Présidentielle en Bulgarie : le sort du gouvernement en jeu

Boïko Borissov, chef du gouvernement bulgare, s’est engagé à démissionner en cas de victoire du général Roumen Radev, le candidat de l’opposition socialiste au scrutin présidentiel ce dimanche 13 novembre. Or ce dernier a désormais toutes les chances de l’emporter.
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Affiche électorale GERB
Une affiche électorale du parti GERB de centre droite (11 novembre 2016).
©AP Photo/Valentina Petrova
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Que cela soit en sport ou en politique, le Premier ministre bulgare n’aime pas perdre. Lorsqu’il joue au football, son passe-temps favori, c’est toujours lui qui tire les penalties pour son équipe, les «Tigres de Bistritsa». Et lorsqu’il rate – cela lui arrive – il rejoue, jusqu’à ce que la balle atteigne le fond des filets. Quand il parle de ses opposants politiques, ce karatéka de haut niveau utilise des mots que l’on prononcerait plutôt sur les tatamis: le plus souvent ils sont «battus à plate couture» quand ils n’ont pas pris une «raclée».

Il est comme ça Boïko Borissov, et c’est certainement aussi la raison pour laquelle les Bulgares l’aiment. Le chef du gouvernement conservateur en est à son deuxième mandat et, normalement, il devrait présider aux destinées du pays jusqu’à fin 2018. Normalement, parce qu’entre-temps il y a cette élection présidentielle qui est en passe de se transformer en cauchemar pour l’homme fort de la Bulgarie.

Mauvais premier tour 

Le mauvais rêve a commencé au premier tour du scrutin, le 6 novembre au soir, lorsqu’à la surprise générale «sa» candidate, Tsetska Tsatcheva, est arrivée derrière le représentant de l’opposition, le général d’aviation Roumen Radev, soutenu par le PS (ex-communistes). Depuis, la distance qui les sépare s’est encore creusée, atteignant les 10 points en faveur de Roumen Radev qui l’emporterait avec près de 50% des voix contre 39% pour la candidate de la droite, selon les dernières estimations.

Radev vote
Le candidat du parti socialiste Rumen Radev quitte le bureau de vote avec son épouse Desislava Radeva ce 13 novembre 2016 à Sofia, en Bulgarie.
©AP Photo/Darko Vojinovic
Désormais, les observateurs essayent d’identifier ce grain de sable qui a enrayé la «formidable machine à gagner» qu’étaient Boïko Borissov et son parti, les Citoyens pour un développement européen de la Bulgarie (Gerb). Pour beaucoup le Premier ministre est le premier responsable de cette débâcle annoncée. Ils mettent en cause son ego surdimensionné, l’assurance trop grande de certains de ses ministres, voire leur arrogance.

Quelle mouche a piqué Borissov ?

Boïko Borissov a eu aussi l’imprudence de mettre la démission de son gouvernement dans la balance si sa candidate n’arrivait pas en tête dès le premier tour. Quelle mouche l’a piqué pour jouer ainsi sa survie politique ? Même si le président reste le commandant en chef des armées, dans la République parlementaire qu’est la Bulgarie, c’est bien le Premier ministre qui gouverne, concentrant la quasi-totalité des pouvoirs entre ses mains. Depuis, il est revenu sur sa promesse – pour ne pas «plonger le pays dans le chaos». Mais elle reste valable au lendemain du second tour ce dimanche. Et, cette fois-ci, il devra l’honorer.


Le pays est donc sur la brèche, d’autant que les Bulgares ont une amère impression de déjà-vu. Déjà en 2013, Boïko Borissov avait décidé d’écourter son premier mandat en provoquant des élections anticipées. Résultat,: une longue période d’instabilité marquée par des manifestations quotidiennes et une série d’immolations de désespérés qui a marqué tous les esprits. Revenu aux commandes en 2014, le Premier ministre martèle qu’il est désormais le seul garant de la «stabilité», synonyme selon lui de subventions européennes, de croissance économique et de sécurité au sein de l’Alliance atlantique.

Tsetska Tsacheva
Tsetska Tsacheva, la candidate du GERB, vote à Pleven ce 13 novembre 2016.
©AP Photo/Valentina Petrova

Mais sa candidate n’a pas su convaincre, c’est le moins que l’on puisse dire. Présidente du parlement, Tsetska Tsatcheva est certainement un cadre efficace du Gerb et une inconditionnelle de son mentor politique. Mais cette femme, qui se présente comme une «simple mère bulgare», a manqué cruellement de charisme et n’a jamais pris son envol face au général Radev qui n’a cessé de marquer des points, avec méthode et un calme olympien, contre le «système Gerb».

Nouvelle attitude à l’égard de Moscou?

«Oui, j’ai fait l’erreur de ne pas avoir joué la carte populiste, j’ai présenté un candidat compétent mais pas médiatique», s’est justifié Boïko Borissov dans un vrai faux mea culpa entre les deux tours. A sa décharge, il y a aussi un autre événement, de portée planétaire, qui est intervenu entre-temps. L’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis qui a, par un curieux effet domino, donné des ailes au candidat du PS bulgare, connu pour ses bons liens avec Moscou.

Roumen Radev s’était ainsi distingué pendant la campagne en appelant à la levée des sanctions contre la Russie. Il a aussi souligné qu’il faut «accepter la réalité» d’une Crimée définitivement passée dans le giron du Kremlin, s’attirant de vives critiques du camp pro-occidental. Aujourd’hui, ses partisans rappellent que sa lecture de la crise ukrainienne coïncide parfaitement avec celle du nouveau président américain.

► Lire l'intégralité de l'article d'Alexandre Levy sur le site du journal Le Temps.