Présidentielle vue par les Français de l'étranger : Anne avocate à Hong Kong

Onzième épisode de notre série sur la présidentielle française vue par les "expats", les Français de l'étranger. Anne exerce en tant que juriste dans un cabinet de conseil à Hong Kong qui accompagne des entreprises françaises venant s’installer en Asie. Du bout du monde, elle attend du futur président « une politique efficace ».

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extrait carte du monde Anne Hong Kong
Anne a multiplié les expériences professionnelles en Asie. Actuellement, elle travaille en tant que juriste dans un cabinet de conseil à Hong Kong.
©Infographie M.Bruneau/TV5MONDE
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Après des expériences professionnelles à Luxembourg et en Australie, Anne est revenue travailler deux ans à Paris dans un cabinet d’avocats en contentieux commercial. Puis en 2012, elle a l’opportunité de partir en VIE (Volontariat international en entreprise) à Pékin en Chine où elle reste 18 mois. C’est le début de sa carrière en Asie. 

« Ensuite, j’ai entamé une collaboration dans un autre cabinet d’avocats français à Shanghaï où je suis restée 2 ans. Là-bas, j’ai rencontré mon mari qui habitait déjà à Hong Kong où je l’ai finalement rejoint. Je vis ici depuis un an et demi. »

passeport Anne Hong Kong
©Infographie M.Bruneau/TV5MONDE

Si elle est aussi partie à l’étranger c’est parce que c’est là qu’elle a trouvé les opportunités professionnelles les plus intéressantes : « Diplômée en droit des affaires et avocate à 24 ans, on ne me proposait pas grand chose d’intéressant en France. C’était très difficile, il fallait se battre pour trouver un stage, souvent très mal rémunéré. Quant aux stages dans d’importants cabinets, où les grilles les rémunérations sont plus attractives,​ on se retrouve esclave du partenaire pour lequel on travaille, pour faire des choses pas forcément intéressantes, avec des horaires débiles. Les gens ont en tête que parce qu’on est avocat, on va très bien gagner notre vie, mais ça reste une minorité des avocats. A l’étranger, on voulait savoir qui j’étais, si j’allais bien m’intégrer à l’équipe et pas uniquement si j’avais fait la bonne école. Ce qui était davantage l’optique des entretiens que j’avais en France. On me donnait davantage de responsabilités, des conditions de travail plus stimulantes, des horaires plus intelligents, plus de flexibilité. »

Anne et son mari hong kong
Anne et son mari habitent ensemble à Hong Kong depuis un an et demi. Ils envisagent, un jour, de rentrer en Europe. 
©A.D_R/DR

Mais travailler à Hong Kong n’a pas non plus été si simple. « Ce n’est pas pour autant facile de trouver des opportunités professionnelles ici pour des raisons différentes : de visa, de langue, de contenu technique. En arrivant en Chine, je ne connaissais pas le droit chinois or c’était quand même ça qu’il fallait apprendre rapidement. Je me suis donné les moyens de tenter ma chance. »  

vue hong kong Anne
Vue sur Hong Kong où Anne a décidé de s'installer pour rejoindre son mari et y faire carrière. 
©A.D.R/DR

Aujourd’hui, Anne qui est avocate, travaille en tant que juriste dans un cabinet de conseil qui fournit des services administratifs aux entreprises venant s’installer à Hong Kong ou dans le reste de la Chine. « On travaille surtout avec une clientèle occidentale, des start-up ou PME (Petites et moyennes entreprises, ndlr) qui s’installent ou qui développent leurs activités en Asie. »

Par son activité professionnelle, elle reste ainsi très liée à la France. 

Son rapport avec la France

« Depuis que je suis à l’étranger, j’ai travaillé essentiellement pour des sociétés françaises. Je rencontre donc énormément de clients français. Et la communauté d’expatriés ici, à Hong Kong, est très importante. C’est un petit territoire, donc on se connaît tous assez rapidement. »

Ses attaches françaises sont aussi plus personnelles, familiales : « C’est un lien de coeur parce que ma famille et mes amis vivent toujours en France. J’y retourne une fois par an même si j’aimerais pouvoir y aller deux fois par an. En Asie, on a moins de congés qu’en Europe bien que cela dépende des contrats. J’ai 20 jours par an ce qui est plutôt une chance en étant en contrat local. »

Retourner en France, c’est une option parmi d’autres étant donné que mon mari est italien.

