Mais que gagnent ces pays organisateurs des JO ? Car certains pays se retrouvent
surendettés à cause des investissements ... P.B : Il y a plusieurs types d'investissements. Ceux qui restent, comme les autoroutes, les aéroports. Après, est-ce que les enceintes sportives sont réutilisées ou non, ça dépend, bien sûr. Mais en fait, les pays disent que c'est en termes de prestige, de visibilité, d'image, de publicité gratuite que le jeu en vaut la chandelle. Les JO attirent du "soft power" : une popularité, une visibilité internationale.
Pour la Chine en 2008 par exemple, le coût des JO ne comptait pas, parce que c'était l'équivalent d'une campagne de communication au niveau mondial et qu'ils en avaient largement les moyens. P.C : Il y a une sorte de démesure qui s'empare des leaders politiques. Ils pensent que les Jeux olympiques vont leur permettre de consolider leur pouvoir politique. Cela permet aussi à certains d'entre eux de faire disparaître du débat politique des dossiers socialement brûlants. Il y a en même temps une réelle focalisation de la planète entière sur un pays organisateur, il y a donc un effet de puissance médiatique et symbolique qui n'est pas à négliger. Mais si on se déplace, on trouve des villes qui ont été ruinées, comme Montréal, Athènes, et des Etats qui sont largement déstabilisés. Il y a une privatisation des bénéfices au profit des entreprises nationales et internationales, et une publicisation des dettes, qui doivent être remboursées par les Etats. De nombreux investissements sont accélérés, mais ce sont des investissements qui auraient été de toute manière effectués : les JO sont surtout un accélérateur. Le poids des multinationales dans le comité olympique, la proximité du nouveau président avec ce monde des affaires : peut-on dire que le CIO est sous influence ? P.B : Il y a eu des cas de corruption. L'attribution des
Jeux de Salt Lake City en est l'exemple emblématique. Depuis, je crois que le ménage a été fait, que les gens regardent ça d'un peu plus près. Mais bien sûr, les multinationales ont du poids, parce qu'elles sont les sponsors et les bailleurs de fonds des JO. On voit bien, une fois encore, qu'elles ne veulent pas tuer la poule aux œufs d'or. Si les Jeux olympiques devenaient moins populaires, parce qu'on considérerait qu'ils sont truqués ou commandés uniquement par des intérêts commerciaux, ça ne marcherait plus. Les intérêts commerciaux existent mais ce ne sont pas eux qui dictent entièrement la loi, il y a des compromis qui sont passés en permanence. P.C : Aux origines du CIO, on avait des aristocrates fortunés qui ont financé sur fonds propres l'institution olympique. A partir des années 60, 70, il y a des contrats lucratifs qui sont signés avec les chaînes de télévision. Entre les deux, on a l'apparition d'un certain nombre d'hommes d'affaires : le président suédois Sigfrid Edström, de 1942 à 1952 dirige une compagnie électrique, ainsi qu'une compagnie d'ascenseurs, il représente aussi la chambre de commerce de Suède à New York. Son successeur,
Avery Brundage, un Américain, a fait fortune à Chicago dans le bâtiment à l'époque d'Al CApone. Effectivement, y a une remontée des représentants du business dans le CIO. D'ailleurs, dans les candidats à cette dernière élection, il n'y avait que le Suisse qui n'était pas millionnaire.