Pourquoi les munitions à l'uranium appauvri sont-elles controversées ?

Les États-Unis ont annoncé fournir prochainement à l'Ukraine des munitions à l'uranium appauvri. Capables de perforer des blindages, elles présentent des risques toxiques pour les militaires et les populations ciblées. 
 

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uranium appauvri

Une munition de 30mm d'uranium appauvri retrouvée à côté de Sarajevo, le 15 janvier 2001.

AP/Hidajet Delic
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C'est une annonce qui intervient alors que les forces armées ukrainiennes mènent une contre-offensive contre les Russes. Estimant que cette avancée faisait des progrès "très encourageants", le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, en visite à Kiev, a aussi annoncé du même coup une aide d'un milliard de dollars. Dans ce montant, un volet prévoit la fourniture de munitions à uranium appauvri de 120 millimètres destinées à des chars de combat américains Abrams, promis par la Maison Blanche.

  • Qu’est-ce que l’uranium appauvri ?  

L'uranium appauvri est un sous-produit issu du processus d’enrichissement de l’uranium, mécanisme qui permet de rendre l’uranium trouvé à l’état naturel exploitable par les centrales nucléaires. Contrairement au nucléaire qui fait fonctionner les centrales, à usage civil, l'uranium appauvri est utilisé dans l'armement.

Sa spécificité est qu’il est environ 60% moins radioactif que l'uranium naturel. Il reste cependant un métal extrêmement dense.  

À titre d’exemple, il l'est 1,7 fois plus que le plomb. Il est tellement dur qu’il ne se déforme pas quand il entre en contact avec sa cible. C’est pour cette raison, qu’il est utilisé dans les obus perforants et les bombes pour les rendre plus pénétrants. Les obus à l’uranium appauvri sont donc une arme redoutablement efficace pour percer les blindages militaires. 

  • Voir aussi : munitions à uranium appauvri, des armes controversées
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  1. Est-il moins dangereux ?  

Si le Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche assure que ces obus "ne sont pas radioactifs" et "ne s'approchent même pas de la catégorie des armements nucléaires”, d’autres sources alertent sur sa toxicité. Selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), l'uranium appauvri est un "métal lourd, chimiquement et radiologiquement polluant".  

Les obus perforants atteignent leur cible notamment en produisant une poussière d'uranium ainsi que des fragments de métal. Sur le plan de la santé, "le principal risque n'est pas la radioactivité mais bien la toxicité chimique. L'ingestion ou l'inhalation de grandes quantités peut nuire au fonctionnement des reins. Si une personne inhale de grandes quantités de petites particules pendant une longue période, la principale préoccupation pour la santé sera l’augmentation du risque de cancer du poumon", souligne, elle, la commission canadienne de sûreté nucléaire

Uranium appauvri

Les forces aériennes américaines manient des munitions à uranimum appauvri, le 23 juin 2022, aux États-Unis dans l'Utah.

Staff Sgt. Nicholas Perez/U.S. Air National Guard via AP

Par ailleurs, sa durée de vie est “excessivement longue à l’échelle humaine” qualifie le Criirad, la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité, à hauteur de 700 millions d’années minimum. 

  • Ces munitions ont-elles été déjà utilisées sur d’autres terrains ?  

Ces munitions sont utilisées par plusieurs armées, notamment américaine et russe. Elles ont été employées au cours des deux guerres du Golfe de 1991 et 2003 ainsi qu'en ex-Yougoslavie pendant les années 1990. Le Pentagone a aussi reconnu s'en être servi à deux reprises en 2015 dans des opérations contre le groupe Etat islamique en Syrie. 
L’utilisation de ces munitions lors de la guerre du Golfe a même mené à une expression : le “syndrôme de la guerre du Golfe” pour qualifier les cas de cancers et maladies pulmonaires développés par de nombreux vétérans américains. Ils seraient 250 000 à souffrir de ce syndrôme.
 
Dans la ville irakienne de Falloudja, qui fut la cible de lourds bombardements par l’armée américaine à partir de 2003, des centaines de malformations congénitales sont encore dénombrées chaque année. Toutefois, le rôle des munitions n'a jamais été scientifiquement prouvé. De nombreuses études ont conclu à l'absence de preuves établissant la nocivité de l'uranium appauvri mais ces résultats restent contestés. 
  • Voir aussi : Ukraine : Antony Blinken en visite à Kiev
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  • Que dit le droit international ?  

 
L’utilisation d’artillerie à uranium appauvri n’est pas interdite par le droit international, contrairement aux bombes à sous-munitions.
 
En 2008, une résolution du Parlement européen du 22 mai 2008 soulignait cependant que “l'emploi d'uranium appauvri dans les conflits viole les règles et principes fondamentaux consacrés par le droit international humanitaire et environnemental” et que “même en l'absence jusqu'à présent de preuves scientifiques irréfutables de dangerosité, il existe de nombreux témoignages sur les effets nocifs, et souvent mortels, tant sur les militaires que sur les civils.” 
 
Après l’annonce de l’envoi de munitions à uranium appauvri à l’Ukraine, la Russie a qualifié cette future aide de "signe clair d'inhumanité" de la part des Etats-Unis.