Fil d'Ariane
Quand il a annoncé, en avril dernier, qu’il quittait son poste de vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec ( l’institution financière qui gère les caisses de retraites des Québécois ), Roland Lescure a pris tout le monde par surprise. D’autant plus que cette démission avait un objectif : retrouver sa liberté de parole et de mouvement pour militer en faveur d’Emmanuel Macron, et se lancer en campagne pour son mouvement En Marche ! ici à Montréal – qui est le plus important en Amérique du nord. Un saut dans le vide et dans l’inconnu que ce nouveau quinquagénaire ne regrette pas une seule seconde…
Quand on lui demande pourquoi il croit en Emmanuel Macron, au point de laisser derrière lui un poste très haut placé et très bien rémunéré dans une institution québécoise renommée, Roland Lescure avance plusieurs arguments : « Je crois en lui d’abord et avant tout parce qu’il symbolise et qu’il met en œuvre le renouvellement de la classe politique française et de ses pratiques. Emmanuel Macron est arrivé par le centre, littéralement, avec des nouvelles pratiques, il a créé un parti à partir de rien et il fait le pari de la recomposition du paysage politique. Ensuite il y a l’Europe : on s’attendait à une campagne sur les questions de la sécurité, la laïcité, le protectionnisme et il a remis l’Europe au cœur de cette campagne. Et pour moi, c’est une question essentielle. Je suis un Européen convaincu, j’ai épousé une Irlandaise, que j’ai rencontrée à Bruxelles, pour moi l’Europe c’est la seule manière de renforcer la France… Le troisième point, c’est le programme d’Emmanuel Macron, je le trouve pragmatique, il a remis la culture et l’éducation comme base fondamentale de l’émancipation individuelle, pour que les gens soient jugés pour qui ils sont et non pas ce qu’ils sont. Et il a une vision très pragmatique de l’économie, une vision bienveillante des rapports humains qui font qu’il pourra créer des compromis, des consensus sur des grands sujets de société pour faire avancer la France ».
Roland Lescure dit n’avoir rencontré Emmanuel Macron qu’une seule fois, c’était il y a 5 ans lors d’un événement rassemblant des investisseurs en provenance du monde entier, une rencontre qu’il a qualifiée de marquante car il s’est dit séduit par l’homme, sa grande intelligence.
« Je pense que c’est le seul aujourd’hui qui peut avoir une majorité et même s’il ne l’a pas dans les faits, c’est le seul qui pourra composer avec des gens à sa droite et à sa gauche : ça sera le gouvernement d’un type nouveau ça c’est sûr, un renouveau total, des gens issus de la société civile ou des élus qui seront nouvellement élus. Emmanuel Macron est quelqu’un de très déterminé et il a une liberté d’action et de mouvement car il ne doit rien à personne. C’est quelqu’un qui sait, qui va écouter et pour moi c’est une qualité essentielle en politique, être capable d’écouter pour ensuite répondre aux enjeux ».
Changement, vent de renouveau, Roland Lescure y croit. Cet économiste réputé que la Caisse de dépôt et déplacement du Québec est allé recruter en France. Il avoue également que ses 50 ans tout frais l’ont amené à réfléchir sur le sens de sa vie. Et à prendre cette décision donc de s’engager dans ce que l’on appelle la « res publica », la chose publique.
« J’ai vraiment fait le saut sans ceinture de sécurité, sans parachute », répond-il à ceux qui lui demandent si un poste quelconque l’attend à Paris advenant une victoire d’Emmanuel Macron dimanche 7 mai.
Je suis assez confiant qu’il y a un réveil progressif des Français pour élire Emmanuel Macron le 7 mai.
Roland Lescure
« Cette campagne présidentielle a été un vrai saut d’obstacles, précise-t-il, et j’ai donc sauté un obstacle à la fois. Le plus gros approche à grand pas : ce deuxième tour. Pour moi, ce deuxième tour, c'est plus grand que les débats politiques sur tel et tel programme, c'est vraiment un combat entre les valeurs républicaines et les valeurs qui ne le sont pas. Malheureusement, il y a des gens qui se trompent de combat, il y a une ambiguïté autour du soutien à Emmanuel Macron, ce qui m’inquiète. Il y a des gens qui jouent la manche 3 et la manche 4 avant de jouer la manche 2. En 2002, cela avait été un électrochoc, alors que là, il y a une certaine forme de banalisation du Front national et une forme de banalisation de ses idées. Mais je crois que les Français ne seront pas dupes… ils sauront voir la vérité, je suis assez confiant qu’il y a un réveil progressif des Français pour élire Emmanuel Macron le 7 mai. »
Roland Lescure et son équipe travaillent fort depuis le 23 avril pour inciter les Français de Montréal à aller voter au deuxième tour qui se tient samedi 6 mai dans toute l’Amérique du nord, décalage horaire oblige.
C'est l’enjeu pour les militants d’Emmanuel Macron ici à Montréal : motiver les Français à aller voter pour le candidat d’En marche !, car ils savent que l’abstention est la meilleure alliée de Marine Le Pen, qui est peu populaire au demeurant auprès de l’électorat français au Canada – à peine 7% lors du premier tour, encore moins à Montréal.
La Consul de France à Montréal, Catherine Feuillet, a d’ailleurs présenté plusieurs mesures pour éviter que les électeurs de Montréal fassent encore des heures d’attente pour voter samedi, comme cela a été le cas le 22 avril dernier. Mise en place de plus d’accès au collège Stanislas, où se tient le scrutin, et plus de bénévoles dans les isoloirs et pour téléguider les électeurs jusqu’aux 24 bureaux de vote devraient réduire les files d’attente, assure la Consul.
Bien sûr, Roland Lescure sera sur place. Quel que soit le résultat du 7 mai, l’économiste n’a aucun regret : « J’ai adoré cette expérience de campagne électorale, aller à la rencontre des gens et porter le message d’Emmanuel Macron dans mes mots ». Et cet engagement ne s’arrêtera pas dimanche : il veut poursuivre le combat pour les deux tours des législatives qui vont suivre, car « elles sont tout aussi importantes » à ses yeux.
Quant à la perspective de retraverser l’Atlantique si jamais on fait appel à ses services pour un poste quelconque dans la nouvelle équipe gouvernementale, il préfère ne pas répondre et laisse un sourire évasif flotter sur ses lèvres…