Fil d'Ariane
Après plus de 10 mois, le plus long procès de l’histoire judiciaire française vient de s’achever. Les 20 prévenus écopent de peines allant de 2 ans de prison à la perpétuité incompressible. Tour d’horizon des principales réactions après l’annonce du verdict.
« C’est un vrai soulagement d’en avoir fini avec le procès », se réjouit Bruno Poncet, rescapé de l’attaque terroriste du Bataclan. Le 13 novembre 2015, un commando terroriste fait 130 morts à Paris. Presque six ans plus tard, le 8 septembre 2021, le procès de ces attentats s’ouvre à Paris. Il s’est achevé le 29 juin 2022, avec l’annonce des peines requises à l’encontre des 20 accusés. Le principal accusé, Salah Abdeslam, est condamné à la perpétuité incompressible. Cette peine est rarement prononcée en France.
Bruno Poncet avoue avoir hâte de reprendre le travail le lundi suivant le verdict, même s’il est conscient du « vide » que va laisser la fin de ce procès. Selon lui, « certaines peines peuvent paraître un peu lourde » et il craint que cela « crée des monstres », en raison du nombre de détenus déjà très important derrière les barreaux.
L’ancien président de la République François Hollande salue un procès « exemplaire. » Dans un communiqué publié sur ses réseaux sociaux, il considère que « la Justice a permis de rechercher la vérité pour mieux comprendre le cheminement du terrorisme islamiste. » Il espère que les enregistrement du procès donneront « aux générations futures les moyens de comprendre ce qu’il s’est produit le 13 novembre 2015, afin que rien ne soit oublié du fanatisme des terroristes et du caractère irréparable des vies broyées. »
— François Hollande (@fhollande) June 29, 2022
« Certains avaient besoin de cette peine », temporise Philippe Duperron, président de l’association de victimes 13onze15. Il fait ici référence à la peine prononcée à l’encontre de Salah Abdeslam, la perpétuité incompressible. « La cour a décidé de la plus extrême sévérité, ajoute-t-il. Je suis convaincu que cela satisfera une partie des victimes. »
J’ai quand même l’impression d’un immense gâchis, on envoie des gens en prison, il y a eu plus de 130 morts et la justice vient réparer l’innommable.Pour Arthur Dénouveaux, président de l’association de victimes Life for Paris
Pour Arthur Dénouveaux, président de l’association de victimes Life for Paris, « le chemin face à cette horreur a été de se reconstruire en groupe, et pas individuellement. » Si le fait de pouvoir « se serrer les coudes » lui a été bénéfique, ce procès lui laisse un goût amer : « j’ai quand même l’impression d’un immense gâchis, on envoie des gens en prison, il y a eu plus de 130 morts et la justice vient réparer l’innommable. » Pour lui, la justice ne lui ramène pas sa vie d’avant. « Avant de penser l’après, je vais digérer le fait qu’on a fini une première boucle. »
« On est à un moment satisfaisant pour tout le monde, en tout cas pour la justice », estime Me Gérard Chemla, avocat des parties civiles. Selon lui, « les peines prononcées ne sont pas excessives » et « on a la sensation après le verdict qu’on tourne une page. » Pour Me Martin Vettes, un des avocats de Salah Abdeslam, « on ne peut pas se satisfaire d’une décision qui met sur un pied d’égalité le commanditaire des attentats du 13-Novembre et Salah Abdeslam, qui n’est pas commanditaire de toute évidence », regrette-t-il sur la radio française France Inter.
On ne peut pas se satisfaire quand on a plaidé l’acquittement, quand bien même la peine prononcée couvre in fine à la détention provisoire.Christian Saint-Palais, avocat de Yassine Atar
Même son de cloche pour Christian Saint-Palais, avocat de Yassine Atar, condamné à huit ans d’emprisonnement. « On ne peut pas se satisfaire quand on a plaidé l’acquittement, quand bien même la peine prononcée couvre in fine à la détention provisoire », explique-t-il. Selon lui, « les contestations juridiques et factuelles développées auraient mérité davantage d’attention » sur l’ensemble du verdict.
L’avocat de Sofien Ayari, condamné à trente ans de réclusion, Me Ilyacine Nogueras estime avoir été écoutée par la cour, sur la volonté de mise en exergue de l’absence de complicité de son client. Pour l’avocate de Mohamed Abrini, condamné à la réclusion à perpétuité avec une peine de sûreté de 22 ans Me Marie Violleau, « c’est un peu compliqué de réagir après dix mois d’audience qui se terminent dans l’hystérie générale. » Les accusés ont désormais dix jours pour faire appel. « On ira le voir en prison pour décider de ce que l’on fait », explique Me Marie Violleau.