Fil d'Ariane
Dixième épisode de notre série sur la présidentielle française vue par les "expats", les Français de l'étranger. Mehdi s’est installé au Canada depuis 2009. Même s’il ne se voit pas revenir en France, il accorde une grande importance à voter pour la présidentielle.
Mehdi a pris un billet sans retour. Un MBA (Master of Business Administration) en management et marketing du sport en poche, il cherche un emploi alors que la France traverse la crise boursière. « Il y avait peu d’opportunités et je voulais aussi avoir une expérience à l’étranger avec mon MBA. Mon anglais n’était vraiment pas bon. A cette période, les visas les plus faciles à obtenir c’était les visas vacances-travail pour aller en Australie ou au Canada. »
Ce sera finalement Montréal « où l’un de mes amis vivait. » « J’ai tenté ma chance pour voir ce que ça donnait. Finalement, ça a très très bien marché. Depuis 6 ans, je travaille aux "Pages Jaunes". J’ai mis un peu de temps pour trouver mon créneau : j’ai commencé en tant que représentant de vente puis j’ai gravi les échelons. Aujourd’hui, je suis directeur des ventes. »
Epanoui dans sa vie professionnelle et papa d’une petite fille, il ne se voit pas retourner dans son pays. « Je ne me vois pas revenir en France. Je veux bien y retourner pendant les vacances, voir ma famille et mes amis, mais pas pour y vivre. La qualité de vie et les opportunités professionnelles que j’ai ici à Montréal, ça me plait. Cela aurait été impossible pour moi d’avoir cette évolution de carrière en France. »
Je ne me vois pas revenir en France.
Quand il postulait pour chercher un emploi, il a dû faire face à des rejets : « En France, l’intégration, l’immigration ça reste difficile. Quand j’étais jeune et que je postulais à des emplois ou à des stages, j’ai remarqué à de nombreuses reprises que mes collègues décrochaient des entretiens et moi rien du tout, à cause de mon nom. »
Si tu y mets les efforts, tu as beaucoup plus de chance qu’en France ou en Europe de manière générale.
De l’autre côté de l’Atlantique, Mehdi a pu tenter sa chance et braver moins d’a priori. « Quand tu as le potentiel, quand tu veux, tu peux. C’est quand même pas mal vrai. C’est très nord-américain. Si tu y mets les efforts, tu as beaucoup plus de chance qu’en France ou en Europe de manière générale. Mais ils ne t’ouvrent pas la porte si facilement. Ils te laissent en tout cas commencer en bas de l’échelle pour faire tes preuves et ensuite gravir les échelons. »
Son engouement pour le système et la vie québécois ne le coupe pas pour autant de la politique française.
« J’ai quand même passé 25 ans de ma vie là bas. Toute ma famille vit encore en France. Je n’en suis pas parti parce que je n’aimais pas le pays mais parce que je n’y voyais pas d’opportunités pour moi de manière générale. J’ai été conquis par les possibilités qu’il y avait ici, à Montréal. »
On prend aujourd’hui beaucoup de retard quand on regarde à l’échelle internationale.
De là-bas, Mehdi a une toute autre perspective sur son pays d’origine. « On nous parle souvent de la France comme d’un fleuron quand on est à l’intérieur. Mais en fin de compte, on est beaucoup en retrait sur : la politique internationale, l’économie, le social, … On a toujours essayé de faire des choses dans le social plus créatif que tout le monde durant les 30 dernières années. Mais où est-ce que cela nous a mené ? On prend aujourd’hui beaucoup de retard quand on regarde à l’échelle internationale. »
On a du mal à rassembler tout le monde, à trouver les valeurs de la France.
La solution ? Elle viendrait du peuple, du rassemblement, selon Mehdi. « Aujourd’hui, il y a un problème fondamental d’identité. Il existe une division créée par les politiques ou les médias. On a du mal à rassembler tout le monde, à trouver les valeurs de la France. Tant que l’on n’a pas travaillé sur ces fondements là, il n’y aura pas de changements parce qu’il y aura toujours des disparités et des communautés. »
Ils défendent leurs propres intérêts mais on ne se retrouve pas dedans.
Ce qu’il attend d’un futur président ? « Du renouveau. » Mais « pour l’instant on est loin de le sentir. Une partie de la population n’est pas représentée. Je viens de la banlieue, du 91, et je continue à avoir des contacts avec mes amis qui vivent là-bas. Mais je ne vois pas le problème de la jeunesse française très bien cerné ou la question des banlieues abordée par un candidat. Ils défendent leurs propres intérêts mais on ne se retrouve pas dedans. »
Mehdi n’a pas encore arrêté son choix sur un candidat précis pour lequel voté le 23 avril prochain. Emmanuel Macron ? « Il semble plus à droite mais a aussi une approche un peu plus nouvelle. Est-ce que ça vient plus de son âge ou de ses valeurs ? Je ne sais pas. » Il lui reste plus d'un mois pour se décider.