Fil d'Ariane
Il s’agit de la peine la plus rarement prononcée en France. Le 29 juin 2022, Salah Abdeslam, seul membre du commando encore vivant à l’origine des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, vient d'être condamné à la perpétuité incompressible. Cette condamnation ne serait pas « conforme à la justice », selon Me Martin Vettes, un de avocats du prévenu.
Interrogé ce 30 juin sur la radio française France Inter, l’avocate s'interrogeait jeudi sur le sens de cette peine, la plus lourde prévue par le code pénal.
"Là où cette décision ne me paraît pas conforme à la justice, c'est que Salah Abdeslam écope de la même peine qu'Oussama Atar (commanditaire présumé des attentats, ndlr) qui a été condamné exactement dans les mêmes termes", a regretté Me Martin Vettes, un de ses avocats, sur France Inter. Salah Abdeslam n'est pas allé jusqu'à tuer directement des civils. L'homme a abandonné sa ceinture d'explosion.
Salah Abdeslam a tué "par procuration". "La sanction n'est pas lourde, elle est juste", lui a indirectement répondu le patron du parquet national antiterroriste (Pnat), Jean-François Ricard, interrogé sur la radio française France Info.
La « culpabilité de Salah Abdeslam comme co-auteur a été retenue, dans la mesure où la cour a estimé que toutes les cibles constituaient une scène de crime unique », précise le président Jean-Louis Périès dans son délibéré.
Il était reproché cinq chefs d’accusation Oussama Atar, « émir » belge de l’État islamique, dont « la direction d’une organisation terroriste. » Puis « la complicité de meurtres en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste », « la complicité de tentatives de meurtre en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste », « la complicité de séquestration, sans libération volontaire avant le septième jour, en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste » et « la complicité de tentatives de meurtres sur personnes dépositaires de l’autorité publique, en bande organisée, en relation avec une entreprise terroriste.» Le tribunal l’a reconnu comme étant « le commanditaire des attentats ».
Les deux frères Français Fabien Clain et Jean-Michel Clain, présumés morts en Syrie, écopent aussi de la perpétuité incompressible. Il leur était reproché quatre infractions, les mêmes que ceux qui étaient reprochés à Oussama Atar, énumérés ci-dessus, à l’exception de la direction de l’organisation terroriste. Les deux frères ont été les « voix » des attentats : Fabien Clain est celui qui a lu le communiqué de revendication des attentats par l’Etat islamique, sur fond des chants religieux de Jean-Michel Clain. Ce rôle a été jugé « essentiel pour diffuser et amplifier la terreur et attirer de nouveaux combattants » par la cour d’assise.
Ahmad Alkhald et Obeida Aref Dibo sont les deux derniers accusés condamnés à la perpétuité incompressible. Ahmad Alkhald, alias du Syrien Omar Darif, était l’artificier en chef de la cellule jihadiste et a été envoyé en Belgique pour « conseiller les membres de la cellule dans la confection » des ceintures explosives. Obeida Aref Dibo était un autre « cadre militaire » syrien de l’État islamique. Tous deux sont présumés morts lors de frappes occidentales en Syrie. De ce fait, Salah Abdeslam est le seul condamné à la perpétuité incompressible qui soit encore en vie.
14 autres peines ont été prononcées lors du verdict. Conformément aux réquisitions, la cour a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de 22 ans Mohamed Arbini, « l’homme au chapeau » qui avait pris la fuite lors des attentats de Bruxelles en mars 2016. Le Belge de 37 ans a « participé » aux préparatifs et « ne peut prétendre qu’il ignorait les modalités des attentats ou des cibles », juge la cour. Il lui était reproché cinq chefs d’accusation, les mêmes que ceux reprochés à Oussama Atar, à l’exception du premier, qui devient « la participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle. » L’accusé a reconnu à l’audience qu’il était « prévu » pour le 13-Novembre, mais la cour a jugé qu’il « a manifestement renoncé au dernier moment. »
Mohamed Bakkali, quant à lui, a été condamné à 30 ans de réclusion avec une période de sûreté de deux tiers, alors que l’accusation avait requis la perpétuité à son encontre. Les mêmes chefs d’accusation que Mohamed Arbini lui étaient reprochés. Le Belgo-Marocain qui avait gardé le silence au cours du procès « a joué un rôle primordial » dans la logistique des attentats en louant des planques et en recherchant des armes. Il est bien « complice » des attaques, juge la cour.
Sofien Ayari et Osama Krayem sont les autres accusés présents au procès, condamnés à 30 ans de réclusion, avec une période de sûreté de deux tiers pour complicité des attentats dont ils avaient« une connaissance précise ». Le Pnat avait requis la perpétuité à leur encontre. Ces deux « combattants » de l’État islamique ont « quitté la Syrie avec de faux papiers » et ont « accepté la mission d’une action violente en Europe ». Selon l’accusation, ils devaient commettre un attentat à l’aéroport d’Amsterdam le 13 novembre 2015. Ils ont « a minima effectué un repérage » ce jour-là, estime la cour dans sa décision. Ahmed Dahmani, un ami très proche de Salah Abdeslam a aussi écopé d’une peine de trente ans avec une période de sûreté de deux tiers. Il a été reconnu coupable de complicité des attentats pour avoir recherché des planques et des explosifs. Le 14 novembre 2015, il s’enfuit en Turquie. En 2016, il y est condamné à dix ans de prison et y est toujours détenu.
Les autres peines prononcées vont de 18 ans de réclusion avec une période de sécurité de deux tiers, pour Adel Haddad et Muhammad Usman, à deux ans d’emprisonnement pour Farid Kharkhach. Pour ce dernier, la cour reconnaît qu’il a fournis de faux papiers pour la cellule djihadiste, mais « aucun élément » ne prouve qu’il savait à quoi ils serviraient, ce pour quoi la qualification terroriste n’a pas été retenue. Ali El Haddad Asufi, « meilleur ami depuis le lycée » du logisticien en chef des attentats Ibrahim El Bakraroui a été condamné à 10 ans de prison avec une période de sûreté de deux tiers, alors que l’accusation en avait demandé 16.
Yassine Atar, petit frère du commanditaire des attentats, a été condamné à 8 ans de prison avec deux tiers de sûreté. « Plusieurs témoignages » confirment une certaine « radicalisation » de celui qui entretenait de « nombreux contacts » avec des membres de la cellule des moments-clefs, justifie le président. Lors de l’audience, il n’a cessé de clamer son innocence. Le chauffeur de Salah Abdeslam à Paris dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 Mohammed Amri à quant a lui été condamné à huit ans de prison. Ali Oulkadi, jugé pour avoir aidé Salah Abdeslam au début de sa cavale et ne pas l’avoir dénoncé est condamné à cinq ans de prison dont deux fermes. Hamza Attou, le plus jeune des accusés, âgé de 28 ans est condamné à qu’antre ans de prison dont deux fermes. Enfin, Abdellah Chouaa, ami de Mohamed Abrini, est condamné à quatre ans dont trois avec sursis.