Fil d'Ariane
La preuve de ce tsunami médiatico-télévisuel, sera apportée lundi 20 mars 2017 à 21 heures par TF1 et LCI. Pour la première fois de l’histoire politique française, un débat réunit avant le premier tour les cinq candidats crédités de plus de 10% par les sondages. Jusque-là, seul un débat de l’entre-deux tours avait lieu. Marine Le Pen, Emmanuel Macron (les deux étant donnés ex aequo au premier tour, autour de 26%, par un sondage Odoxa ce week-end), François Fillon (19%), Benoît Hamon (12,5%) et Jean-Luc Mélenchon (10,5%) se retrouveront devant les caméras.
C’est la première fois que la présidente du Front national débattra en public avec tous ses adversaires alors que Jacques Chirac, en 2002, avait refusé le duel télévisé avec son père Jean-Marie Le Pen, en finale de la présidentielle. Un second débat aura lieu le 20 avril, et une présence audiovisuelle accrue sera accordée en compensation aux six autres candidats officialisés samedi par le Conseil constitutionnel, mais non conviés: Nathalie Arthaud, François Asselineau, Jean Lassalle, Jacques Cheminade, Philippe Pouthou et Nicolas Dupont Aignan (qui a quitté le plateau de TF1 -samedi 18 mars 2017- pour protester).
Les journalistes de TV sont devenus les principaux adversaires des candidats. Ils transforment toute prise de parole en duel.
Cet hyper-spectacle a été rodé durant les primaires de la droite et du PS, marquées par l’ascendance cathodique de François Fillon et de Benoît Hamon, qui n’étaient pas favoris. Malgré le flop relatif des débats de la primaire socialiste avant le premier tour, les téléspectateurs ont été massivement au rendez-vous sur les grandes chaînes ou sur les quatre chaînes d’information continue (record d’Europe): BFM TV, CNews (Ex Itélé), LCI et Francetvinfo.
Résultat : 26% d’émissions politiques en plus en 2016 selon Médiamétrie. 47,5 millions de téléspectateurs disaient l’an dernier avoir regardé une émission politique contre 40 il y a cinq ans. Retransmise souvent dans les cafés, BFM a imposé son style saccadé, confrontationnel. "Les journalistes de TV sont devenus les principaux adversaires des candidats. Ils transforment toute prise de parole en duel, en spectacle, en pugilat", déplorait devant nous, en janvier, Patrick Stefanini, l’ex-directeur de campagne de François Fillon.
Dans cette campagne française, beaucoup se joue en temps réel. La vitesse, la formule, la vidéo courte qui fait mouche sont des armes bien plus létales qu’auparavant.
Cette imprévisible campagne a en plus un parfait casting. Auteure de J’ai vu cinq présidents faire naufrage (Ed. Robert Laffont), Christine Clerc le reconnaît. "Macron en Bonaparte, Fillon en outsider vainqueur seul contre tous, Hamon en candidat surprise, Mélenchon avec sa verve révolutionnaire et Le Pen de plus en plus impériale. Pour des caméras à la recherche de contraste, c’est parfait". Internet, les médias sociaux et les fake news (fausses nouvelles lancées via les réseaux sociaux NDLR) accélèrent l’engrenage. "Dans cette campagne française, beaucoup se joue en temps réel. La vitesse, la formule, la vidéo courte qui fait mouche sont des armes bien plus létales qu’auparavant," juge Pierre Haski, coordinateur d’un programme de surveillance des «fake news» de la fondation Soros et auteur du Droit au bonheu (Ed. Stock).