Fil d'Ariane
Dans un peu plus de 48 heures, les Français connaîtront les deux des 12 candidats à l’élection présidentielle, qui seront qualifiés pour le second tour. Si les sondages donnent le président sortant Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen au second tour, un revirement de situation n’est pas à exclure.
Fait marquant de cette campagne présidentielle : il n’y a pas eu de débat entre les douze candidats en amont du premier tour. Interrogé par le quotidien français Libération, le candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste Philippe Poutou avait qualifié cette campagne de «bizarre» et «glissante ». Par ailleurs, Charlotte Euzen, docteure en sciences politiques, estime que les discours ont eu beaucoup de difficulté à atteindre leurs publics lors de cette campagne.
Le 24 février, Vladimir Poutine ordonne à ses soldats d’envahir l’Ukraine. Très rapidement, les candidats à l’élection présidentielle française doivent s’adapter à ce nouvel enjeu, prendre position, sortir leur épingle du jeu. Selon Christel Bertrand, consultante en communication politique et communication de crise, cette situation donne dans un premier temps un net avantage à Emmanuel Macron sur ses adversaires.
« Emmanuel Macron va se démarquer parce qu’il est président, parce qu’il préside le Conseil de l’Union Européenne », explique Christel Bertrand. Il est le seul à détenir des informations stratégiques sur la gestion de ce conflit, ce qui le place un cran au-dessus des autres candidats.
Par ailleurs, très rapidement, les candidats ont dû exprimer leurs positions sur ce conflit. Si Marine Le Pen est réputée pour ses positions pro-russes, elle a su se démarquer en dénonçant rapidement l’invasion de l’Ukraine, ce que n’a pas fait Eric Zemmour. Le directeur du CEVIPOF Martial Foucault précise aussi que la candidate du Rassemblement National a su détourner l’attention. « Elle a réussi à ne pas faire campagne à cette période uniquement sur les questions ukrainiennes, précise-t-il. Elle a dévié sur le pouvoir d’achat. Ça lui a permis de s’affranchir des questions embarrassantes sur ses opinions pro-russes. »
Mi-mars, un rapport du Sénat pointe du doigt le recours excessif au cabinet de conseil McKinsey. En pleine campagne présidentielle, les dérives mises en avant font tâche. En 2018, les dépenses des ministères pour le conseil sont de 379,1 millions d’euros. En 2021, ce chiffre monte à 893,9 millions d’euros. Le gouvernement aurait fait appel à McKinsey pour la gestion de la campagne vaccinale de Covid-19, à hauteur de 12,3 millions d’euros, mais aussi pour la réforme des APL pour 3,8 millions d’euros. La pertinence de ces contrats est remise en cause.
Le cabinet est également épinglé pour sa fiscalité. Mercredi 6 avril, le parquet financier annonce l'ouverture d'une enquête préliminaire pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » à l’encontre du cabinet de conseil. Pour tenter d’endiguer la polémique, Emmanuel Macron martèle que le recours à des cabinets de conseils existait déjà sous les mandats précédents. Pierre Bréchon, professeur à l’Institut d’Études Politiques de Grenoble estime que « même s’il y a un mécontentement », l’affaire McKinsey ne suffira pas à ébranler la campagne du président sortant. « Ça déplace quelques voix, mais ça renforce surtout les opinions de ceux qui sont déjà convaincus », analyse-t-il.
Essayiste, personnage médiatique, polémiste et désormais candidat à l’élection présidentielle. Éric Zemmour officialise candidature le 30 novembre 2021. Mais il jouit d’une forte popularité depuis plusieurs mois. Son entrée fulgurante dans la campagne présidentielle modifie l’échiquier à droite, notamment à l’extrême droite. Plusieurs soutiens de Marine Le Pen, dont sa nièce, Marion Maréchal, rallient le polémiste.
Il s’est d’ailleurs accaparé les sujets phares de l’extrême-droite, tels que l’immigration. Ainsi, il contribue à dédiaboliser la candidate du Rassemblement national, qui s’est concentrée sur des enjeux plus sociaux pour cette campagne. « À force de répéter ces questions de pouvoir d’achat, Marine Le Pen marque les esprits des électeurs », selon le directeur du CEVIPOF Martial Foucault.
Dimanche 10 avril, les électeurs auront le choix entre six candidats de gauche, soit la moitié du nombre total de candidats. Pourquoi la gauche n’a-t-elle pas fait une candidature commune ? Ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Le 30 janvier, les près de 400 000 votants de la Primaire populaire désignent l’ancienne garde des Sceaux Christiane Taubira comme candidate. Un mois et demi plus tôt, la porte-parole de la primaire populaire Mathilde Imer espère que Christiane Taubira n'est pas « une candidate de plus. » Ses craintes se réalisent : le résultat de cette primaire rajoute la candidature de Christiane Taubira. Cependant l’ancienne ministre n'est pas en mesure de recueillir les 500 parrainages et suspend sa campagne le 2 mars. Ce 10 avril, elle appelle à voter pour Jean-Luc Mélenchon.
Donné troisième dans les intentions de votes, le candidat de la France Insoumise espère grappiller les voix de ses concurrents de gauche au nom du « vote efficace », ce qui lui permettrait de se hisser au second tour de l’élection. Yannick Jadot, le candidat écologiste, et Anne Hidalgo, la candidate socialiste, conservent toutefois leur candidature. L’hypothèse d’un candidat de gauche au second tour est-elle encore crédible ?
Il déclare sa candidature le 3 mars, la veille de la clôture du dépôt des dossiers au Conseil constitutionnel. Il ne fait qu’un seul meeting en personne : à La Défense Arena, le 2 avril. Ce 8 avril, Emmanuel Macron admet sur la radio française RTL qu’il est entré tardivement dans la campagne. « C’est normal pour un président sortant et ensuite les circonstances m’ont un peu contraint », poursuit le président sortant.
Cependant, le record de candidature tardive pour un président sortant reste détenu par François Mitterrand, en 1988. Il s’est déclaré candidat à sa réélection le 22 mars. Le premier tour a eu lieu le 24 avril. Cependant, Mitterrand jouissait d’une popularité plus importante à ce moment que l’actuel chef d’État.