
Fil d'Ariane
Le président américain Donald Trump menace d'imposer des droits de douane au Canada à hauteur de 25 %. Mais l'impact économique d'une guerre commerciale serait lourd pour les deux pays.
Le président Donald Trump signe un décret lors d'une parade d'inauguration présidentielle à Washington, lundi 20 janvier 2025.
"Nous envisageons [des droits de douane] de l’ordre de 25 % sur le Mexique et le Canada, parce qu’ils laissent un grand nombre de personnes […] entrer, et beaucoup de fentanyl aussi", justifie Donald Trump depuis la Maison-Blanche, quelques heures après son investiture. Pour résoudre cette situation, le nouveau président des États-Unis propose, notamment, que le Canada devienne le 51e État américain. Sur son réseau social Truth Social, il explique que "les États-Unis ne peuvent plus supporter les énormes déficits commerciaux et les subventions dont le Canada a besoin pour rester à flot". L’intégration permettra de ne plus avoir de "droits de douane" et de réduire "les impôts […] considérablement".
Face à cette menace, que le nouveau président américain expose depuis son élection, le Premier ministre canadien réagit. Mardi 21 janvier à Ottawa, Justin Trudeau soutient que le Canada "ripostera" fermement et rapidement en cas d’application de ces sanctions. "Tout est sur la table et je soutiens le principe de droits de douane équivalents au dollar près", affirme-t-il lors d’une conférence de presse, prévenant que cela "aura un coût pour les Canadiens" et que son pays est prêt "à faire face à tous les scénarios" tout en protégeant ses "intérêts nationaux".
Une guerre commerciale pourrait entraîner une récession significative au Canada, dont l'économie dépend à 75 % de ses exportations vers les États-Unis. Des centaines de milliers d’emplois canadiens sont en jeu, selon la Chambre de commerce du Canada. Le PIB canadien pourrait chuter de 2,6%, mais de son côté, le PIB des États-Unis pourrait également reculer de 1,6%.
(Re)voir La rencontre entre Justin Trudeau et Donald Trump
Le Canada est de loin le plus important marché des États-Unis où près de 350 milliards de dollars américains de produits et services ont traversé la frontière canadienne ces trois premiers trimestres de 2024. En plus d’un lien commercial fort, les deux pays ont surtout des échanges essentiels pour leurs économies respectives.
La majorité des exportations canadiennes sont utilisées par des entreprises américaines dans leur propre production, selon une étude menée par la Banque Toronto-Dominion et publiée le 21 janvier 2025 : "Par conséquent, une part plus qu’importante des répercussions tarifaires négatives sur les importations en provenance du Canada serait attribuable aux chaînes d’approvisionnement et à la productivité des entreprises, ce qui entraînerait une hausse des coûts et des pressions inflationnistes au niveau du commerce de détail."
Face à la menace de Washington, presque tous les chefs d’ États canadiens ont signé, mercredi 15 janvier, une déclaration commune où ils s’engagent à apporter "une réponse solide à d’éventuels droits de douane américains". Seule l’Alberta, grande productrice de pétrole, n’approuve pas l’initiative. Sa Première ministre Danielle Smith craint que ce front commun engendre des conséquences catastrophiques pour les exportations de pétrole lourd. Près de 60 % des importations de brut des États-Unis proviennent du Canada, majoritairement de cette province.
Les exportations canadiennes de pétrole, de gaz naturel et d’électricité ont atteint près de 170 milliards de dollars canadiens en 2023. Parmi elles, le brut lourd bénéficie surtout aux raffineries américaines situées dans le centre-ouest et sur la côte du golfe du Mexique. L’imposition de droits de douane pourrait plus que doubler le prix à la pompe.
(Re)voir Canada : face à Trump, Trudeau resserre les rangs
L’expansion de l’oléoduc canadien Trans Mountain en 2024, qui a permis de tripler la capacité de transport de pétrole vers la côte Pacifique, a également rendu les États-Unis plus dépendants du Canada.
Outre l’énergie, le Canada fournit la majorité des métaux et minéraux considérés comme critiques par le gouvernement américain. De plus, les États-Unis y importent entre 50 % et 80 % de leurs besoins en zinc, tellure, nickel et vanadium.
Certains produits manufacturés seront également directement impactés. C’est le cas de l’automobile. Le Canada est majoritairement dépendant des États-Unis concernant ce secteur, mais l’augmentation des droits de douane aura des répercussions importantes dans les deux pays. Selon certaines estimations, le prix moyen des véhicules pourrait augmenter d’environ 3 000 $ aux États-Unis.