Poutine en a rêvé, Trump l’a fait !

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Trump et Poutine

Images de poupées russes des présidents russe et américain à Saint Petersbourg ce 20 janvier 2025. 

(AP Photo/Dmitri Lovetsky)
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Abruptement, en un simple coup de fil adressé à Vladimir Poutine, le 12 février, Donald Trump a rompu le sacro-saint « lien » transatlantique. Il est donc désormais « caduc », cet axe stratégique, s’étirant de Washington à Bonn, redoutable bouclier militaire de l’Ouest contre le Bloc de l’Est. Un trait est ainsi tiré sur une alliance historique dont l’Otan est l’ultime avatar. La guerre Froide aurait-elle déjà fait long feu ?

Le lien transatlantique rompu ? 

Et quid alors de l’Otan, nerf de la guerre, au propre et au figuré, de ce lien transatlantique ? Là-dessus, Donald Trump, n’y est pas allé par quatre chemins. Que les Européens -23 Etats membres sur 32, qui plus est sept autres sont en Europe-, mettent la main à la poche, l’Amérique n’a plus ni la disposition ni la volonté de porter seule le « fardeau » de leur sécurité. 

Haussant le ton, son secrétaire d’État, Marco Rubio, déclare à tout va que le maintien d’un corps expéditionnaire américain établi sur le Vieux Continent « n’est pas éternel ». Ce corps de bataille et son parapluie nucléaire, soit 100 000 soldats, la Sixième flotte, avec un porte-avion, 40 navires, 175 avions et 21 000 hommes, des missiles nucléaires répartis à travers 4 pays, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Italie-, pourrait lever le camp un beau matin, sans forcément crier gare.

Casquette

Une parodie de la casquette de Donald Trump.

Pis encore, attendu, du 14 au 16 février, à la Conférence de Munich sur la sécurité, pour évoquer la grave question de la sécurité sur fond de guerre de la Russie contre l’Ukraine, aux portes de l’Europe, le vice-président J.D. Vance y jette, d’entrée de jeu, « le choc et l’effroi », parmi un auditoire de hauts responsables, civils et militaires. 

Non, clame-t-il, le danger qui guette l’Europe n’est pas plus la Chine que la Russie, non, le danger il n’est pas non plus extérieur, il est en vous ! Suit un inventaire à la Prévert, sur un ton prédicateur et sentencieux où il déplore et dénonce pêle-mêle, le recul de la liberté d’expression, la mise à mal de la famille, l’essor de l’avortement, l’afflux massif d’immigrants « non-européens- qui sape le caractère national, l’érosion des « valeurs », que l’Amérique, elle, incarne, défend et illustre… Pas un traître mot sur le conflit russo-ukrainien. 

Il n’est néanmoins pas reparti sans aller saluer la candidate du parti d’extrême-droite AfD, Alice Weidel, qui milite pour un double retrait de l’Allemagne et du conflit ukrainien et de l’Europe. Et cela à une semaine d'élections historiques en Allemagne. Olaf Scholtz, le chancelier fédéral, n'a même pas eu droit à un coup de fil. 

Dictateur sans élections, lequel a tout intérêt à agir vite sinon il ne lui restera plus de pays.

Donad Trump sur le président Zelensky.

Et l’Ukraine dans ce spectaculaire basculement du monde ? Son devenir ne tient plus qu’à un fil, non plus le déjà relâché –rompu ? - « lien » transatlantique mais le fameux et inoxydable Téléphone rouge, reliant, et ce depuis la bonne vieille guerre Froide, le Kremlin à la Maison Blanche. Son sort paraît scellé, prise qu’elle est –et l’Europe avec- entre le marteau russe et l’enclume américaine. Marco Rubio, encore lui, affirme qu’Il n’est « pas réaliste » d’imaginer un retour de la Crimée au bercail ukrainien. Quid alors d’un retrait russe du cinquième de l’Ukraine – la taille du Portugal ! - occupé puis annexé ? Irréaliste, tranche-t-il ! 

Caricature Poutine Trump

Caricature de Poutine et Trump en 2016. Une histoire d'amour selon le caricaturiste américain Dave Granlund.

Donald Trump enfonce le clou en qualifiant Volodymyr Zelensky, de « Dictateur sans élections, lequel a tout intérêt à agir vite sinon il ne lui restera plus de pays ». 

En un mot comme en mille, la Maison Blanche épouse, à la virgule près, la rhétorique du Kremlin à l’encontre de l’Ukraine. Panique à bord à travers l’Europe, de Londres à Berlin en passant par Varsovie. C’en est fini de « quatre-vingt ans de baby-sitting de l’Oncle Sam », titre le quotidien polonais Rzeczpospolita ; « la fin de l’ordre géopolitique mondial établi après la Seconde Guerre mondiale » tranche l’hebdomadaire berlinois Der Spiegel. Même son de cloche dans le magazine américain Newsweek qui conclut que « le monde tel que nous le connaissions a pris fin à la Conférence de Munich ».

Lavrov et Rubio

Images des négociations entre Américains et Russes avec Marco Rubio, Secrétaire d'Etat, et Sergei Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères en Arabie saoudite le 18 février sur l'Ukraine. (Evelyn Hockstein/Pool Photo)

Un autre voit le jour à Riyadh, en Arabie saoudite, où les Russes et les Américains, esquissent, à quatre mains, les contours et les axes d’un nouvel ordre international. Le monde à l’envers ? Oui et non. Oui, si l’on songe que Moscou qui aura incarné, jusqu’au jour ultime de Joe Biden, l’ennemi quasi héréditaire de l’Amérique aura accompl un éclair, un bon en avant historique, par-dessus et à la barbe de l’Europe, vers Washington, devenu soudain le partenaire de paix bienvenu. 

La guerre Froide a eu beau imprimer dans l’esprit du siècle le tableau manichéen d’un univers divisé entre Russie et Etats-Unis, Est et Ouest, monde libre et empire du Mal, liberté et oppression, autant de notions désormais inopérantes. Russes et Américains ont d’ores et déjà plus d’un point commun et d’accord. Il faut changer d’optique pour s’en persuader. 

L'Europe est son ennemi

Les deux pays sont de très proches voisins que ne sépare que le très étroit détroit de Behring, soit 85 km tout au plus. Architectes de l’ordre international issu du second conflit mondial, l’un et l’autre n’en respectent, au fond, aucun interdit. Alors que Vladimir Poutine occupe l’Ukraine, Donald Trump se prépare, de son côté, de s’emparer du canal de panama et du Groëland tout lorgnant vers la bande de Gaza dévastée qu’il se propose d’acheter pour y établir une Riviera « bien meilleure que Monaco », non sans avoir auparavant déporté les habitants palestiniens.

Mieux, jadis empire athée et matérialiste, la Russie, de nos jours, s’affiche au grand jour en tant que pays blanc, chrétien, patriarcal, en vertu de quoi il dénonce l’Occident « dépravé », la « tyrannie » du « looby » LgbtQr+, la déchristianisation, l’afflux envahissant de migrants non-européens. 

Ainsi, après avoir utilisé les partis communistes internationalistes pour faire avancer ses pions, Moscou table aujourd’hui sur les courants nationalistes d’extrême-droite, suprémacistes blancs et xénophobes.

Trump-Poutine, même combat ? Aucun doute, au plan sociétal en tout cas. Face à quoi, l’Europe se retrouve en porte-à-faux. D’où le cri d’alarme de Mario Draghi, ex président du Conseil italien et ancien gouverneur de la Banque centrale européenne : « L’Europe c’est son pire ennemi ». Il parle, bien entendu, non point de Poutine mais de Trump.