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Aurélie Didier/TV5 Monde.
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Présidentielle en Autriche : «Le débat sur les réfugiés a cristallisé les faiblesses des partis au pouvoir »

L’extrême droite arrive en tête à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle autrichienne. Le Parti libéral d’Autriche a éliminé dès le premier tour le candidat du parti social-démocrate, Rudolf Hundstorfer, et le conservateur Andreas Khol du Parti populaire. Les deux partis se partageaient le pouvoir depuis 1945. Comment l'extrême droite a-t-elle réussi à convaincre ? Entretien.

L’extrême droite autrichienne vient de remporter son meilleur score depuis 1945. Avec 36,4% des voix, le candidat du FPÖ -Parti libéral d’Autriche- Norbert Hofer est le grand favori pour le deuxième tour de la présidentielle du mois de mai 2016. Avec ce score, le parti populiste consolide son assise auprès de l’électorat autrichien. Déjà l’année dernière, l’extrême droite avait dépassé le 30% des suffrages lors de différentes élections régionales. Quant aux écologistes, c'est la première fois qu'ils se retrouvent au second tour avec 20,4% des suffrages.

Si le rôle du président autrichien n’est que protocolaire, celui-ci désigne le chancelier et peut révoquer le gouvernement sous certaines conditions. Spécialiste des partis populistes en Europe, le professeur Reinhard Heinisch de l’Université de Salzburg analyse le succès du de l’extrême droite autrichienne.

Les citoyens ont tendance à avoir un avis tranché sur la question des réfugiés
Reinhard Heinisch

Quels ont été les enjeux de la campagne électorale ?

Reinhard Heinisch : Le premier tour s’est joué sur la question des réfugiés. [Le pays a enregistré 90 000 demandes d’asile en 2015. Avec 8,58 millions d’habitants, l’Autriche est un des premiers pays d’accueil d’Europe NDLR].

La façon de gérer cette crise a eu un énorme impact sur l’opinion publique. Certains trouvaient que les lois étaient trop restrictives, d’autres trouvaient le gouvernement trop laxiste sur la question. Mais, ce sont les affrontements sur ce terrain entre les sociaux-démocrates et les conservateurs réunis dans une grande coalition depuis 2008 qui ont le plus choqué. Ils se sont décrédibilisés. Tout cela donnait l’impression que plus personne ne gérait le pays, que les hommes politiques réagissaient en conséquence des décisions prise en Autriche ou ailleurs, au lieu de mener la barque.

Le débat sur les réfugiés a cristallisé les faiblesses des partis au pouvoir. Car même sans cette crise, ils auraient été battus à plates coutures, selon les enquêtes d’opinion. C’est juste que la thématique des réfugiés semble évidente. Les citoyens ont tendance à avoir un avis tranché dessus. Il aurait été plus difficile de mobiliser l’opinion sur un sujet aussi complexe que la crise grecque. Les partis traditionnels ont fait une campagne désastreuse où ils n’ont pas su s’adresser à la population. En fait, ils ont fait une campagne formidable pour les années 1980 mais pas pour les années 2000. A cela s’ajoute une lassitude de la politique traditionnelle et un taux de chômage élevé (10,9% en janvier).

Cela n’a pas été uniquement un vote sanction n’est-ce pas ?

Reinhard Heinisch : Comme en France, avec Marine Le Pen, le Parti libéral d’Autriche essaye d’opérer un changement d’image. L’extrême droite autrichienne essaye de changer la façon dont elle s’adresse aux électeurs. Norbert Hofer, 45 ans, est un homme poli, aimable, sympathique. Son discours n’est pas aussi violent que celui des anciens leaders du parti. Par ailleurs, Hofer s’est rendu à plusieurs reprises à Jérusalem juste pour montrer qu’il ne représente pas un parti de droite post-fasciste. D'ailleurs, Marine Le Pen a félicité le FPÖ, ce qui a fait beaucoup de bruit ici.

Photo FPO
Le candidat de l'extrême droite séduit les déçus des partis traditionnels. Parmi eux, les jeunes. Norbert Hofer est le grand favori de la course présidentielle.
AP Photo/Ronald Zak

Si on poursuit le parallèle avec la France, est-ce que Hofer surfe sur l’euroscepticisme ?

Reinhard Heinisch : On revient au point de départ. Si les Autrichiens ont l’impression que les directives proviennent d’Allemagne ou d’ailleurs, l’euroscepticisme prospère. Le FPÖ affiche un franc rejet vis-à-vis de l’Europe. Un rejet qui est devenu acceptable au cours des quinze dernières années. Ce qu’on voit aussi dans d’autres pays de l’UE, y compris en Europe de l’Est. Les critiques venant de l’extérieur sont de moins en moins acceptées et cela semble convenir à la population.

Le FPÖ n’est pas pour autant en faveur de la sortie de l’Europe. Mais le référendum en Angleterre sur le "brexit" aura sans doute un effet sur le chemin qu'empruntera ce parti. Le rejet des partis traditionnels passe aussi par le rejet de leur positionnement. Ces derniers ont toujours soutenu l’intégration européenne.

Les jeunes Autrichiens votent massivement pour l’extrême droite
Reinhard Heinisch

Qu’en est-il des jeunes ?

Reinhard Heinisch : Les jeunes votent massivement pour l’extrême droite. 60% des électeurs qui ont moins de 30 ans ont voté pour ce candidat. Seulement 4% des jeunes hommes ont voté pour les sociaux démocrates. Vous imaginez de tels pourcentages ! Cela indique que les problèmes sont bien plus profonds que ce qu’on peut croire. Ce n’est pas juste une histoire de réfugiés.

Encore une fois, vous semblez décrire le scénario français....

Reinhard Heinisch : Effectivement, les partis d’extrême droite européens ont de nombreux points en commun. Mais contrairement à la France, l’Autriche est un pays bien plus petit où il est beaucoup plus difficile pour les partis politiques de trouver de nouvelles têtes d’affiche. Par exemple, du côté des sociaux démocrates on ne voit pas qui pourrait s’imposer. Du côté des conservateurs c’est un peu plus simple, car le monde de l’entreprise fournit de nouveaux cadres capables de jouer un rôle important au sein des partis politiques.

On parle comme si les dès étaient jetés…

Reinhard Heinisch : Norbert Hofer est certainement le grand favori. Mais il ne faut pas oublier que pour la première fois, un écologiste se retrouve au second tour qui aura lieu au mois de mai. Alexander Van der Bellen a recueilli 20,4 % des suffrages. Il peut récupérer la place vacante par la coalition et par la candidate indépendante Irmgard Griss.