L’arrestation mardi 18 avril de deux personnes soupçonnées d’avoir voulu fomenter un attentat à Marseille relance la polémique sur la sécurité. François Fillon et Marine Le Pen l’ont aussitôt exploité. Le regard de Richard Werly (Le Temps).
«Gloire aux forces de sécurité. Gloire à ceux qui portent l’uniforme pour nous défendre.» A Lille mardi 18 avril, le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand a donné le ton de ce qui pourrait être la stratégie gagnante pour son candidat François Fillon: capitaliser le plus possible sur l’inquiétude des Français et sur le besoin d’autorité, à quatre jours du premier tour du scrutin, dimanche prochain.
Dans l’enceinte du Grand Palais lillois où François Hollande tint en 2012 son dernier meeting de campagne, entre trois et quatre mille sympathisants fillonistes sont au rendez-vous. Ambiance sans relief, mais force de conviction affichée.
«Fillon sait ce que veut dire nous protéger», explique Jean-Luc, jeune retraité venu de Louville, un village voisin.
«Il a été premier ministre. Il connaît les enjeux de sécurité.»
L’intéressé, monté sur scène sous les applaudissements, martèle d’emblée le refrain qu’il estime gagnant: le refus du «multiculturalisme» qui détruit la France et l’expose aux menaces. Quelques heures plus tôt, François Fillon s’est arrêté à Calais, au centre d’accueil Jules-Ferry situé au cœur du terrain vague de l’ancienne «jungle» des migrants, démantelée en octobre 2016.
Au moment même où le procureur de la République détaille, à Paris, les éléments qui ont conduit à l’interpellation des deux suspects soupçonnés d’avoir voulu s’en prendre à lui, l’ancien premier ministre tape sur Macron, «trop peu expérimenté», et sur Marine Le Pen, dont «il ne faut attendre aucune solution car elle ne fait qu’exploiter les peurs des Français».
Macron toujours en tête dans les sondages
Les sondages, pourtant, sont obstinés: 23,5% pour Emmanuel Macron dans la dernière enquête d’opinion publiée par Paris Match mardi soir, 22,5 pour Le Pen et 19,5% pour Fillon, talonné par Mélenchon avec 19%. Alors? «Il reste beaucoup d’indécis, réplique le député de Vendée Bruno Retailleau, bras armé du candidat de la droite. Plusieurs millions d’électeurs vont entrer dans le jeu ces jours-ci. Or quelle question vont-ils se poser? Qui peut présider la France dans un tel contexte de menace terroriste?»
«La violence règne»
Michèle, Lilloise venue avec son mari, en rajoute:
«Jamais la France n’avait connu autant de morts en temps de paix que sous le quinquennat Hollande.» Le discours de François Fillon sur «le mur de la dette et le risque de faillite économique française» déclenche une salve d’applaudissements.
«Une France attaquée par des terroristes et par les marchés financiers. Croit-on que le chaos de l’extrême droite peut nous sortir de ce bourbier?» poursuit notre interlocutrice.
Dans ces terres nordistes où le Front national est solidement ancré, le risque d’un nouvel attentat n’en est pas moins une réalité favorable au parti de Marine Le Pen.
Dès l’annonce des arrestations marseillaises, la candidate du FN a de nouveau dénoncé la menace islamiste. «Plus généralement, c’est la violence qui règne en France, à tel point que les milices d’extrême gauche ou les islamo-gauchistes peuvent se livrer à des exactions quotidiennes en toute impunité, y compris contre la police ou des réunions publiques», a-t-elle tonné. Objectif: porter le fer contre le candidat d’En marche! dont un responsable dans le Val-d’Oise, Mohamed Saou, suscite depuis quelques jours la controverse pour avoir affirmé haut et fort «ne pas être Charlie».
«Macron est un candidat communautariste, immigrationniste, complaisant avec le fondamentalisme, comme l’a montré notamment son indulgence vis-à-vis du burkini», lâche le sénateur-maire FN de Fréjus David Rachline. La surenchère sécuritaire, ou l’ultime tir de barrage lancé contre le centre, pivot de cette imprévisible présidentielle à hauts risques.