations de presse, déboucher sur l'achat de 26 nouveaux Rafale en version Marine pour le porte-avions indien. De plus, le 13 juillet, l'Inde donne son accord de principe pour l'achat de 3 sous-marins français Scorpène.
Les deux pays ont aussi une certaine convergence de vues en matière de relations internationales. "Nous avons le même désir d'autonomie stratégique. Nos deux pays sont profondément attachés au droit international et nous voulons que le monde soit multipolaire", a déclaré Narendra Modi dans un entretien au journal Les Échos.
Il a affirmé que l'Inde voyait la France comme "l'un de (ses) principaux partenaires mondiaux".
New Delhi, géant asiatique en première ligne face à la montée en puissance de la Chine, est adepte du multi-alignement, continuant par exemple de coopérer avec la Russie.
"Emmanuel Macron souligne que la France et l'Inde partagent une vision de la paix et la sécurité en Europe et dans l'Indo-Pacifique", relève le chercheur Philippe Le Corre, du centre de recherche ASPI. Il se réfère ainsi à la vaste zone couvrant les océans Indien et Pacifique, théâtre de tensions internationales croissantes entre Pékin et Washington et où la France possède des intérêts et territoires d'Outre-mer.
Jeudi 13 juillet, le Premier ministre indien rencontrera la cheffe du gouvernement Élisabeth Borne et le président du Sénat Gérard Larcher, puis s'adressera à la communauté indienne de France. Le soir, il aura un dîner privé avec Emmanuel Macron au palais de l’Élysée.
Vendredi 14, il sera l'invité d'honneur du défilé militaire, auquel participera un fort contingent indien, avec notamment trois Rafale, avant le dîner officiel au Louvre. Une déclaration conjointe à la presse est prévue vendredi après-midi.
"Coopération sécuritaire, spatiale, nucléaire civil, technologie, anti-terrorisme, cybersécurité, changement climatique, énergies renouvelables... seront au menu des discussions des deux dirigeants", a énuméré mercredi 12 juillet le secrétaire indien aux Affaires étrangères, Vinay Kwarta.
À la fois première puissance démographique du monde, géant économique, grand émetteur de gaz à effet de serre et puissance nucléaire, l'Inde est un poids-lourd incontournable, de plus en plus courtisé. Il y a quelques semaines, Narendra Modi avait eu les rares honneurs d'une visite d’État à Washington.
Les dirigeants américain et indien, Joe Biden et Narendra Modi, le 30 juin à la Maison Blanche.
"L'Inde a vu son influence augmenter significativement ces dernières années", relève la chercheuse Fawa Aamer, d'ASPI, rappelant qu'elle occupe actuellement la présidence du G20.
Si la France a réussi à tisser un lien privilégié avec elle, c'est aussi parce qu'elle "commente rarement les affaires internes indiennes", estime de son côté Constantino Xavier, du centre de réflexion CSEP. "Cela est apprécié en Inde".
Le gouvernement est pourtant dans le collimateur de plusieurs ONG et institutions internationales, pour ses régressions en termes de droits humains. L'opposition française a aussi critiqué son invitation.
Narendra Modi "avec son gouvernement nationaliste hindou, n'a cessé de porter atteinte aux droits humains et à la démocratie", dénoncent les signataires d'une tribune publiée la semaine dernière par le journal L'Humanité.
Plusieurs cadres d'EELV, dont la secrétaire nationale Marine Tondelier, ont dénoncé "la faute politique majeure d'Emmanuel Macron", dans un "contexte de régression démocratique et d'irrésistible ascension de l'extrême droite".
Une manifestation d'opposants est prévue vers 15h GMT à Paris, avec, selon les organisateurs, une tête géante de Narendra Modi affirmant "je déteste la démocratie".
"Le 14 juillet, on célèbre la liberté, on célèbre l'égalité et donc il y a clairement un choix qui est fait de montrer à l'Inde que la France est disposée à avoir une relation approfondie, plus stratégique", estime Philippe Bolopion, directeur de cabinet de Human Rights Watch. Mais une telle relation "doit être fondée sur des bases solides, des valeurs communes et le respect des droits humains fait partie de ces valeurs".