A 32 ans, et après 5 ans à l’étranger, Anne envisage-t-elle un retour définitif en France ? « Oui, sans doute, mais je ne sais pas à quelle échéance. Retourner en France, c’est une option parmi d’autres. Etant donné que mon mari est italien, si nous retournons en Europe, ce sera peut-être pour aller en Italie. Notre retour dépendra de nos opportunités professionnelles, de la vie. Si on commencé à fonder une famille, on regardera peut-être les choses différemment. » 

Pourquoi s’intéresser à la présidentielle ? 

Depuis l’autre bout du monde, elle suit de près l’actualité de son pays et plus particulièrement l’élection présidentielle. « La France reste mon pays, ma nation, mes racines, là où je me suis formée, j’ai grandi, étudié et commencé à travailler. On a peut-être un sentiment d’appartenance à notre pays qui est d’autant plus fort qu’on en est en dehors. L’éloignement permet de prendre du recul, c’est un changement d’angle. »

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La jeune femme fait un constat : « J’aime mon pays et ça me rend triste de voir qu’il ne fonctionne pas de manière merveilleuse aujourd’hui. C’est pour ça que je suis partie aussi à l’étranger. C’est parce que j’avais des opportunités professionnelles plus intéressantes en partant qu’en restant. Bien que je sois critique à l’égard de certains aspects du système français, il y en a d’autres qui me plaisent et que j’aimerais voir perdurer ou voir changer pour les générations à venir, et pour moi aussi dans le futur. Je veux que mon pays aille mieux économiquement, que l’on arrive à protéger la laïcité, à promouvoir l'innovation et que l’on arrive à vivre ensemble avec différentes cultures et confessions. »   

On nous donne l’opportunité de voter alors il faut s’en saisir. 

Anne a voté aux primaires de Les Républicains et du Parti socialiste par internet. « Je me suis dit que c’était une opportunité de s’investir et de me forcer à suivre les programmes et les débats. On nous donne l’opportunité de voter alors il faut s’en saisir. »

A l’instar du ressenti en France, je remarque ici aussi une lassitude, une décrédibilisation de la classe politique française.

Mais dans son entourage à Hong Kong, cette position ne fait pas l’unanimité. « Je côtoie plein de Français, entrepreneurs dans des industries très variées, ou qui travaillent dans la restauration, l’import-export du vin ou la sommellerie, des avocats, des juristes d’entreprises, … Parmi eux, je n’en connais pas qui ont participé aux primaires. A l’instar du ressenti en France, je remarque ici aussi une lassitude, une décrédibilisation de la classe politique française. Les gens pensent que de toute façon, ils n’auront pas beaucoup d’incidence sur cette élection. » 

J’attends un programme, pas des propositions racoleuses. 

Anne attend des candidats des propositions sérieuses : « Pour les primaires, certains politiciens nous ont adressé des emails en tant que Français de l’étranger, mais j’avais l’impression qu’on nous faisait des propositions très mercantiles. Si je vote en France, c’est vraiment parce que j’aime mon pays. J’attends un programme, pas des propositions racoleuses. » 

vue hong kong fin de journée anne
Vue sur Hong Kong d'où Anne suit la campagne présidentielle française avec intérêt. 
©A.D.R/DR

Parmi ces sollicitations des politiques, l’une d’elle marquait un changement de stratégie selon Anne : « l’email envoyé par Emmanuel Macron était une proposition intéressante et pertinente en terme de marketing. Au lieu d’adresser un programme, il nous pose un question. Vous êtes invités à participer à un sondage pour expliquer ce qui fonctionne bien dans votre pays et qui pourrait être intéressant pour la France. J’y ai répondu. Que ce soit effectivement pris en compte, je ne peux pas en être sûre mais en termes de communication la formulation du message est différente. » 

Pour qui voter ? Anne l’assure : « Je ne suis pas figée dans mon choix. C’est aussi peut-être une spécificité de ma génération qui n’est pas forcément à droite ou à gauche ou trop attachée à un parti. Nous sommes plus désabusés et on a surtout envie de quelque chose d’efficace que ce soit à droite ou à gauche.»

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