Après un accord obtenu en Italie, Xi Jinping se rend en France ce dimanche 24 mars. Le président chinois poursuit sa tournée européenne pour rallier à son gigantesque projet de "nouvelles routes de la soie". De quoi s'agit-il ?
"Un voisin proche vaut mieux qu'un parent éloigné". C’est à Noursoultan (ex-Astana) au Kazakhstan, point de confluence des caravaniers, que Xi jinping a choisi en 2013 de poser le premier jalon de la nouvelle Route de la soie, devenue depuis multiple, par un discours inaugural très remarqué à l'Université Nazarbayev. Aujourd'hui baptisé « BRI » (l’acronyme anglais de Belt and Road Initiative, Initiative route et ceinture), ce nouveau passage est en fait une renaissance à notre ère, au XXIème siècle, de l'ancienne Route de la Soie qui reliait la côte pacifique de la Chine à la Méditerranée il y a 2 000 ans, au moment où l’empire du milieu -« le pays des Seres » pour les Grecs et les Romains de l'époque- était au faîte de sa puissance et de sa domination sur le monde. Avec des nuances à l’aune de la globalisation et de la physionomie mondiale actuelle, car la Chine a désormais un rival de poids : Les Etats-Unis. Sa BRI est donc en quelque sorte la version chinoise et le contrepoint du « America First » de Trump.
Pourquoi maintenant ?
Peu encline pendant longtemps à une quelconque expansion, l’urbanisation et le développement à marche forcée (la plus rapide de toute l’histoire de l’humanité) conjuguée au vieillissement de sa population et à un essoufflement de sa croissance économique ces dernières années, ont poussé Pékin à changer de paradigme et à chercher de nouveaux relais de croissance au-delà de ses frontières.
Combien cela coûte ?
Près de 1000 milliards de dollars ont été engagés dans près d'un millier de projets en Asie depuis le discours de Xi Jinping à Astana. Nombre d'entre-eux sont liés à ce qui semble être des intérêts stratégiques de la Chine à savoir la construction de ports, d'oléoducs, de routes et de voies ferrées qui permettent aux produits chinois d'accéder plus rapidement aux nouveaux marchés et, inversement, contribuent à fournir les produits de première nécessité sur les marchés chinois. Quant à l'énergie sa consommation devrait tripler d'ici 2030.
Un maillage en expansion constante
Avec les nouvelles routes de la soie, on est loin des tracés d’il y a 2000 ans. Au départ une trentaine, le nombre de pays de la BRI a doublé ces dernières années autour de six corridors économiques visant à connecter l'Asie, l'Europe et l'Afrique. Outre l’inclusion de pays tels que le Nigeria en Afrique de l’Ouest, la Bolivie et le Panama en Amérique du Sud et Centrale, ces voies concernent aujourd’hui également les nouvelles routes de l’Arctique ainsi que la conquête spaciale chinoise !
Quels risques ?
Certains évoquent une dépendance accrue des pays de la BRI en raison d’une diplomatie chinoise dite « du piège de la dette » (dept-trap diplomacy) consistant à effacer, alléger ou rééchelonner les dettes contractées auprès de Pékin par des pays impliqués dans les projets en échange de territoires ou de leur silence sur les violations des droits de l’homme. Ce fut le cas en 2011 au Tadjikistan où la Chine a annulé une dette non divulguée en échange de 1 158 kilomètres carrés de territoire contesté. En Malaisie, le coût d’un projet d’un port en eau profonde à Kyauk Pyu a été réduit de 80% passant de 7,1 milliards de dollars à 1,3 milliard, ou encore en Ethiopie le remboursement de l’emprunt sur la construction d’une ligne ferroviaire a été rééchelonné de 10 à 30 ans.
Par ailleurs, les observateurs notent que presque tous les ports et autres infrastructures de transport en construction pourraient être à double usage : à des fins commerciales et militaires. Comme un prélude à de nouveaux types de déploiements, la Chine a établi sa première base militaire à l’étranger à Djibouti en 2018.
Une "contre-offensive" a été lancée. Elle provient d'Inde, où Narandra Modi a inauguré en 2017 la "route de la liberté" fondée sur le développement durable face aux "nouvelles routes de la soie".