Fil d'Ariane
Voix de diasporas. Ils font partie de celles et de ceux qu'on n'a peu voire pas entendu depuis le début de la campagne présidentielle en France. Les jeunes membres des diasporas, présentes dans le pays, portent pourtant un regard acéré sur les sujets abordés dans le débat public et sur ceux qu'ils aimeraient voir davantage évoqués et discutés. Voilà pourquoi TV5MONDE a choisi de donner la parole à 8 d'entre eux, : ils détaillent les sujets qu'ils estiment prioritaires pour les 5 prochaines années. Épisode 2 de notre série "Voix de diasporas" avec Sarah Afitete Mbilo.
Sarah Afitete Mbilo a quitté son pays d’origine, la République Démocratique du Congo (RDC), pour venir en France, étudier la psychologie. Pour elle, la santé mentale des enfants n'est pas un sujet pris en compte par les candidats à l‘élection présidentielle 2022.
TV5MONDE : En tant que membre de la diaspora congolaise, que pensez-vous du débat démocratique et de l’élection présidentielle en France ?
De manière générale, je ne peux qu'être pour la démocratie, dans le sens où elle permet à chacun d'exprimer ce qu'il veut dire. On est libre de penser et d’être ce que l’on veut être. Ça vous donne l’occasion de rêver.
Concernant ces élections 2022, je ne veux pas dire des bêtises, mais je remarque qu'il y a quand même beaucoup plus de femmes qu’avant. C’est une bonne chose. Après, les candidats ont des programmes qui sont plus ou moins similaires. Il n’y a pas vraiment de différences, à part quelques nuances.
TV5MONDE : Que pensez-vous des thématiques abordées par les candidats de cette campagne présidentielle ?
D’après ce que j’ai pu suivre, je pense qu'on s'intéresse beaucoup plus à ce qui concerne les adultes, comme le salaire, les personnes âgées ou les maisons de retraite. À l’inverse, on s'attarde peu sur les questions qui concernent les enfants, la jeunesse ou la scolarité. C'est vrai qu'aujourd'hui, les candidats vont peut-être évoquer le programme scolaire, mais c'est très peu abordé.
Tout ce qui relève des maladies mentales est encore assez tabou dans notre société congolaise.Sarah Afitete Mbilo, psychologue pour enfant
TV5MONDE : Est-ce différent d'exercer le métier de psychologue pour enfant en France et en RD Congo ?
Tout ce qui relève des maladies mentales est encore assez tabou dans notre société congolaise. Elles sont encore gérées exclusivement par les psychiatres (médecins) et non des psychologues. Je pense que les solutions médicamenteuses prodiguées par les psychiatres ne sont pas suffisantes pour le bien-être de l’enfant. Plutôt que de donner un traitement commun à tout patient, le psychologue, lui, s’adapte. Pour certains enfants, la thérapie passe par le dessin, pour d’autres, c’est plutôt le jeu. C’est cette approche de la psychothérapie que j’ai envie de développer."
Nos problématiques en tant qu'étudiant étranger sont peu abordées et donc peu résolues. (...) Je pense par exemple aux files d’attente à la préfecture ou encore aux retards de traitement.
Sarah Afitete Mbilo, psychologue pour enfant
TV5MONDE : Vous êtes venue étudier depuis la RDC en France. Que changeriez-vous pour améliorer vos conditions d’accueil ?
Le problème en France, c’est qu’on parle d'une seule forme de migration, la migration forcée. Je fais référence ici aux personnes qui viennent en France parce qu’elles ont fui la guerre ou un événement traumatisant chez elles. C’est très important d’en parler mais il ne faut pas occulter qu'il y a d'autres formes de migration comme dans mon cas la migration pour les études ou par le travail.
Du coup, nos problématiques sont peu abordées et donc peu résolues. Elles sont pourtant nombreuses. Je pense par exemple aux files d’attente à la préfecture ou encore aux retards de traitement. On nous met tous dans le même sac et nos problématiques ne sont pas vraiment bien traitées. Du coup, on ne permet pas aux étudiants comme moi, par exemple, d'être beaucoup plus épanouis en France.
TV5MONDE : Après votre expérience en France, comptez-vous exercer votre métier de psychologue en RDC ?
Ce serait un échec pour moi de ne pas retourner travailler là-bas. Mais d’abord, je veux acquérir de l’expérience.
Je veux accompagner les parents là-bas dans les questions qu'ils se posent par rapport aux comportements de leurs enfants. Parfois, comme ils n'arrivent pas à trouver de réponses, certains se disent : "C’est un enfant sorcier, c'est mystique. Je le mets dans la rue, c'est les Dieux qui m'ont puni." Si je peux contribuer à changer ces mentalités, alors c’est tout à mon honneur.