Fil d'Ariane
Israël a annoncé une série de sanctions afin de faire "payer le prix" à l'Autorité palestinienne de sa récente démarche pour faire adopter à l'ONU une résolution qui questionne l'occupation israélienne des Territoires palestiniens. Le ministre de l'Intérieur, Itamar Ben-Gvir, a notamment décidé d’interdire le drapeau palestinien dans l’espace public.
Le Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh dénonce "une nouvelle guerre lancée contre le peuple palestinien". Après la résolution voté par l'Assemblée générale des Nations unies le 30 janvier qui demande à la Cour internationale de justice (CIJ) de se pencher sur la question de l'occupation israélienne de territoires palestiniens, Israël ne décolère pas.
La résolution, adoptée à une large majorité avec 87 voix pour, 26 contre, et 53 abstentions à l'ONU, a provoqué l’ire de l’État juif. "Aucune organisation internationale ne peut décider si le peuple juif est un occupant dans sa propre terre natale", avait alors déclaré l'ambassadeur israélien à l’ONU Gilad Erdan.
Depuis, le gouvernement israélien fraîchement élu, qui n’a par ailleurs jamais été autant à droite de l’échiquier politique, a annoncé une série de sanctions à l'Autorité palestinienne afin de lui faire "payer le prix" de cette récente résolution.
Pourtant, "les avis rendus par la CIJ sont des avis non contraignants, il s'agit de condamnations simplement d'ordre déclaratoire, relativise Amélie Ferrey, chercheuse à l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI). Le vrai enjeu pour Israël est que le dossier arrive jusqu'à la Cour pénale internationale (CPI) qui, elle, a un mécanisme contraignant. Ça s'est déjà produit auparavant. Netanyahu redoute principalement une redite."
Pour la chercheuse, cette situation démontre surtout la judiciarisation du conflit israélo-palestinien : "Il y a une stratégie de la part des Palestiniens d'utiliser le droit comme moyen de contrainte sur Israël, notamment depuis que l'OLP (Organisation de Libération Palestinienne) a renoncé à la lutte armée en 1993 lors des accords d'Oslo."
Les sanctions israéliennes sont d’abord financières. Le gouvernement israélien a décidé de prélever 139 millions de shekels (37,3 millions d'euros) de l’argent des taxes et revenus douaniers qui reviennent de droit aux autorités palestiniennes, pour les octroyer à des familles israéliennes de victimes d'attaques palestiniennes.
De plus, Israël retiendra également d'autres fonds perçus appartenant à l'Autorité palestinienne d'un montant équivalent à celui qu'elle verse aux familles des Palestiniens emprisonnés en Israël pour avoir commis des attaques anti-israéliennes, et aux familles de ceux morts en menant des attentats anti- israéliens ou lors de heurts avec l'armée israélienne en Cisjordanie.
Ces mesures marquent une "incohérence du discours de Benjamin Netanyahu qui affirme qu'une résolution du conflit ne passerait pas par une paix politique mais par une amélioration de la situation économique, selon Amélie Ferrey. Or, là, le moyen de pression se fait bien sur les taxes qui sont imposées aux habitants de l'Autorité Palestinienne."
Pour le Premier ministre palestinien Mohammed Shtayyeh, "ces mesures constituent une nouvelle guerre contre le peuple palestinien (...) et contre la survie de l'Autorité nationale" palestinienne. "Elles ont pour seul but de pousser l'Autorité au bord d'un gouffre financier et institutionnel", a-t-il estimé.
"La seule responsable de son déclin est l'Autorité palestinienne elle-même, qui a choisi d'encourager le terrorisme et le meurtre d'Israéliens. Nous ne l'accepterons pas", a alors rétorqué Bezalel Smotrich, nouveau ministre des Finances. "Tant que l'Autorité palestinienne encourage le terrorisme et est un ennemi, quel est mon intérêt à l'aider à continuer à exister ?" a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse devant des familles de victimes d'attaques palestiniennes.
Israël a également décidé de révoquer les permis d'entrée sur le sol israélien à trois responsables palestiniens, des hauts cadres du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, après qu'ils eurent rendu visite à un détenu récemment libéré par l'État hébreu.
Mahmoud al-Aloul, Azzam al-Ahmad et Rawhi Fattouh ont rencontré Karim Younis, un Arabe israélien libéré jeudi 5 janvier après avoir purgé une peine de 40 ans de prison pour le meurtre d'un soldat israélien en 1983.
Le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, a alors ordonné la révocation de leurs papiers après cette visite. "Les trois hommes ont profité de leur statut et sont entrés ce matin en Israël pour se rendre au domicile du terroriste Karim Younis", a affirmé un communiqué.
Dernière mesure de rétorsion, non des moins symboliques, le ministre de l’Intérieur d’extrême-droite Itamar Ben-Gvir a décidé d’interdire le drapeau palestinien de l’espace public, le qualifiant de symbole d’acte "terroriste".
"J’ai ordonné à la police israélienne de faire respecter l'interdiction de faire flotter dans la sphère publique tout drapeau de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) qui montre l'identification à une organisation terroriste et de mettre fin à toute incitation contre l'État d’Israël" a-t-il tweeté.
Une pratique qui était devenue courante avant cet épisode précise Amélie Ferrey. "À chaque fois que quelqu'un sort le drapeau palestinien, la police arrive. Il s'agit juste ici de légaliser une politique qui avait déjà lieu. Ce que craignent les Palestiniens, c'est la négation de l'identité palestinienne, comme lors de l'incursion sur l'esplanade des Mosquées du même ministre." précise l'experte.
Lors de l’enterrement de la journaliste palestienne Shireen Abu Akleh, le 13 mai, les images des officiers arrachant des mains le drapeau de certains membres du cortège funéraire avaient provoqué de vives réactions au Proche-Orient et à l'international.