
Fil d'Ariane
Emmanuel Macron reçoit ce mercredi 7 mai 2025 à l’Élysée Ahmed al-Charaa, président syrien par intérim, pour sa première visite en Occident depuis la chute de Bachar al-Assad. Cette rencontre diplomatique fait débat : Ahmed al-Charaa figure encore sur certaines listes internationales de suspects terroristes. Quels sont les enjeux de cet entretient ? Éclairage du politologue Salam Kawakibi.
Le président Syrien Ahmed al-Charaa, durant une conférence de presse en Turquie.
L’Élysée a déclaré à l'AFP que cette rencontre a pour objectif d' " accompagner la transition vers une Syrie libre, stable, souveraine et respectueuse de toutes les composantes de la société syrienne ". Emmanuel Macron affirme ne nourrir " aucune naïveté " et insiste sur l’absence de toute " complaisance " envers les mouvements extrémistes.
La France se dit " particulièrement préoccupée " par les violences interconfessionnelles dans le pays et entend obtenir des garanties concrètes de la part d’Ahmed al Charaa, " Le chef de l’État demandera à son invité de faire en sorte que la lutte contre l’impunité devienne une réalité ". Elle insiste sur la nécessité de protéger tous les civils, " quelle que soit leur origine ou leur religion ".
Jean-Noël Barrot, ministre des affaires étrangères a également souligné que " la lutte contre le terrorisme, le contrôle des flux migratoires et du trafic de drogue, ainsi que l’avenir du Liban, se jouent en Syrie ".
(Re)voir: Syrie : les Druzes sont visés par une vague de violences au sud de Damas
Selon l’ONU, 90 % de la population syrienne vit sous le seuil de pauvreté. Les autorités de transition réclament une levée progressive des sanctions internationales. Si Paris se montre ouverte à un assouplissement de certaines mesures européennes sectorielles, elle considère qu’il est encore trop tôt pour envisager une levée des sanctions onusiennes visant Ahmed al-Charaa.
" La France a un rôle clé à jouer dans la transition démocratique du pays : elle doit savoir négocier, poser les bonnes questions, mais aussi rester ferme sur les droits humains "
Selon Salam Kawakibi, politologue, " La France a un rôle clé à jouer dans la transition démocratique du pays : elle doit savoir négocier, poser les bonnes questions, mais aussi rester ferme sur les droits humains ". La levée des sanctions constitue un levier essentiel pour engager la reconstruction de la Syrie.
Le premier déplacement en Occident d'Ahmed al Charaa répond à une double ambition : obtenir une reconnaissance internationale, mais aussi plaider pour la levée des sanctions tout en tentant de " nettoyer " un passé encore entaché par des accusations de liens avec le terrorisme.
La visite d’Ahmed al-Charaa suscite de vives oppositions. Le Collectif franco-alaouite appelle à manifester ce mercredi à 14 heures à Paris, accusant le président intérimaire de " génocide " et de " nettoyage ethnique ".
Chez l'extrême droite, la polémique enfle. Marine Le Pen a exprimé sa " stupeur et consternation " face à la venue d’un " jihadiste passé par Daech et Al-Qaïda ". Éric Ciotti a dénoncé " un tapis rouge à l’Élysée teinté du sang des victimes du terrorisme islamiste ". Laurent Wauquiez, chef des députés Les Républicains, parle d’" une lourde erreur ", déclarant : " On ne reçoit pas des dirigeants issus d’organisations qui ont attaqué la France. "
En accueillant Ahmed al-Charaa, Emmanuel Macron prend un pari à la fois risqué et assumé : dialoguer sans illusion, poser des exigences fermes et tenter d’infléchir une transition syrienne encore fragile.