Fil d'Ariane
La question n'était pas de savoir s'il serait candidat. Mais, bel et bien, quand et comment ? Le calendrier imposé par la processus électoral aura donc eu raison du "quand".
Emmanuel Macron ne pouvait pas, techniquement, aller au delà de ce vendredi 4 mars 18 heures. En effet, si le dépôt officiel des candidatures s'achève lundi 7 mars, le président sortant avait "une obligation légale de se déclarer candidat devant le Conseil constitutionnel à partir du moment où le dépôt des parrainages est clos et qu'il en a récolté plus de 500", expliquait hier un constitutionnaliste sur le site de BFMTV.
L'incertitude résidait donc dans le "comment ? "Dès jeudi 3 mars au matin, au lendemain d'une intervention très solennelle sur la crise ukrainienne, l'entourage du président a commencé à distiller les indiscrétions dans la presse. "Solennel et sobre", promettait un proche d'Emmanuel Macron aux journalistes de RTL. Les Echos, quant à eux, étaient plus précis. Le quotidien économique annonçait une "lettre aux Français" et un interview télévisée dimanche soir dans un journal de 20 heures, très loin du "disruptif" cher au président sortant.
La lettre aux Français a bien publiée ce jeudi soir. Après une longue explication, il annonce "voilà pourquoi je sollicite votre confiance pour un nouveau mandat de président de la République. Je suis candidat pour inventer avec vous face aux défis du siècle, une réponse française et européenne singulière" .
Comment être un président de la France et de l'Europe, "au dessus de la mêlée", tout en étant un candidat "descendu dans l'arène" au même niveau que ses adversaires ?
Jusqu'au bout, Emmanuel Macron se sera donc épargné la quadrature du cercle, en ne restant que le chef de l'Etat. L'invasion russe en Ukraine l'a même contraint à jouer les prolongations.
Emmanuel Macron aura, par conséquent, quasiment atteint le record de candidature tardive pour un président sortant. Celui-ci était détenu par François Mitterrand depuis 1988. Cette année-là, le 22 mars, le président s'est invité au 20 heures de la chaîne publique Antenne 2 et répond par un très sobre "oui" au journaliste qui lui demande s'il est candidat.
En 1981, son prédécesseur, Valéry Giscard d'Estaing, avait annoncé sa candidature le 2 mars pour un premier tour le 26 avril. Plutôt populaire, il échouera pourtant, plombé par les révélations sur les diamants du dictateur centrafricain Jean-Bedel Bokassa.
Jacques Chirac sort en 2002 d’une cohabitation difficile avec le Premier ministre socialiste Lionel Jospin. Impopulaire, il annonce sa candidature très tôt, le 11 février 2002, lors d'un déplacement à Avignon dans le sud de la France, répondant à une question de la maire de la ville.
Le premier tour aura lieu deux mois et demi plus tard ! Le 21 avril, bénéficiant d'un éclatement de la gauche, Jacques Chirac se qualifie pour un second tour face au leader d'extrême-droite Jean-Marie Le Pen. Il sera réélu avec plus de 80% des voix, bénéficiant à plein des voix d'électeurs de gauche cédant au "front républicain" contre le Front national.
Facilement élu en 2007, Nicolas Sarkozy choisit, en 2012, de se lancer très tôt dans la campagne pour sa réélection. Il annonce sa candidature à un second mandat le 15 février 2022 sur le plateau du 20 heures de TF1. S'en suivra une campagne dispendieuse. L'opposition reprochera à Nicolas Sarkozy de faire campagne sur les deniers de l'État. Ses meetings à grand spectacle n'y feront rien. Au second tour, le 6 mai 2012, François Hollande est élu président. Nicolas Sarkozy restera convaincu qu'il lui aurait fallu deux semaines de plus pour inverser la tendance et être réélu.
Son successeur socialiste, lui, sera le premier à renoncer à briguer un second mandat. Plombé par un bilan catastrophique et une image désastreuse, il laissera s'envoler l'un de ses ministres vers l'Elysée. Emmanuel Macron lui succède en mai 2017.