Qatar : un investisseur omniprésent

Le Président français François Hollande se rend ce samedi 22 juin 2013 au Qatar. Si l'affaire syrienne doit être évoquée, cette visite dans le pays le plus riche de la planète portera essentiellement sur les questions commerciales et économiques.
Le Qatar multiplie les investissements, non seulement en France, mais partout dans le monde. Retrouvez l'analyse de Fabrice Balanche, directeur du Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMMO). 
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Qatar : un investisseur omniprésent
L'emir Hamad bin Khalifa Al Thani / AFP
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Qatar : un investisseur omniprésent
Fabrice Balanche, Directeur du GREMMO
On sait que le Qatar a récemment multiplié ses investissements immobiliers notamment (voir notre encadré) en France. Fait-il pareil dans le monde ? Fabrice Balanche : Le Qatar s’est pas mal focalisé sur l’Europe. Il a investi en Allemagne, plus particulièrement dans l’immobilier  en Angleterre et en France. Il est aussi présent dans de grandes entreprises européennes comme Vinci, Veolia et Total.  Mais pas seulement. Ils sont aussi présents sur le marché immobilier en Turquie avec l’activité portuaire, les complexes touristiques au travers d’un conglomérat de sociétés de construction (Dyar Qatar). En 2008, le Qatar a chassé les pêcheurs qui vivaient dans un village en Syrie pour lancer les travaux d’un grand complexe touristique de millions de dollars. Les investissements dans les pays arabes restent marginaux en comparaison des milliards investis en Europe par exemple. Ils ont peu investi en Russie. Le Qatar mène une véritable stratégie de diversification de ses investissements. Mis à part l’immobilier, les médias, ou le sport notamment, dans quels autres domaines le Qatar investit-il ? En Chine ou en Asie du Sud-Est, ils investissent dans l’immobilier mais aussi dans la téléphonie. Le Qatar est aussi présent dans des sociétés pétrolières et gazières dans la perspective de devenir un géant énergétique. Il entre en concurrence politique avec la Russie qui à travers Gazprom, notamment, veut étendre ses marchés pétroliers au-delà de la Russie. Au Pakistan, au Madagascar ou en Afrique, comme au Soudan par exemple, ils achètent des terres agricoles pour réduire leur facture d’autosuffisance alimentaire. Avant, les pays arabes faisaient de l’agriculture en plein désert mais c’était trop consommateur en eau. Aujourd’hui, ils signent des baux à 99 ans et envoient ensuite la nourriture au Qatar. Les surplus sont exportés. C’était la solution idéale pour eux quand le prix de l’alimentation a flambé. Quand ils produisaient l’alimentation au Qatar, ils devaient faire appel à trop d’immigrés pour la main-d’œuvre. Ainsi, en Afrique ou ailleurs les terres sont fertiles et la main-d’œuvre peu chère.
Qatar : un investisseur omniprésent
Ville de Doha au Qatar / Photo AFP Karim Jaafar
Dans quel pays le Qatar n'investit-il pas ? L’Iran, le Venezuela, tous les pays opposés aux États-Unis, donc au Qatar. Car le pays est un allié stratégique des États-Unis qui ont leur plus grande base militaire au Qatar. Avant d’investir, ils vérifient tout, ils veulent être les maîtres. Donc des pays qui sont peu sûrs comme l’Algérie, ils n’y investissent pas. Par contre, en Tunisie ils sont présents car ils ont financé la campagne d’Ennahdha. Le parti ne va rien leur refuser du coup. On dit aussi que le ministre des Finances a été choisi par le Qatar. En France, aussi le Qatar a la main-mise politique ? Il me paraît en tous cas difficile pour François Hollande de se passer du Qatar. Ils ont des parts dans Lagardère, EADS, Total, Veolia, Vinci. S'il n’y avait pas le Qatar comme investisseur de Veolia, le cours de l’action serait pire. Quand on sait que le Qatar est partenaire dans une société, si l’action chute, il va pouvoir monter au capital. Est-ce que la manne financière du Qatar pourrait se tarir et comment ? Pour le gaz, ils ont des réserves pour un siècle si ils gardent ce rythme de production. Quant à une crise au sein de la famille régnante, ça m’étonnerait. Autant en Arabie Saoudite, la famille royale c’est 10 000 personnes, une véritable gérontocratie dont l’héritier lui-même a 70 ans. Au Qatar, c’est beaucoup plus linéaire, la succession est moins compliquée. Ce qui peut se produire, c’est une guerre entre l’Iran et les pays du Golfe. Pour détruire le Qatar, il suffirait de deux missiles sur les stations de dessalement d’eau de mer qui sont aussi des centrales thermiques. Il n’y aurait plus de climatisation et survivre sans dans des tour en verre… ça serait compliqué.  

Interview de Brigitte Dumortier

Maître de conférence en Sorbonne et co-auteur de “L'Atlas des Pays du Golfe“.

25.09.2012
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Le Qatar investit la banlieue

Le Qatar investit la banlieue
Le fonds d’investissement du Qatar pour la banlieue française ressort du placard après moult rebondissements. C’est le quotidien français Libération qui divulgue l’information dans son édition du 24 septembre. L’histoire débute fin 2011 quand les membres de l’Association nationale des élus locaux pour la diversité (Aneld) font appel aux pétrodollars qataris pour aider de jeunes entrepreneurs en banlieue. Ils obtiennent l'accord du Qatar pour un fonds d’investissements de 50 millions d’euros. Mais à l’approche de l’élection présidentielle en mars 2011, le président en poste, Nicolas Sarkozy devient frileux quant à ce dossier et demande à Claude Guéant de l’enterrer. Certaines critiques se font entendre : on achète la banlieue, le Qatar prend la place des pouvoirs publics, … Ce gèle est une grosse déception pour l'Aneld. L’élection de François Hollande change la donne. Son ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg opère un revirement. Le fonds sera finalement franco-qatari, à destination des entrepreneurs de banlieues et étendu aux « zones rurales paupérisées » selon le journal Libération. Même si aucune somme n’a été donnée, le fonds pourrait s’élever à 100 millions d’euros dont la moitié versée par le Qatar.

Le Qatar en France

Sport : En 2011, le Qatar rachète l'équipe de football du Paris Saint Germain. Création aussi de la chaîne de sport beINsport. Hôtellerie : Le Qatar est propriétaire du Royal Monceau, Hôtel Concorde-Lafayette, Hôtel du Louvre, le Palais de la Méditerranée à Nice, le Carlton à Cannes appartient à un investisseur qatari privé. Immobilier : L'immeuble sur le boulevard Haussmann qui abrite le siège du Figaro. Grandes entreprises : L'emirat est entré au capital de Total, Vivendi, Lagardère, EADS, Veolia Environnement, LVMH

Le point de vue de...

Majed Nehmé, rédacteur en chef du magazine Afrique Asie : "Ils veulent jouer dans la cour des grands mais ne sont que des leviers financiers. Ils cherchent le prestige, l’influence. Ils essayent d’exister en investissant dans les pays occidentaux. Mais l’argent s’il n’est pas bien placé, ne sert à rien. On l’a vu en Occident avec des mastodontes. Ils veulent exporter la démocratie  en luttant contre les dictatures en Libye ou en Syrie. Ils s’associent à l’OTAN pour intervenir en Libye car c’était le régime à abattre. Mais c’est encore un pays moyenâgeux en matière de droits de l’Homme. Il n’y a pas de constitution, pas de Parlement, d’élection municipale."