Présidentielle vue par les Français de l'étranger : Anaïs chercheuse au Royaume-Uni

Neuvième épisode de notre série sur la présidentielle française vue par les "expats", les Français de l'étranger. "Expatriée temporaire" comme elle se définit, Anaïs mène sa carrière à Londres dans un laboratoire de recherche mais son cœur est resté en France. Depuis le référendum sur le Brexit, elle s'est remise à suivre de près la politique française et donc la présidentielle.

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carte extrait Anais RU
Anaïs a décidé de partir à l'étranger pour travailler dans un laboratoire de recherche. 
©Infographie M.Bruneau/TV5MONDE
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En choisissant ses études, Anaïs savait qu’elle travaillerait un jour à l’étranger. Après un Master et une thèse de biologie — effectuée à Toulouse — en poche, elle part en Belgique.

« Dans la foulée, j’ai cherché un boulot. La Belgique, c’est francophone alors ça ne compte qu’à moitié dans le CV, ce n’est pas vraiment l’étranger. Alors j’ai cherché un pays anglophone. Et le hasard a fait que les personnes qui m’ont recrutée étaient à Londres . » Elle traverse donc la Manche en février 2015 pour s’installer au Royaume-Uni. 
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©Infographie M.Bruneau/TV5MONDE

Dans le secteur universitaire très sélectif dans lequel elle postule « il y a peu de postes, notamment en France », constate Anaïs. Elle décide de partir à l'étranger pour sa carrière professionnelle :  « J’aurais pu trouver un poste en France à Toulouse mais ça n’aurait pas été aussi valorisant pour mon parcours. » 

Aujourd’hui, elle est chercheuse (« le métier que je voulais faire depuis que j’ai 7 ans et demi ») dans un institut de recherche qui est la fusion de plusieurs laboratoires de recherche londoniens, le Francis Crick Institut. Elle travaille en recherche fondamentale de biologie sur le développement embryonnaire du cerveau. 

photo labo anais
Anaïs se trouve sur cette photo dans le centre de recherche où elle travaille comme chercheuse à Londres. 
©A.K/DR


Son contrat dure encore deux ans. « Si je veux rester plus longtemps ce sera possible là où je suis. Mais j’aimerais bien chercher un travail en France pour rentrer à la fin de mon contrat. » 

Son rapport avec la France

Son retour est plus motivé par des attaches sentimentales que professionnelles. Une fois par mois, elle retourne en France pour « voir son amoureux » et sa famille. « Je garde aussi ce lien avec mon pays parce que mes grands-parents vieillissent et que ma sœur a eu un bébé. » 

Hormis ces liens affectifs, Anaïs préférerait vivre dans la capitale britannique qu'elle a complètement adoptée : « Londres a tous les avantages de la ville géante au niveau de l’offre culturelle, de la mixité des gens sans le côté stressant de la vie parisienne avec les gens qui courent dans le métro. Les gens ici sont souriants, aimables, … » 

En s'installant à Londres, elle découvre un système qui lui semblait plus ouvert : « Au début j'étais surprise parce que c’était totalement différent de ce que l’on voyait en terme de politique d’intégration en France. Ici, il y a des filles voilées partout qui font les boulots que toutes les filles non-voilées font, tout en gardant leur signe religieux. Ma banquière et mon agent immobilier sont toutes les deux voilées. En France, on ne voit pas ça. Pour moi qui venait de France où la question est centrale dans notre République, c’était très surprenant. On est un pays très laïque et on interdit aux gens de montrer leur religion par des signes. A l’inverse, la religion des gens ici est complètement assumée et portée au quotidien. Je me suis rendue compte que finalement ça fonctionne vraiment bien et les gens ont l’air plus épanouis. L’Angleterre et la France, on a des passés coloniaux similaires, impérialistes mais qui ont été gérés totalement différemment. Je me demandais comment ils arrivaient à faire ça, j’étais impressionnée. » 

Si depuis Londres, elle ne partage pas le même quotidien de ses compatriotes, elle se sent totalement concernée par la présidentielle. 

Pourquoi s’intéresser à la présidentielle ? 

Depuis l'autre côté de la Manche, Anaïs a renoué avec son intérêt pour la politique né en 2002 : « L’année où Jacques Chirac s’est retrouvé face à Jean-Marie Le Pen au second tour. J’étais en première au lycée. Cet événement politique a déclenché mon intérêt pour la politique. Jusque là Le Pen était ultra minoritaire, ce n’était pas quelqu’un que l’on prenait au sérieux. Là j'ai compris qu'il fallait se bouger si on ne voulait pas de quelqu'un comme ça comme président. » 

Elle s’investit ensuite pour le référendum européen puis pour sa première élection présidentielle en 2007. Elle a ensuite peu suivi le mandat de François Hollande étant partie à l'étranger deux ans après son élection. 
 

En tant qu’expatriée, on s’immerge et on vit avec les règles du pays dans lequel on est. Mais on continue à appartenir au pays d’où l’on vient.

A son arrivée à Londres, elle s'implique davantage dans la vie citoyenne de son pays d'accueil. « Ici, on vote aux élections locales alors je m’étais plus intéressée à l’élection du maire de Londres. J’ai un peu décroché de la politique française parce qu’elle me concernait beaucoup moins au quotidien. Mais le résultat du Brexit choquant et l’élection de Trump après, ont ravivé ce qui me faisait vibrer politiquement quand j’étais plus jeune. En tant qu’expatriée, on s’immerge et on vit avec les règles du pays dans lequel on est. Mais on continue à appartenir au pays d’où l’on vient. Je me suis dit que je faisais quand même partie du peuple français, même si ce n’est pas au quotidien. Certaines lois qui vont être décidées s’appliqueront quand même à moi et j’ai aussi le droit de donner mon avis. » 
 

Au fond, les peurs des gens sont universelles. 

Avec le Brexit, « certaines personnes étaient très motivées pour fermer les frontières alors que par le modèle d’intégration que je voyais ici, j’avais l’impression qu’ils avaient moins peur de ça… Mais je me suis rendue compte que c’était pareil qu’en France. On en arrive aux mêmes problématiques. Finalement, ce sont les questions de la mondialisation. Au fond, les peurs des gens sont universelles. » 

Anaïs s’est donc investie davantage dans le suivi de la présidentielle, à commencer par les primaires des deux camps Les Républicains et le Parti socialiste.

Récemment, elle s'est aussi rendue avec des collègues à un meeting d'Emmanuel Macron (mouvement En Marche) à Londres :

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Pour elle, il est important que les candidats « repensent le travail en profondeur. » Il reste important pour elle que le futur président  « ne cherche pas des solutions sur 3 ans pour être réélu le coup d’après. Il faut faire des changements en profondeur pour des perspectives à long terme. » 
 

Je suis totalement contre le vote utile.

Elle est certaine d'une chose pour le 23 avril : « je suis totalement contre le vote utile. Le premier tour de la présidentielle, je voterai pour mon candidat préféré.»  Elle se prépare à faire la queue aux bureaux de vote ce jour-là car la communauté des Français à Londres est importante  : « On ira à plusieurs pour passer le temps parce qu’il y a beaucoup d’attente dans les bureaux de vote à Londres. La dernière fois, une amie a attendu plus d’une heure. » Motivée.

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