Facebook espère révolutionner le monde numérique et ses usages. L'achat en ligne, l'usage des réseaux sociaux, les visioconférences seront transformés par de nouveaux univers numériques appelés "métavers", selon la firme de Mark Zuckerberg. Que sont précisément ces "métavers" ? Décryptage.
"Une nouvelle expérience formidable", "
une vague économique capable de créer des opportunités pour les gens dans le monde entier !" Mark Zuckerberg n'a plus qu'un seul mot à la bouche : "métavers." Le pari économique pour Facebook est conséquent. Le géant du web a en effet décidé d'embaucher 10 000 personnes pour le seul continent européen. L'objectif est de développer ce nouvel outil numérique, les "métavers" (issu de l'anglais
meta universe).
Facebook promet aux internautes une nouvelle expérience du web sur des activités que tout le monde pratique déjà sur internet, comme la visioconférence, le shopping en ligne, le streaming et l'usage des réseaux sociaux. Pourquoi un tel engouement ?
Faire son shopping en ligne dans un nouvel espace numérique plus immersif
Dominique Boullier, professeur des Universités en sociologie à Sciences Po Paris travaille sur ces questions numériques. Selon l'universitaire, les "métavers" sont présentées comme des outils capables de mieux relier le monde virtuel au monde réel. "
L'idée c'est de générer un univers virtuel entièrement numérique mais connecté au monde réel. Ce dernier nous permet d'interagir en générant des activités de tous types, des jeux, des discussions", précise le professeur.
Facebook promet en effet un usage révolutionnaire du web. "
Les "métavers" sont un ensemble d'espaces virtuels où vous pouvez créer et explorer avec d'autres personnes qui ne se trouvent pas dans le même espace physique que vous. (...) Vous pourrez passer du temps avec des amis, travailler, jouer, apprendre, faire du shopping, créer et plus encore.", explique le géant du web.
Cette nouvelle expérience se veut plus en immersion. Les usagers auront un avatar, un double numérique. Ces avatars pourront revêtir les vêtements que les internautes ont effectivement achetés en ligne. Ce derniers pourront participer à une réunion en 3D avec leurs collègues avatars. Ils pourront également asssiter à un événement sportif ou musical avec leur avatar.
L'idée serait qu'on puisse faire toutes nos activités, shopping, regarder un film, en réalité virtuelle.
Dominique Boullier, professeur des universités des sociologies à Sciences Po et spécialiste des questions numériques
Des espaces virtuels qui utilisent la réalité virtuelle et augmentée
Les "métarvers" utilisent deux nouvelles technologies : la réalité virtuelle et la réalité augmentée. La réalité virtuelle simule numériquement un environnement par la machine. La réalité augmentée vise à intégrer des éléments virtuels dans le monde réel.
Idéalement, l'internaute est plongé dans un environnement virtuel en trois dimensions, où il est possible d'évoluer à travers un avatar ou un hologramme, à la manière du célèbre jeu vidéo
Les Sims.
L'équipement privilégié reste le casque de réalité virtuelle. Celui-ci immerge son utilisateur dans une expérience à 360 degrés. "
On est ici dans une prétention à produire une réalité virtuelle 3D avec un équipement important. Elle est déjà largement utilisée dans les jeux vidéo. L'idée serait qu'on puisse faire toutes nos activités, faire ses courses, regarder un film, en réalité virtuelle.", précise Dominique Boullier.
Les "métavers" ne seront "
pas totalement en 3D", indique Mark Zuckerberg. Ceux-ci pourraient rester accessibles sur un écran classique, ou via la réalité augmentée, "
grâce à un superordinateur dans des lunettes épaisses de 5 millimètres". Les "métavers" de Facebook reprendront les règles de communication verbales et non verbales, similaires à la réalité : gestes, expressions faciales, ton de voix.
Des espaces numériques déjà existants
Les "métavers" existent déjà et n'intéressent pas seulement Facebook. En matière de divertissement, le chanteur Travis Scott avait notamment réussi un joli coup marketing en utilisant la réalité virtuelle en pleine pandémie. Les concerts étant interdits, la star avait réuni ainsi 28 millions de joueurs, devenus spectateurs, en leur permettant de tournoyer autour de son avatar dans ce nouvel espace numérique.
Dans le secteur industriel, d'autres concurrents de Facebook travaillent également sur la conception de ces nouveaux espaces virtuels. C'est le cas de Microsoft. La firme de Seattle développe des "
jumeaux numériques" d'infrastructures, des clones virtuels des "
réseaux de distribution d'énergie, des entrepôts ou des usines" existant, afin de les modéliser. Sur Decentraland, une plateforme en ligne considérée comme l'un des précurseurs du "métavers", il est désormais possible de décrocher un job de croupier dans un casino virtuel.
"
La question centrale est plutôt de savoir "comment se fait la boucle entre les deux mondes, réel et virtuel ? (...) S'il s'agit de faire des réunions Zoom, avec des sensations de coprésence, alors je ne vois vraiment pas l'intérêt.", temporise Dominique Boullier. "
On crée un modèle, un espace virtuel, un "métaverse", mais tout l'enjeu est de le relier ensuite à la réalité." argumente Dominique Bouillier.
Une nouvelle plateforme virtuelle gérée par Facebook ?
L’entreprise Facebook assure qu'elle ne cherche pas à construire un nouvel univers fermé, à l'image de son réseau social et préfère comparer ses "métavers" à un nouvel internet. "
Comme internet, sa caractéristique principale sera son ouverture et son interopérabilité.", assure le GAFA sur son site internet.
Dominique Boullier confirme que Facebook devra "
créer un réseau à part", différent de ses réseaux sociaux, car la technologie utilisée demande une grande réactivité des serveurs. "
Un réseau à part" sur lequel le géant devra réfléchir tout un cadre juridique beaucoup plus contraint que sur Facebook. "
S'il crée un espace, il va falloir créer des règles de pilotage sur le plan juridique. Quand on crée un monde, il faut créer toutes les institutions qui régulent ce monde."
Un concept qui répond plus à un besoin des gamers ?
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À part dans certains secteurs, comme les jeux ou des domaines professionnels, je ne vois pas ce qui pourrait convertir les gens à utiliser cette technologie", affirme Dominique Boullier. Les internautes vont-ils s'armer d'un casque de réalité virtuelle pour vivre leurs réunion Zoom de façon plus immersive ?
La question des équipement n'est pas le seul problème des utilisateurs. L'expérience manque clairement de narration. C'est le cas de Second Life (SL), un "métavers" créé en 2003. Celui-ci fonctionne (presque) 24h/24 mais il montre déjà ses limites. En effet, l'ennui guette vite les internautes.
C'est ce que confirme Dominique Boullier."
On s'ennuie rapidement dans l'espace virtuel crée puisqu'il n'y a pas d'histoire linéaires, continues, les avatars peuvent évoluer comme bon leur semblent. (...) Si vous permettez aux gens de faire de la plongée, alors oui. Si c'est pour refaire les mêmes réunions qu'au bureau, alors non."