Le président sortant Jair Bolsonaro s'est entouré de personnages issus de l'armée dès son élection en 2018. Le chef d'État candidat à sa succession envisage de faire des militaires des "arbitres" de la présidentielle d'octobre. Pour l’heure, les experts écartent toute velléité antidémocratique dans l'armée.
L’armée, il la connaît bien pour y avoir servi. Le président brésilien de 67 ans Jaïr Bolsonaro est un ancien parachutiste. Durant tout son mandat, débuté en 2019, il a attribué un rôle-clé aux militaires. Sous sa mandature, des hauts gradés ont été nommés à la tête d'importants ministères et un général à la vice-présidence. Au total, pas moins de 6.000 militaires d'active ou de réserve ont été nommés dans son administration.
Mercredi, lors des commémorations du bicentenaire de l'Indépendance du Brésil, les traditionnels défilés militaires de la fête nationale ont d'ailleurs pris des allures de campagne électorale, devant des dizaines de milliers de bolsonaristes à Brasilia et Rio.
Jair Bolsonaro, nostalgique de la dernière dictature (1964-1985), "
considère qu'être du côté des forces armées et organiser des manifestations le renforce", estime Carlos Fico, professeur à l'Université fédérale de Rio de Janeiro et spécialiste d'histoire militaire.
“L’armée a sa part de responsabilité”
Pour le premier tour de la présidentielle prévu le 2 octobre, le président brésilien tente ainsi d'impliquer les militaires. Il va notamment remettre en cause la fiabilité des urnes électroniques, un dispositif pourtant mis en place avec l'aide de l'armée. C’est aussi elle qui veille habituellement à ce que les élections se déroulent sans problème.
Cette fois, les militaires ont également été invités à prendre part à une commission de transparence par le Tribunal supérieur électoral (TSE). "
Ils ont invité l'armée (...) elle a sa part de responsabilité, sa crédibilité, et elle ne va pas faire de la figuration. Elle va faire ce qu'il faut", a lancé le président d'extrême droite fin août.
Les neuf représentants de l'armée à la commission ont présenté une liste d'une centaine de demandes d'éclaircissements sur la fiabilité des urnes, donnant du poids au discours du chef de l'Etat. Le TSE a pris acte de ces demandes tout en considérant la plupart d'entre elles comme étant des
"opinions" et niant par exemple l'existence, selon les militaires, d'une "
salle secrète" où les votes seraient comptabilisés.
Bolsonaro donné battu par Lula
Depuis la mise en place en 1996 du vote électronique, Jair Bolsonaro a été élu cinq fois député et une fois président sans qu'il n'y ait jamais eu de preuve de fraude. Cependant, le candidat à sa succession donné battu par l'ex-chef d'Etat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva a assuré qu'il accepterait le verdict des urnes "si tant est" que le processus est "
propre et transparent".
Il n'y a pas la moindre possibilité que (l'armée) joue un rôle autre que celui que lui confère la Constitution.
Maynard Santa Rosa, ancien secrétaire aux Affaires stratégiques de Jair Bolsonaro.
Le général de réserve Maynard Santa Rosa, ancien secrétaire aux Affaires stratégiques de Jair Bolsonaro, rejette toutefois le "rôle de modérateur" que le président brésilien tente d'attribuer aux forces armées. "
Le président exprime des opinions incohérentes. Il n'y a pas la moindre possibilité que (l'armée) joue un rôle autre que celui que lui confère la Constitution", a-t-il assuré à l'AFP.
"
Les généraux entrés au gouvernement occupent des postes politiques et ont une approche qui n'est pas militaire", a-t-il ajouté, mettant en avant le "
professionnalisme" de l'armée, à même selon lui de réduire à néant toute velléité de désobéissance constitutionnelle.
La “bolsonarisation” de la police inquiète
Pour Carlos Fico, tant le ministre de la Défense, le général Paulo Sergio Nogueira, que le candidat à la vice-présidence et ancien chef de cabinet, le général Walter Braga Netto, sont des militaires "sans commandement de troupes". "
Il n'y a aucun mouvement généralisé de militaires actifs inquiets quant à une manipulation des urnes", explique le professeur, qui s'inquiète davantage de la "
bolsonarisation" de la police brésilienne, à même de conduire à des émeutes.
Cela fait partie de son caractère, du cirque politique. Au final, sans cela, il cesserait d'être ce qu'il est.
Carlos Fico, professeur à l'Université fédérale de Rio de Janeiro et spécialiste d'histoire militaire.
Bien que l'équipe de campagne de Jair Bolsonaro lui suggère d'arrêter de critiquer la fiabilité du scrutin au motif que cela pourrait détourner des voix notamment de son électorat le plus modéré, un collaborateur du président se résigne à ce qu'il n'accepte pas le conseil. "
Cela fait partie de son caractère, du cirque politique. Au final, sans cela, il cesserait d'être ce qu'il est", admet-il auprès de l'AFP.