A quelques jours du deuxième tour de la présidentielle française, plusieurs sondages confirment la large avance du candidat centriste-libéral Emmanuel Macron sur la candidate d'extrême-droite Marine Le Pen. Celle-ci, malgré sa progression, reste distancée de près de 20 points. Ralliements et simples appels en faveur du candidat d'En marche ! se multiplient. Une grande part de l'électorat de Jean-Luc Mélenchon - et plus encore son noyau dur - y reste sourd.
Au lendemain de la - toute relative – trêve du 1er mai et à quelques jours de l'échéance, la campagne électorale française connaît un nouveau raidissement.
Pour le favori Emmanuel Macron, les sondages restent favorables mais ils s'assombrissent un peu et les augures deviennent préoccupants au seuil d'une séquence décisive.
Selon un sondage Eulabe publié le 2 mai, avec 59% des voix, celui-ci l'emporterait encore largement face à la candidate du Front national, qui obtiendrait 41% des voix, en hausse de cinq points depuis le 24 avril, lendemain du premier tour, selon cette enquête réalisée pour l'Express et BFM TV.
Ce sondage a été effectué avant et après l'annonce, samedi, d'un accord entre Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, le candidat de Debout La France arrivé sixième au premier tour de l'élection présidentielle avec 4,7% des voix. 18% des personnes interrogées n'ont pas exprimé d'intention de vote pour le second tour. 91% des électeurs d'Emmanuel Macron et 86% des électeurs de Marine Le Pen assurent désormais que leur choix est définitif.
Un sondage IPSOS Sopra Steria effectué en partie avant l'annonce, samedi, de l'accord entre Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan confirme la tendance. Marine Le Pen, créditée de 40% des intentions de vote, serait battue au second tour de l'élection présidentielle par son rival d'En Marche !, mais progresse de deux points par rapport au 23 avril, selon cette enquête réalisée pour France Télévisions et Radio France, et publiée mardi.
Soutiens tous azimuts
C'est dans ce contexte, face à l'abstention qui pourrait favoriser l'extrême droite au second tour et à la veille d'un duel télévisé avec sa rivale Marine Le Pen que les appels à soutenir Emmanuel Macron se multiplient, mobilisant un nouveau cercle plus éloigné du candidat.
Artistes, politiques, patrons, militants associatifs, grands médias : les tribunes et les pétitions en faveur du candidat du mouvement "
En marche !" s'enchaînent. Plusieurs artistes donnent de la voix, comme les cinéastes Mathieu Kassovitz et Luc Besson, le directeur du célèbre festival d'Avignon, Olivier Py, le prix Nobel de littérature Jean-Marie Le Clézio, mais aussi nombre de chanteurs, d'humoristes et de dessinateurs. Un rassemblement du monde de la culture "
contre le FN" se tenait mardi soir à Paris et un forum "
contre l'abstention" rassemblera vendredi des personnalités politiques de droite comme de gauche.
Côté médias, le grand quotidien catholique
La Croix a appelé mardi à voter Macron, emboîtant le pas à une série d'autres journaux nationaux.
Parmi les grands patrons, plusieurs, à l'instar du PDG du groupe aéronautique européen Airbus Tom Enders, ont exprimé leur "
plein soutien" à l'ancien ministre de l'Economie du gouvernement socialiste (2014-2016) face à la candidate du FN, hostile à l'immigration et à l'euro.
Au plan international, Emmanuel Macron reçoit un soutien inattendu : celui de l'ex-ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, une des références de la gauche radicale en Europe. Ce dernier appelle mardi à voter pour Emmanuel Macron, "
le seul ministre d’État en Europe" à avoir fait "
tout son possible" pour aider Athènes pendant la crise de la dette.
Dans le quotidien
Le Monde, Yanis Varoufakis déclare "
refuser de faire partie d’une génération de progressistes européens qui auraient pu empêcher Marine Le Pen de gagner la présidence française mais ne l’ont pas fait".
Cette profusion de soutiens – enthousiastes, réservés ou critiques, parfois même assortis d'une déclaration d'hostilité sur le fond et d'une promesse de conflit après l'élection – tranche avec la rareté des ralliements – du moins de personnalités connues – à Marine Le Pen. Même celui – surprise - du souverainiste de droite Dupont-Aignan s'est opéré au prix d'une rupture interne de son petit mouvement et il y a perdu l'un de ses principaux intellectuels, le journaliste Dominique Jamet. Nombre de ses fidèles ont manifesté leur trouble, jusque dans son bastion de l'Essonne.
Irréductibles
En dépit de cette quasi-unanimité médiatique en faveur du vote Macron, un gros morceau, pourtant, demeure rétif à l'attraction ou aux appels du candidat d
'En marche ! : celui de l'électorat de Jean-Luc Mélenchon, un cinquième des voix du premier tour appelé à demeurer groupé sous la bannière "
la France insoumise".
Selon un sondage récent d'IPSOS, un peu moins de la moitié de celui-ci se reporterait sur Emmanuel Macron, un cinquième sur Marine le Pen, un tiers choisirait l'abstention.
Une consultation en ligne des «
insoumis » réalisée la semaine dernière auprès des 430 000 soutiens déclarés de Jean-Luc Mélenchon dès avant le premier tour (ceux venus après ne pouvant participer au vote) a livré ce 2 mai - avec 240 000 réponses - un chiffre sensiblement différent : deux tiers pour l'abstention ou un vote blanc ou nul, un tiers pour un bulletin « Macron ». Le vote Le Pen n'était pas proposé.
Plusieurs figures du mouvement ayant de leur côté individuellement fait connaître ou laissé entendre leur vote Macron, la consultation reflète une radicalité plus ferme de la base ou une aversion plus grande à l'égard du candidat libéral.
Celle-ci risque de ne pas faiblir après la fin de non-recevoir d'Emmanuel Macron à la demande de Jean-Luc Mélenchon de renoncer ("
un geste") à son projet de «
réformer » par ordonnances (sans débats parlementaires) le Code du travail dès son entrée en fonction. Sujet sensible qui avait jeté l'an dernier dans la rue une partie de la France attachée à une loi et un État protecteurs et contribué à la ruine du gouvernement dans son électorat de gauche.
Aux yeux de nombre d' «
Insoumis », l'inflexibilité du candidat d'
En marche ! et son rejet de toute concession réduisent à une usurpation ses appels à l'union républicaine face au péril fasciste invoqué, comme sa culpabilisation des abstentionnistes.