Quand Apple refuse d'aider le FBI dans une enquête

Apple refuse fermement d’aider le FBI à accéder au contenu chiffré du téléphone portable de Syed Farook, l’un des auteurs de la tuerie de San Bernardino aux Etats-Unis. Le groupe se dit cependant prêt à trouver un compromis.
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©AP Photo/Carolyn Kaster
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Que demande le FBI à Apple ?

Mardi 16 février, la juge de l’Etat de Californie, Sheri Pym, somme Apple de fournir une "assistance technique raisonnable" à la police fédérale américaine (FBI) dans le cadre de l’enquête sur la tuerie de San Bernardino du 2 décembre 2015 perpétrée par un couple d'islamistes américains, qui ont tué quatorze personnes.

Le FBI se trouve aujourd'hui en possession du téléphone portable de Syed Farook, l’un des auteurs de l’attaque, mort au cours des échanges de tirs avec la police. Mais impossible pour la police fédérale américaine d'accéder à son contenu chiffré et protégé par un code. En effet, depuis la sortie du système d’exploitation iOS 8 en septembre 2014, le mot de passe de l’iPhone est lié à la clé de déchiffrement du téléphone. "Casser" l'algorithme de chiffrement (pour exploiter les données d'un Iphone), sans posséder la clé de déchiffrement, demanderait plus de cinq années de travail au FBI, annonçait son directeur James Comey en 2014.

Autre niveau de sécurité de ce nouvel iOS : après dix échecs de saisie du mot de passe, toutes les données de l'appareil (photos, contacts, messages, etc...) sont effacées automatiquement.
 
En clair, la justice demande donc à Apple de développer une sorte de logiciel capable de contourner cet effacement automatique des données pour accéder au contenu du téléphone. ​Mais, selon Tim Cook, cela revient à créer une faille dans leur système. Impossible pour le PDG d'Apple : "le gouvernement américain nous demande quelque chose que nous n'avons tout simplement pas et que nous considérons trop dangereux à créer. Ils nous demande de créer une "porte dérobée" sur notre téléphone", ce qui affaiblirait sa sécurité. 

Qu’est-ce que le chiffrement ?

Le chiffrement est un procédé qui rend incompréhensibles des informations pour celui qui n’a pas la clé de déchiffrement. Dans le cas du chiffrement des iPhones, Apple ne possède pas cette clé, connue uniquement des propriétaires des téléphones, et qui correspond par défaut au code d'accès à quatre chiffres de l'appareil. Un code plus complexe, de 6 chiffres ou de caractères numériques et alphanumériques peut être choisi par l'utilisateur s'il souhaite améliorer encore plus la sécurité permettant l'accès à son Iphone.

Pourquoi Apple refuse d’accéder à la requête du FBI ?

Tim Cook s’explique dans une lettre publiée sur le site de l’entreprise le 16 février : pour lui, il est impossible de créer un tel logiciel qui ne servirait soi-disant qu’une seule fois sur l’iPhone 5c de Syed Farook. Car à partir du moment où le logiciel est abouti, il est utilisable à l’infini. 

A la Maison-Blanche, on se veut rassurant.  La justice américaine "ne demande pas à Apple de modifier son produit ou de créer un moyen détourné d'accéder à l'un de leurs produits ", mais uniquement d'accéder à un "appareil spécifique". 

Si Apple acceptait, cela représenterait un "dangereux précédent", selon le PDG de la marque à la pomme. Il s'inquiète aussi que le gouvernement américain, ses services de renseignement et de police, puissent alors en abuser allègrement, que ce soit pour une affaire de terrorisme ou non. 

De fait, si l’Etat a accès aux données personnelles des utilisateurs d’iPhones, et d’autres smartphones, la protection de leur vie privée et de leurs données personnelles s’en trouverait menacée. Et l’image de marque de l’entreprise en pâtirait.

Mais lundi 22 février, Apple s’est dit prêt à trouver un compromis en soutenant la création d’un groupe d’experts sur le renseignement, les technologies et les libertés civiles afin de discuter du chiffrement. Une condition motive cette décision : les autorités américaines doivent cesser de forcer l’entreprise à débloquer l’iPhone de Syed Farook.

Par ailleurs, Apple affirme que les enquêteurs du FBI ont changé le mot de passe du téléphone de Syed Farook. "Changer le mot de passe implique que le téléphone ne pouvait plus accéder au service du iCloud, où sont stockées les données des appareils" a souligné le groupe. C'est cette erreur qui, selon la firme à la pomme, empêcherait définitivement de récupérer les données de l'iPhone.

Quelques jours plus tard, le jeudi 24 février, Tim Cook a défendu le point de vue d'Apple sur la chaîne américaine ABC. "Je suis persuadé que nous faisons le bon choix" a-t-il affirmé, avant d'ajouter que céder à la requête du FBI serait "mauvais pour l'Amérique". Une fois de plus, il s'est justifié en faisant de la protection des données personnelles sa priorité absolue.

En quoi cette requête peut nuire à l’image de marque d’Apple ?


Si Apple accédait la demande du FBI, la confiance de sa clientèle pourrait être mise à mal. Depuis les révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage de grande ampleur de la NSA grâce à son programme de surveillance électronique PRISM, les grands groupes technologiques, comme Apple ou Google, soignent leur image de marque. L’efficacité du chiffrement et de la sécurité de leurs appareils est un argument de vente essentiel. Apple s'en targuait d'ailleurs à la sortie de l'iPhone 6, en septembre 2014, suscitant déjà les foudres du patron du FBI James Comey, qui l'accusait de fournir aux criminels un moyen d'échapper à la loi.