Fil d'Ariane
Alors que la demande d’extradition vers les Etats-Unis de Julian Assange est examinée lundi 24 février par la justice britannique, de nombreux soutiens manifestent devant le tribunal de Westminster, au Royaume Uni, depuis ce samedi 22 février 2020. Parmi eux, un groupe de Gilets jaunes venus de toute la France.
Ce samedi 22 février, plusieurs personnalités britanniques étaient parmi les manifestants à Londres, comme Roger Waters, co-fondateur du groupe de rock Pink Floyd ou la créatrice de mode Vivienne Westwood qui demandaient la libération du fondateur de Wikileaks, aujourd’hui emprisonné. En France, une partie du mouvement des Gilets jaunes appellent aussi au soutien de Julian Assange. Dimanche soir, le rendez-vous était donné dans le nord de Paris pour rejoindre Londres en bus et pour manifester devant le tribunal où a lieu l’audience.
Corinne, 53 ans est l’une des organisatrices. Gilet Jaune depuis le début, elle a co-créé le groupe Facebook “Assange, l’ultime combat”. “Le groupe porte ce nom aujourd’hui, car le début de cette audience, c’est vraiment la dernière chance avant la possible extradition. S’il est extradé vers les Etats-Unis, nous, on ne pourra plus organiser quoi que ce soit, ailleurs que sur les réseaux sociaux”, nous explique-t-elle.
Pour Corinne, l’intérêt pour l’affaire Assange remonte bien avant son engagement dans le mouvement Gilet jaune. Pour elle, et tous ceux qui sont partis dimanche soir du Nord de Paris vers Londres, ce qui les rapproche du fondateur de Wikileaks, c’est la vérité. “Quand on se bat pour la vérité et la transparence, comme le font les Gilets jaunes, ça veut dire qu’on ne veut plus de la corruption, des passe-droits. La vérité débouche sur plus de justice qu’elle soit sociale, fiscale, etc..”, déclare-t-elle. "Ce qu’on appelle le Gilet jaune aujourd’hui ne croit plus en aucun homme ou parti politique”, indique-t-elle pour expliquer une idéologie commune entre les Gilets jaunes et le lanceur d'alerte.
Pour Bruno Cautrès, politologue au centre de recherches de Sciences Po à Paris (CEVIPOF), ce n’est pas une évidence : “je ne pense pas qu’il y ait un corpus de croyances, de valeurs, de choix politiques communs qui réunisse clairement les Gilets jaunes et Julian Assange”, analyse-t-il. Il comprend cependant le soutien de ce mouvement : “il est clair que la figure de Julian Assange, c’est-à-dire quelqu'un qui dénonce des conflits d'intérêts, des magouilles financières, des manipulations, cadre plutôt bien avec un mouvement de contestation comme celui-là”.
“Je ne crois plus à la politique politicienne” nous avoue “Joules”, un Gilet jaune se préparant à partir à Londres, dimanche 23 février. Le rendez-vous était donné dans un bar du quartier de Porte de la Chapelle, et les sympathisants arrivent au fur et à mesure de la soirée. Les pancartes sont prêtes, et les chants partisans se répètent. Entre deux solos de guitare, Joules parle de ce que représente Assange : “L’acte de Julian Assange est héroïque, et délibéré contre l’impérialisme américain. Il a en quelque sorte creusé sa tombe, au sens propre comme au figuré”. Pour lui, il y a peu de chances que Julian Assange échappe à l’extradition.
Sylvestre, lui, se dit sympathisant Gilet jaune. Il est venu en famille avec son fils de 14 ans et sa filleule de 22 ans. Il compare Julian Assange à Nelson Mandela et regrette que sa filleule ne connaisse que ce dernier, étudié à l’école. “Je suis là pour éduquer mon fils. Je veux participer au monde de demain. Assange a permis la diffusion de la vérité. C’est un acte anti-dictature. Superman, c’est un héros virtuel, Mandela est un héros mort. Il est important que mon fils ait un héros réel, vivant, et libre aussi”.
Considérer Julian Assange comme un héros, ou un "prophète" révèle un manque au sein de ce mouvement pour Bruno Cautrès. “Les Gilets jaunes ne sont pas arrivés à régler le problème le plus important pour eux, celui de l’incarnation du leadership. Aucun leader n’a réussi à émerger, alors avoir de son côté, une figure aussi importante que celle de Julian Assange, un héros pourchassé, menacé de toutes parts pour ses convictions, cela participe à la même narration. C’est une figure quasi prophétique qui évoque la rébellion contre le système”, commente-t-il. “Sur le plan mythologique, ce n’est pas étonnant de voir que ce héros qui arrive tout seul à soulever des montagnes qui ne cherchent qu’à l’écraser soit pris comme symbole par ce mouvement”, poursuit-il.
D’après les organisateurs, côté Gilets Jaunes, on compte au moins 140 personnes au départ, ce dimanche soir. Une première pour Corinne : “Lors du premier déplacement, on était 80 environ, la dernière fois, une centaine”. Que ce mouvement soutienne Julian Assange est une évidence pour l’organisatrice : “Ils comprennent l’importance de ce combat là. Ce sont des gens qui sont encore tous les samedi dans la rue, malgré les violences policières”. Certains ignoraient tout de l’affaire Assange ou de Wikileaks, avant de voir ses banderoles, chaque samedi. “Maintenant les gens viennent à nous pour demander quand auront lieu les prochains événements”, admet-elle.