Un "label de vérification des faits" est testé dans certains pays depuis quelques mois par Google. Le géant des moteurs de recherche veut étendre ce principe au monde entier. Facebook a lui aussi débuté son système de vérification des faits. Comment fonctionne cette "course à la vérité" des géants du web, et avec quelles conséquences ?
Les "Fake news" (ou fausses informations) sont devenues un sujet d'inquiétude d'ampleur mondiale, et la France n'échappe pas au phénomène.
Une sénatrice, Nathalie Goulet communiquait il y a peu sur une proposition de loi à ce sujet, voulant ouvrir une réflexion nationale sur les "Fake news", et faisant de l'éducation aux médias une "grande cause nationale". Le géant californien Google, n'a lui, pas attendu les réflexions françaises pour se lancer dans la course contre les fausses informations, choisissant de passer des partenariats avec des médias. Le principe est de marquer certains liens pointant vers des sites d'information par un qualificatif de "vrai", "faux" ou "partiellement vrai" dans le moteur de recherche.
Pour l'heure ce sont seulement des sites américains qui donnent cette indication, comme l'illustre cette recherche :
Ici, une information accusant la firme Monsanto d'avoir fait supprimer des preuves sur le glyphosate comme agent cancérinège présent dans la nourriture américaine est déclarée comme "fausse". C'est le site de fact-checking snopes.com qui a traité cette information. Google affiche donc le résultat de cette vérification d'information, avec un "faux" explicite. L'article de fact-checking dédouane Monsanto sur les accusations de suppression de preuves sur le glyphosate, mais aussi sur le glyphosate lui-même : aucune preuve — selon snopes.com — que le glyphosate puisse être un cancérigène :
Cette vérification américaine de l'information sur le glyphosate est pourtant fortement contestée en Europe, tout comme l'innocuité et l'absence de Roundup, herbicide fard de Monsanto dans les aliments . Mais au delà de cet aspect scientifique contradictoire, le plus troublant reste la publicité affichée en haut de l'article :
Le site snopes.com labélisé par Google explique que les activistes écologistes mentent à propos de Monsanto, tout en étant sponsorisé lui-même par une publicité… Monsanto. Où commence et où s'arrête le conflit d'intérêt ? Comment le lecteur peut-il se fier à cette information censée rétablir la vérité, alors que l'entreprise défendue par le site finance ce même site ?
La guerre pour la vérité : un marché juteux ?
Google comme Facebook ont été accusés de faire le jeu des sites de fausses informations et tentent désormais de réagir en proposant des solutions de fact-checking intégrées à leurs sites web. Le principe est de renseigner l'internaute sur la fiabilité de l'information qui lui est proposée. Dans le cas de Google ce sont des médias partenaires qui ont été retenus pour participer à ces vérifications — des vérifications qui s'afficheront bientôt à côté de certains articles en français apparaissant dans le moteur de recherche.
La firme américaine précise tout de même que "
la vérification des faits ne sera pas du ressort de Google", ainsi qu'une nuance indiquant que "
plusieurs conclusions différentes pourront être alors présentées".
Il y a 115 médias impliqués dans ce "Google fact-check" dont 6 médias français.
L'explication en vidéo (anglais) du projet de fact checking de Google :Le réseau social Facebook a lancé quant à lui le principe du "cross checking" (vérification croisée NDLR) — en plus de donner des indications à ses utilisateurs pour mieux repérer les fake news. L'idée est simple : l'utilisateur de Facebook peut "dénoncer" une information qui lui semble fausse à des médias triés sur le volet par Facebook. Voici ce que le communiqué de l'entreprise de Mark Zuckerberg du 3 mars indique :
- les utilisateurs de Facebook peuvent signaler les fausses informations en cliquant sur le coin droit d’une publication,
- les organisations tierces de fact-checking* pourront alors vérifier les informations signalées par les utilisateurs de Facebook,
- lorsqu’une publication sera qualifiée de fausse information par deux des organisations de fact-checking, elle sera identifiée comme étant contestée.
*L’AFP, BFMTV, L’Express, France Médias Monde, France Télévisions, Libération, Le Monde et 20 Minutes sont les fact-checkers ayant accès à l’outil.
Les dirigeants de Facebook n'excluent pas de rémunérer à terme les médias pratiquant le fact checking. Une "économie de la vérité sur Internet" est-elle en train de naître ?
Uber et sa "fake application" : un cas d'espèce
L'entreprise Uber — de mise en contact par smartphones entre clients et VTC (véhicule de transport avec chauffeur NDLR) — a reconnu il y a peu avoir utilisé un programme secret nommé "GreyBall ". Cet outil informatique était destiné à tromper les policiers des villes où Uber était interdite. Le quotidien Le Monde raconte cette histoire de fabrication de fausse application avec fausse carte de la ville et faux VTC… qui laisse songeur :
"(…)à Portland (Oregon), ville où Uber n’avait pas encore l’autorisation d’opérer, des policiers ont tenté d’interpeller des chauffeurs en se faisant passer pour des clients. Mais l’entreprise californienne avait mis en place un système pour les repérer entraînant un renvoi vers une fausse application où les voitures affichées à l’écran n’existaient pas."
Le principe d'une "vérité certifiée" dans le cyberespace semble de moins en moins réaliste à mettre en œuvre, tant les possibilités de duperies dans le monde du numérique sont grandes. Et pourtant, c'est à ce moment précis que les grands opérateurs du web semblent vouloir devenir les "vecteurs de la vérité mondiale". Dans un monde potentiellement "truqué" par ces mêmes entreprises géantes du web, la chasse aux truquages devrait-elle leur être confiée ? La question se pose…