Procès Preynat : au moins 8 ans de prison recquis pour l’ancien prêtre, jugé pour agressions sexuelles sur mineurs
En cette cinquième et dernière journée de procès, la procureure de la République recquiert au moins 8 ans de prison à l'encontre de l'ancien prêtre. Bernard Preynat, 74 ans, qui reconnaît la plupart des faits, est poursuivi pour des agressions pédophiles commises alors qu'il officiait comme vicaire-aumônier scout à Sainte-Foy-Les-Lyon (Rhône). La décision du tribunal correctionnel de Lyon sera fixé le 16 mars prochain.
Dix victimes, mineures au moment des faits, se sont constituées partie civile, en plus d'une poignée d'associations. Les plaignants, des scouts âgés de 7 à 15 ans à l'époque, reprochent essentiellement à l'ex-curé Bernard Preynat, des attouchements, baisers sur la bouche et caresses réciproques contraintes, notamment sur le sexe.
Un dossier "stupéfiant", "grave" et "effrayant", pour la procureure de la République, Dominique Sauves, qui recquiert une peine d'emprisonnement "qui ne soit pas inférieure à huit années" pour [ces] multiples agressions sexuelles commises sur de jeunes garçons.
"Il me baissait mon short, me touchait le sexe, me masturbait, m'obligeait à me masturber et m'a demandé parfois de le masturber, de caresser son sexe... Il me retournait pour se frotter contre moi", expliquait mercredi 15 janvier, devant le tribunal correctionnel, Stéphane Hoarau, 8 ans à l'époque des faits, ajoutant que ces abus s'étaient déroulés plusieurs fois dans la chambre de l'ancien homme d'église.
Selon lui, les jeunes proies de Preynat se succédaient parfois dans un même local. Appelé par le prêtre sous le prétexte de l'aider à quelque chose (un mode opératoire fréquent chez lui), Stéphane Hoarau se rappelle avoir croisé en arrivant un petit garçon, regard fuyant, tête basse, qui sortait d'une pièce où se trouvait Preynat."J'ai vraiment eu l'impression qu'il lui avait fait subir la même chose qu'à moi", dit-il.
De nouvelles révélations
Depuis le début de son procès mardi 14 janvier, Bernard Preynat, acculé par les témoignages de ses victimes, s'était contenté de reconnaître partiellement les faits en demandant pardon, mais sa défense a pris un nouveau tour mercredi.
L'ancien prêtre a d'abord surpris jusqu'à son avocat en évoquant pour la première fois des abus qu'il aurait lui-même subis dans sa jeunesse, en se référant à une lettre écrite l'été dernier à l'administrateur apostolique de Lyon Michel Dubost.
Dans ce courrier, Preynat raconte notamment avoir été successivement agressé sexuellement par un sacristain de sa paroisse, un séminariste et un prêtre au petit séminaire entre sa sixième et sa quatrième. Des faits qu'il n'avait jamais évoqués avant d'être interrogé par une inspectrice de police début 2016.
Ces révélations ont pris de court son conseil Frédéric Doyez. "Je ne dirais pas que je suis étonné. C'est ce qui se passe lors d'une audience. Mais s'il n'en avait pas parlé, c'est peut-être par crainte que l'on pense que c'est en quelque sorte pour se dédouaner", a-t-il déclaré à l'AFP en marge de l'audience.
"Mi-prêtre, mi-traître"
Ces confidences laissent les parties civiles sceptiques. "Je savais bien qu'on me soupçonnerait de vouloir me chercher des excuses", répond le prévenu. "On n'est pas obligé de me croire."
Selon un expert psychiatre, Bernard Preynat, apparaît comme un être double, vicaire adulé par tous et redoutable prédateur.
Sa personnalité "est de type pervers sexuel. Il n'accède pas à la souffrance de l'autre", explique à la barre du tribunal correctionnel le Pr Michel Debout, expert psychiatre désigné par le juge d'instruction.
Si Preynat n'a rien dit avant, "c'est d'abord parce qu'il avait honte", explique le Pr Debout. Et reconnaître qu'il a été victime, "c'est peut-être le signe qu'il avance". Mais jamais, non plus, Preynat n'a prononcé le mot "victime" pour les autres: "Il m'expliquait que les enfants avaient l'air satisfaits". "Si je dis qu'il était mi-prêtre, mi-traître, c'est qu'en ne maîtrisant pas ses pulsions, il trahissait son vœu de chasteté et son engagement de prêtre".
Ses agressions ont eu lieu entre 1971 et 1991 à Sainte-Foy-Lès-Lyon, la paroisse où il officiait, et lors de camps à l'étranger. De son propre aveu, jusqu'à "quatre à cinq" par semaine.
"Sans accuser" l'Eglise, l'ex-prêtre a aussi évoqué la responsabilité de sa hiérarchie qui, plusieurs fois alertée de ses pulsions, n'a pas exigé qu'il se fasse soigner. "On aurait dû m'aider... On m'a laissé devenir prêtre", explique-t-il, mentionnant une thérapie infructueuse suivie en 1967 et 1968.
De même, il raconte avoir présenté "comme un péché" certains de ses actes et pulsions à son confesseur. Mais "le prêtre me donnait des encouragements pour que je ne recommence pas, et l'absolution".
"Sur la période, ça fait entre 3.000 et 4.000, vous êtes en train de juger un dossier à mille agressions sexuelles près, quand une seule suffit à briser la vie d'un homme", s'est indigné jeudi au tribunal Me Jean Boudot, avocat d'une victime.
À ses côtés, Me Emmanuelle Haziza réclame pour son client que le prévenu, âgé de 74 ans, soit condamné à une "peine lourde". "Car vous avez anéanti sa vie d'enfant, sa vie d'adolescent, sa vie d'adulte."
Les parties civiles ont fini de plaider ce vendredi matin. Le réquisitoire et l'intervention de la défense, pour qui les faits sont prescrits, ont eu lieu dans l’après-midi. Bernard Preyrat, ecopera d'au moins 8 ans d'emprisonnement, selon la procureure de la République, qui estime qu'une telle affaire, "mérite une réponse pénale ferme qui ne peut s'arrêter au bénéfice de l'âge". Le tribunal correctionnel de Lyon a mis en délibéré sa décision à l'issue du procès de l'ex-prêtre Bernard Preynat. La justice rendra sa décision le 16 mars prochain.