Fil d'Ariane
Qui sera le prochain locataire de l’hôtel de Matignon ? À peine le président sortant Emmanuel Macron vient-il d'être réélu avec 58,6% des suffrages exprimés, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur l’identité du prochain chef du gouvernement.
Pendant l’entre-deux tours, Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième au premier tour, demande aux Français de « l’élire Premier ministre », en votant massivement pour l’Union populaire lors des élections législatives du mois de juin, qu’il appelle le « troisième tour » de l’élection présidentielle. Or, en France, le Premier ministre n’est pas élu. Qui désigne le chef du gouvernement ? Quel rôle joue ce dernier ? Décryptage.
L’article 8 de la Constitution de 1958 prévoit la nomination du Premier ministre par le président directement. Un décret signé par le président acte la nomination du nouveau chef du gouvernement. Ce décret est publié au Journal officiel.
Ensuite, « sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions », indique la Constitution. En revanche, pour qu’il puisse mettre fin aux fonctions de ce dernier, le Premier ministre doit présenter la démission de son gouvernement.
La France est le seul pays de l'Union européenne où le Premier ministre est nommé par le président, sans contraintes politiques particulières.
En tant que chef du gouvernement, le Premier ministre a plusieurs responsabilités. Tout d’abord, il doit fixer les principales orientations politiques du gouvernement. Celui-ci est composé par les ministres et secrétaires d’État nommés par le Premier ministre et le président. Afin de coordonner l’action gouvernementale, il arbitre les décisions prises dans les différents ministères. Il est aussi responsable de l’exécution des lois et de l’exercice du pouvoir réglementaire.
L’article 21 de la Constitution stipule que le Premier ministre « est responsable de la défense nationale ». Cela ne lui confère pas les mêmes pouvoirs militaires que le président, qui lui est chef des armées. Par ailleurs, c’est le gouvernement qui dispose de la force armée, comme l’indique l’article 20.2 de la Constitution. Lors des réunions des conseils de défense et de sécurité nationale, le Premier ministre assure le secrétariat.
Depuis le début de la Ve République, le Premier ministre n’a plus besoin d’être investi par l’Assemblée nationale lors d’un vote de confiance, comme ce fut le cas sous les précédentes législatures. Cependant, le Premier ministre peut prononcer une déclaration de politique générale. Lors de ce discours, il présente le programme qu’il souhaite mettre en place avec son gouvernement devant les députés et de solliciter la confiance des députés pour mener à bien ce programme. Si la constitution n’oblige pas le Premier ministre à prononcer cette déclaration, il s’agit d’une tradition républicaine. Le parlement peut renverser le gouvernement. Un groupe de députés peut déposer une motion de censure et renverser le gouvernement si le parlement vote en faveur de cette motion (voir ci-dessous).
En revanche, si l’Assemblée nationale est majoritairement composée de députés d’un parti autre que le parti présidentiel, le président peut nommer un Premier ministre issu du parti majoritaire à l’Assemblée. Rien ne l’y oblige dans la constitution, mais s’il ne le fait pas, le gouvernement pourrait se heurter à des difficultés pour faire valider les textes de lois auprès des députés. Il pourrait se faire renverser.
La Ve République a connu trois périodes de cohabitations :
La première cohabitation, de 1986 à 1988 s’est tenu sous la présidence du socialiste François Mitterrand. Élu depuis 1981, il perds sa majorité aux élections législatives de 1986. Il nomme donc Jacques Chirac, de la branche la plus à droite du Rassemblement pour la République, Premier ministre.
De 1993 à 1995, François Mitterrand se retrouve une nouvelle fois confronté à une majorité de députés de droite. Cette fois-ci, il choisit Édouard Balladur comme chef du gouvernement.
Enfin, Jacques Chirac, président depuis 1995, se voit confronté à la victoire de la Gauche plurielle lors des élections législatives anticipées de 1997. Lionel Jospin, premier secrétaire du Parti socialiste sera son premier ministre jusqu’en 2002.
Si les députés sont en désaccord avec la politique menée par le gouvernement, ils peuvent déposer une motion de censure pour forcer le gouvernement à démissionner. Pour une motion de censure spontanée, il faut que 58 députés (soit un dixième de l’assemblée) signent la motion. Quarante-huit heures plus tard, elle est discutée et soumise à un vote. Il faut qu’elle soit votée par la majorité des députés (soit 289) pour être adoptée. Autre possibilité : si le gouvernement engage sa responsabilité pour qu’un texte de loi soit validé sans vote des députés (avec l’article 49.3 de la Constitution), les députés peuvent déposer une motion de censure.
Plus d’une centaine de motions de censure ont été déposées au cours de la Ve République.
Une seule a été votée et a débouché sur la démission du gouvernement : celle du 5 octobre 1962.
Le président de l’époque, le général de Gaulle, souhaitait réformer l’élection du président de la République en mettant en place le suffrage universel direct.
Les députés ont voulu marquer leur désapprobation et ont déposé une motion de censure, qui fut adoptée par 280 voix sur les 480 députés.
Le gouvernement de George Pompidou est contraint de démissionner, mais le président réplique et dissout l’assemblée, provoquant des élections législatives anticipées.